Revue d'Evidence-Based Medicine
Le raisonnement ‘test-diagnostic-traitement’
Les résultats de la synthèse méthodique de Rambaud-Althaus (voir plus loin dans ce numéro) nous permettent de conclure qu’il est très difficile d’établir ou d’exclure le diagnostic de pneumonie chez le petit enfant à partir d’un seul symptôme ou signe clinique (1,2). Aucun n’a un rapport de vraisemblance positif (LR+ ; alias force probante) > 2. L’absence de la toux, avec un rapport de vraisemblance négatif (LR-) (1/LR- = force excluante) de 0,3 semble être le meilleur indicateur pour exclure le diagnostic. L’hétérogénéité était importante entre les différentes études originales quant à la sensibilité et la spécificité de certains éléments, tels l’accélération de la fréquence respiratoire et le tirage intercostal. Pourtant, ce sont ces signes cliniques que l’OMS considère comme déterminants pour le diagnostic et le traitement de la pneumonie chez le petit enfant (3). Nous tirons des conclusions similaires de la synthèse méthodique de Moosmayer (voir plus loin dans ce numéro) portant sur la valeur diagnostique de l’anamnèse et de l’examen clinique pour le diagnostic de pathologie de la coiffe des rotateurs (4,5). L’arc douloureux a un rapport de vraisemblance positif (LR+) qui ne vaut que 2 et un rapport de vraisemblance négatif (LR-) de 0,3 pour respectivement établir et exclure le diagnostic de pathologie de la coiffe des rotateurs.
On pourrait conclure que, pour le diagnostic de pneumonie chez le petit enfant, il est inutile de tenir compte des symptômes et signes cliniques parce que leurs valeurs diagnostiques sont trop faibles. De même, pour la pathologie de la coiffe des rotateurs, les différents tests cliniques semblent peu utiles pour faire la différence entre malades et non malades. Pour correctement estimer la valeur clinique d’un test, on ne peut toutefois pas uniquement se baser sur sa sensibilité et sur sa spécificité. L’interprétation correcte des résultats d’une étude diagnostique requiert de tenir compte de différents critères. Tout d’abord, il est important de savoir à quel moment le test étudié est utilisé au cours du parcours diagnostique et dans quelle mesure il est combiné avec les examens déjà réalisés (6,7). Le test a-t-il été évalué au niveau de la première, de la deuxième ou de la troisième ligne de soins ? Une prévalence différente de la maladie (risque a priori) risque en effet d’entraîner des résultats hétérogènes entre les différentes études (1,2,4,5). Pour pouvoir choisir un test approprié, il faut non seulement qu’il soit comparé à d’autres tests, mais aussi que sa place au sein d’une série de tests successifs soit déterminée. Une bonne précision diagnostique n’aura d’effet sur la santé des patients que si elle en améliore également l’indication et le traitement. Le résultat ultime d’un test ne se limite pas simplement à permettre de poser le bon diagnostic, mais se mesure aussi en gain pour le patient en termes de santé. Nous parlons ici du raisonnement ‘test-diagnostic-traitement’ ayant un impact sur la santé du patient. Poser le diagnostic de pneumonie à la radiographie ne veut pas encore dire que nous savons quel patient est atteint de pneumonie bactérienne, quel patient tirera profit d’un traitement antibiotique ou quel patient devrait être hospitalisé. Le choix de la radiographie du thorax comme test de référence pour les signes cliniques de pneumonie n’est donc pas optimal. Il serait donc peut-être plus important de comparer avec les nombreux nouveaux tests rapides pour la détection de marqueurs, tests que l’on dit prometteurs (2). De même, le diagnostic correct de pathologie de la coiffe des rotateurs ou de rupture de la coiffe des rotateurs ne veut pas dire que nous savons avec certitude quel patient entre en ligne de compte pour une intervention chirurgicale et quel patient pourrait bénéficier d’un traitement conservateur (4,5,8).
Conclusion
Tout nouveau test diagnostique doit avoir une place déterminée dans le raisonnement ‘test-diagnostic-traitement’. La conception de la recherche diagnostique devrait donc s’inscrire dans cette réflexion ainsi que son évaluation, dans le but de déterminer correctement sa plus-value en termes de santé pour le patient.
- Rambaud-Althaus C, Althaus F, Genton B, D'Acremont V. Clinical features for diagnosis of pneumonia in children younger than 5 years: a systematic review and meta-analysis. Lancet Infect Dis 2015;15:439-50.
- Michiels B. Valeur des symptômes et des signes cliniques pour le diagnostic de pneumonie chez le jeune enfant. MinervaF 2015;14(6):66-7.
- WHO Pneumonia Fact sheet n°331, Update November 2014.
- Hermans J, Luime JJ, Meuffels DE, et al. Does this patient with shoulder pain have rotator cuff disease? JAMA 2013;310:837-47.
- Poelman T. Valeur des symptômes et de l’examen clinique pour le diagnostic de pathologie de la coiffe des rotateurs. MinervaF 2015;14(6):68-9.
- Ferrante di Ruffano L, Hyde CJ, McCaffery KJ, et al. Assessing the value of diagnostic tests. A framework for designing and evaluating trials. BMJ 2012;344:e686.
- Michiels B. A quoi faut-il faire attention lors de l’interprétation des résultats des études diagnostiques ? MinervaF 2015;14(6):76.
- De Schutter F. Rupture de la coiffe des rotateurs : réparation chirurgicale ou kinésithérapie ? MinervaF 2015;14(6):70-1.
Auteurs
Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
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