Analyse
Un score clinique prédictif pour l’appendicite chez l’adulte ?
15 09 2014
Professions de santé
Nous avons récemment analysé dans Minerva (1) une synthèse méthodique (2) abordant la question des scores cliniques prédictifs (SCP) disponibles pour l’appendicite chez l’enfant. Nous avons conclu que cette synthèse ne permettait pas d'identifier un SCP suffisamment performant et validé pour ce diagnostic.
Rappelons qu’un SCP pourrait être utile pour sélectionner les patients (enfants, adultes) à risque suffisamment bas d’appendicite pour ne devoir recourir à une imagerie ou une exploration par laparatomie, avec les coûts, les irradiations et les surdiagnostics qui y sont potentiellement associés.
Une étude prospective de validation (3) se penche sur la valeur du « Modified Alvarado Score » (modified, sans biologie sanguine) avec un seuil de 4 (échelle de 0 à 9), pour exclure une appendicite chez l’adulte.
Sont inclus, les patients se présentant au service des urgences dans deux hôpitaux universitaires américains, patients se présentant avec une douleur abdominale aiguë (< 72h, à l’exception des patients en post-opératoire et des femmes enceintes), soit 2 236 personnes. Les sujets chez lesquels une appendicite est évoquée dans les 3 diagnostics les plus probables par le clinicien prenant en charge le patient ont été inclus dans cette étude (n=261, âge moyen de 35 ans). L’urgentiste pratique comme à son habitude (càd une démarche diagnostique dite « non structurée ») ; il établit en outre un diagnostic différentiel par ordre de probabilité et le SCP est recalculé a posteriori par les chercheurs sur base d’une fiche de récolte des données standardisées (28 patients avec données manquantes).
Pour un score de SCP < 4, la sensibilité est de 72% (avec IC à 95% de 58% à 84%) et la spécificité est de 54% (avec IC à 95% de 47% à 61%). Pour le diagnostic clinique dit « non structuré », défini ici comme un diagnostic d’appendicite cité dans les 2 diagnostics les plus probables, les valeurs sont respectivement de 93 et de 33%. Le diagnostic dit « non structuré » fait donc mieux que le SCP en termes de sensibilité, critère le plus pertinent pour exclure un diagnostic.
Cette étude présente plusieurs limites. Seuls les patients n’ayant pas bénéficié d’un CT-scan ont été recontactés par téléphone lors du suivi (Jour 7). Les cas d’appendicite non évoquée par le clinicien à l’admission ou non reconnue au CT-scan ont pu passer inaperçus. Le niveau d’expérience des cliniciens était assez hétérogène et globalement faible. La prévalence d’appendicite confirmée était assez élevée (20%) mais la population était en fait sélectionnée (urgences d’hôpitaux de troisième ligne et inclusion dans l’étude en cas de diagnostic d’appendicite évoqué). A ce propos, il est logique de tester un SCP ciblé sur une maladie dans les situations où celle-ci est évoquée. Un diagnostic de présomption « intuitif » préalable à l’application d’un tel SCP sera toujours nécessaire. Comme souvent, les patients ne parlant pas l’anglais et n’étant pas capables de signer un document de consentement ont été exclus de l’étude, écartant probablement de ce fait une bonne partie des patients peu alphabétisés (ce qui pourrait être important quand il s’agit de tester des outils diagnostiques faisant appel aux capacités de communication). Soulignons que dans cette éude, le SCP n’a pas été utilisé concrètement comme outil d’aide à la décision. Il s’agissait d’en tester la performance théorique, par rapport au diagnostic de référence, puis de comparer ses performances théoriques à la démarche clinique dite « non structurée » effectivement appliquée. Le score d’Alvadaro n’a pas non plus été comparé au score modifié. Cette étude ne nous donne donc aucune information sur l’ « applicabilité réelle » du SCP (temps d’application, adhérence des thérapeutes et variabilité inter-observateurs par exemple) et encore moins sur les éventuels bénéfices cliniques ou économiques de son application.
Conclusion
Un « modified Alvarado score » inférieur à 4 n’est pas suffisamment sensible pour exclure en pratique clinique une appendicite chez l’adulte. Dans cette étude, le diagnostic clinique dit “non structuré” reste plus sensible que ce score clinique prédictif (SCP). Ce SCP ne peut donc pas être proposé pour sélectionner des patients adultes à bas risque d’appendicite pour lesquels le clinicien pourrait se passer d’examens complémentaires. D’autres recherches sont nécessaires pour améliorer ou exclure le diagnostic clinique de l’appendicite chez l’adulte.
Références
- Henrard G. Cet enfant a-t-il une appendicite? MinervaF 2013;12(5):60-1.
- Kulik DM, Uleryk EM, Maguire JL. Does this child have appendicitis? A systematic review of clinical prediction rules for children with acute abdominal pain. J Clin Epidemiol 2013;66:95-104.
- Meltzer AC, Baumann BM, Chen EH, et al. Poor sensitivity of a modified Alvarado score in adults with suspected appendicitis. Ann Emerg Med 2013;62:126-31.
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