Analyse


Anévrisme de l'aorte abdominale : quel traitement ?


27 09 2010

Professions de santé

Analyse de
- Ouriel K, Clair DG, Kent KC, et al. Endovascular repair compared with surveillance for patients with small abdominal aortic aneurysms. J Vasc Surg 2010;51:1081-7. - The United Kingdom EVAR Trial Investigators, Greenhalgh RM, Brown LC, Powell JT, et al. Endovascular versus open repair of abdominal aortic aneurysm. N Engl J Med 2010;362:1863-71.


Conclusion
Pour un critère de jugement mortalité (à 3 ou 8 ans selon l'étude), ces 2 études confirment l'absence de preuve d'un intérêt d'opérer immédiatement un anévrisme aortique abdominal d'un diamètre inférieur à 5 cm et l'intérêt équivalent d'une chirurgie ouverte ou endovasculaire en cas d'anévrisme > ou = 5,5 cm. L'une d'entre elles montre aussi l'absence d'intérêt en termes de mortalité globale d'une chirurgie endovasculaire versus absence d'intervention chez les patients présentant une contre-indication à une chirurgie ouverte.


 

Dépistage

Nous avons déjà commenté dans Minerva plusieurs publications concernant l’intérêt d’un dépistage systématique de l’anévrisme de l’aorte abdominale (1-3) sur base des résultats de l’étude MASS (4,5) ou d’une synthèse Cochrane (6). L’évolution naturelle et le pronostic de cette affection sont connus : décès brutal pour 1 à 1,5% des hommes plus âgés. L’échographie est un test diagnostique approprié avec hautes sensibilité et spécificité, un bon pouvoir discriminatoire et une bonne acceptabilité en raison du peu de lourdeur de cet examen pour le patient. De plus, un anévrisme est identifiable par échographie à un stade latent. Si un bénéfice en termes de mortalité par rupture d’anévrisme est montré à 10 ans chez des hommes âgés de 65 à 74 ans, grâce à un dépistage systématique par ultrasons, le bénéfice au point de vue mortalité globale reste incertain (3). L’absence de diminution de la mortalité totale en cas d’intervention reste un argument ne permettant pas de recommander un dépistage systématique sans une évaluation plus précise au sein du propre système de santé/prévention en faveur du dépistage. Par consensus, les hommes présentant un anévrisme de 4,0 à 5,5 cm de diamètre seront suivis par échographie et opérés en cas d’accroissement rapide du diamètre ou également si le diamètre est supérieur à 5,5 cm. Pour les anévrismes < 5,5 cm de diamètre 2 RCTs n’ont pas montré de bénéfice d’une intervention à ciel ouvert versus surveillance (7,8).

 

Traitement

Deux études thérapeutiques récentes apportent un éclairage complémentaire pour la prise en charge d’un anévrisme de l’aorte abdominale.

La première (9) inclut 728 patients (13,3% de femmes, âge moyen de 71±8 ans) avec un anévrisme de 4 à 5 cm, soit devant être immédiatement opérés par voie endoscopique (n=366, 89% d’interventions effectives) soit placés sous surveillance (n=362, 31% opérés durant l’étude de 20±12 mois de suivi). Il n’y a pas de différence significative observée en termes de mortalité globale (4,1% dans les 2 groupes, HR de 1,01 ; IC à 95% de 0,49 à 2,07 ; p=0,98) ou de décès lié à une rupture de l’anévrisme (HR de 0,99 ; IC à 95% de 0,14 à 7,06 ; p=0,99). Un bénéfice d’une intervention immédiate pour un anévrisme inférieur à 5 cm n’est donc à nouveau pas prouvé sur presque 3 ans de suivi. La puissance de cette étude étant cependant trop faible suivant l’estimation initiale des auteurs, tenant compte aussi d’un cross-over significatif, l’interprétation des résultats devient difficile.

 

La deuxième RCT (10) inclut des patients d’un âge moyen de 74,1±6,1 avec un anévrisme abdominal d’un diamètre d’au moins 5,5 cm et compare chirurgie ouverte versus endoscopique (n=626 dans les 2 groupes). La mortalité dans les 30 jours opératoires est moins élevée en cas de chirurgie endoscopique : 1,8% versus 4,3%, OR de 0,39 (IC à 95% de 0,18 à 0,87 ; p=0,02). La mortalité liée à la rupture d’anévrisme est initialement plus faible avec la chirurgie endovasculaire mais ce bénéfice s’estompe ensuite, partiellement en raison de rupture de prothèses endovasculaires. A la fin du suivi sur 8 ans, il n’y a pas de différence significative pour la mortalité totale (HR ajusté de 1,03 ; IC à 95% de 0,86 à 1,23 ; p=0,72). La chirurgie endovasculaire est associée à davantage de complications liées au greffon, de réinterventions et est plus onéreuse dans cette étude.

 

Une sous-étude des mêmes auteurs (11) repose la question de l’intérêt d’une intervention même en cas d’anévrisme important, du moins chez des patients avec contre-indication physique à une chirurgie vasculaire à ciel ouvert : antécédent de revascularisation cardiaque, angor, valvulopathie sévère, arythmie significative, insuffisance cardiaque non contrôlée, VEMs < 1,0L, insuffisance rénale (créatininémie > 200 µmol/L). Pour ces patients une chirurgie endovasculaire montre une mortalité liée à une rupture d’anévrisme moindre qu’une absence de chirurgie mais sans réduction de la mortalité globale (HR ajusté de 0,99 ; IC à 95% de 0,78 à 1,27 ; p=0,97).

 

 

Conclusion

Pour un critère de jugement mortalité (à 3 ou 8 ans selon l’étude), ces 2 études confirment l’absence de preuve d’un intérêt d’opérer immédiatement un anévrisme aortique abdominal d’un diamètre inférieur à 5 cm et l’intérêt équivalent d’une chirurgie ouverte ou endovasculaire en cas d’anévrisme ≥ 5,5 cm. L’une d’entre elles montre aussi l’absence d’intérêt en termes de mortalité globale d’une chirurgie endovasculaire versus absence d’intervention chez les patients présentant une contre-indication à une chirurgie ouverte.

 

 

 

Références

  1. Bruyninckx R. Dépistage de l’anévrisme abdominal. MinervaF 2004;3(1):14-6.
  2. Chevalier P. Dépistage de l’anévrisme abdominal. MinervaF 2007;6(8):128.
  3. Chevalier P. Dépistage de l’anévrisme abdominal (suite). MinervaF 2010;9(3):38.
  4. The Multicentre Aneurysm Screening Study Group. The Multicentre Aneurysm Screening Study (MASS) into the effect of abdominal aortic aneurysm screening on mortality in men: a randomised controlled trial. Lancet 2002;360:1531-9.
  5. Thompson SG, Ashton HA, Gao L, Scott RA; Multicentre Aneurysm Screening Study Group. Screening men for abdominal aortic aneurysm: 10 year mortality and cost effectiveness results from the randomised Multicentre Aneurysm Screening Study. BMJ 2009;338:b2307.
  6. Cosford PA, Leng GC. Screening for abdominal aortic aneurysm. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 2.
  7. Lederle FA, Wilson SE, Johnson GR, et al. Immediate repair compared with surveillance of small abdominal aortic aneurysms. N Engl J Med 2002;346:1437-44.
  8. Powell JT, Brown LC, Forbes JF, et al. Final 12-year follow-up of surgery versus surveillance in the UK Small Aneurysm Trial. Br J Surg 2007;94:702-8.
  9. Ouriel K, Clair DG, Kent KC, et al. Endovascular repair compared with surveillance for patients with small abdominal aortic aneurysms. J Vasc Surg 2010;51:1081-7.
  10. The United Kingdom EVAR Trial Investigators, Greenhalgh RM, Brown LC, Powell JT, et al. Endovascular versus open repair of abdominal aortic aneurysm. N Engl J Med 2010;362:1863-71.
  11. The United Kingdom EVAR Trial Investigators, Greenhalgh RM, Brown LC, Powell JT, et al. Endovascular repair of aortic aneurysm in patients physically ineligible for open repair. N Engl J Med 2010;362:1872-80.
Anévrisme de l'aorte abdominale : quel traitement ?

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

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