Analyse


Utiliser la cigarette électronique (avec nicotine) pour arrêter de fumer ?


24 05 2024

Professions de santé

Infirmier, Médecin généraliste, Pharmacien, Psychologue
Analyse de
Lindson N, Butler AR, McRobbie H, et al, Electronic cigarettes for smoking cesstion. Cochrane Database Systematic Rev 2024, Issue 1. DOI:10.1002/14651858.CD010216.pub8


Question clinique
Quelles sont la sécurité, la tolérance et l’efficacité des cigarettes électroniques avec nicotine, par rapport aux cigarettes électroniques sans nicotine, aux autres traitements de sevrage tabagique et à l’absence de traitement, pour parvenir au sevrage tabagique chez les fumeurs de tabac ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique de la Cochrane qui a inclus tant des RCTs que des études de cohortes montre que l’utilisation de cigarettes électroniques avec nicotine permet davantage d’arrêter de fumer que les produits de substitution nicotinique (degré de certitude élevé), que les cigarettes électroniques sans nicotine (degré de certitude modéré) et que les interventions comportementales (degré de certitude faible), sans augmentation des effets indésirables. De nombreuses incertitudes subsistent quant aux effets indésirables et aux dommages à long terme. En outre, des études à long terme sont également nécessaires pour examiner la rechute du tabagisme, le risque d’une utilisation persistante des cigarettes électroniques et le risque de tabagisme en même temps que l’utilisation des cigarettes électroniques. On ne sait pas non plus quels sous-groupes tireraient le plus grand profit de l’utilisation des cigarettes électroniques avec nicotine au lieu ou en même temps que d’autres interventions reconnues pour le sevrage tabagique.


Contexte

Depuis leur introduction en 2006, une utilisation croissante des cigarettes électroniques (ou e-cigarettes) est observée dans le monde. Actuellement, 4% de la population belge de plus de 15 ans utilise la cigarette électronique au moins une fois par semaine (1). Cette prévalence est la plus élevée chez les personnes qui fument actuellement et chez les anciens fumeurs (2). En 2015, Minerva publiait sa première analyse d’une étude randomisée contrôlée (RCT) dans ce domaine, avec pour conclusion qu’il n’y avait pas suffisamment de données probantes indiquant que les cigarettes électroniques avec nicotine entraînaient davantage d’abandons du tabagisme que les cigarettes électroniques placebo et que les patchs à la nicotine (3,4). Une revue Cochrane de 2014, qui a également fait l’objet d’une analyse dans Minerva, n’a identifié que deux RCTs qui évaluaient l’efficacité des cigarettes électroniques avec nicotine et onze études de cohorte qui en examinaient la sécurité d’emploi. La cigarette électronique avec nicotine semble plus efficace que la cigarette électronique placebo pour le sevrage tabagique à long terme. Mais la qualité de ces données probantes est faible, notamment à cause du petit nombre d’études incluses. L’effet de la cigarette électronique avec nicotine ne différait pas de l’effet du patch à la nicotine, mais ce résultat n’était basé que sur une seule étude, et l’intervalle de confiance était très large (4,6). Une RCT menée en ouvert, plus récente (2019), a montré que les cigarettes électroniques entraînaient deux fois plus de taux d’abandons du tabac après un an que les produits de substitution nicotinique. Dans cette étude, il s’agissait toutefois de patients motivés qui bénéficiaient également d’un soutien comportemental. Une autre remarque concernait le fait qu’après un an, 80% des participants utilisaient encore la cigarette électronique, dont la sécurité n’avait pas encore été suffisamment démontrée (7,8). Une autre étude a également montré que le risque de maladies respiratoires chroniques (asthme, BPCO, bronchite chronique ou emphysème) augmentait considérablement dans les deux ans suivant l’utilisation de cigarettes électroniques, même pour les personnes qui ne consommaient plus de cigarettes ordinaires. Cependant, ces résultats doivent être interprétés avec prudence en raison des lacunes méthodologiques de l’étude et de la brièveté de la période d’observation (9,10). Une mise à jour de la synthèse méthodique Cochrane a été publiée récemment (11). 

 

 

Méthodologie

 

Sources consultées

  • le registre spécialisé du groupe Cochrane sur le tabagisme (Cochrane Tobacco Addiction Group Specialized Register), le registre Cochrane des essais contrôlés (Cochrane Central Register of Controlled Trials), Medline, Embase, PsycINFO, ClinicalTrials.gov, la plate-forme internationale d’enregistrement des essais cliniques (International Clinical Trials Registry Platform, ICTRP) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ; jusqu’au 1er juillet 2023
  • consultation des listes de références des études trouvées et contact avec les auteurs
  • résumés des réunions annuelles de la Société pour la recherche sur la nicotine et le tabac (SRNT) 
  • pas de restriction, ni quant au statut de publication ni quant à la langue de publication.

 

Études sélectionnées

  • critères d’inclusion : RCTs et études croisées randomisées comparant les cigarettes électroniques en tant qu’outil de sevrage tabagique à une situation de contrôle (autre outil de sevrage tabagique, aucune intervention) ou comparant les cigarettes électroniques avec nicotine aux cigarettes électroniques sans nicotine ou comparant l’association de cigarettes électroniques et d’un traitement de sevrage tabagique (thérapie comportementale et/ou médicaments) à un traitement de sevrage tabagique seul ; les études non contrôlées portant sur les cigarettes électroniques étaient également éligibles afin de pouvoir estimer les dommages à long terme 
  • finalement, inclusion de 88 études, dont 47 RCTs, 8 études randomisées croisées et 33 études de cohortes ; parmi les 80 études avec des données concernant le financement, 14 avaient pour promoteur une entreprise du secteur du tabac ou des cigarettes électroniques. 

 

Population étudiée

  • au total, 27235 fumeurs adultes d’âges divers, parmi lesquels des femmes enceintes, dans 45 études menées uniquement auprès de participants motivés pour arrêter de fumer et 25 études menées uniquement auprès de participants qui n’étaient pas motivés pour arrêter de fumer ; dans 32 études, la population recrutée était spécifique : fumeurs présentant des problèmes de santé, comme des antécédents d’infarctus du myocarde (N = 9), fumeurs ayant de graves problèmes de santé mentale (N = 5), fumeurs sous traitement ou ayant été récemment sous traitement pour une consommation abusive d’alcool ou de drogues (N = 4), fumeurs qui fumaient tant des cigarettes électroniques que des cigarettes de tabac (N = 3), fumeurs en situation de précarité sociale (N = 4).

 

Mesure des résultats

  • principaux critères de jugement : 
    • arrêt du tabac après le suivi le plus long, au moins 6 mois après le début de l’intervention, de préférence validé biochimiquement, mesuré en intention de traiter (les participants pour lesquels des données manquaient étaient considérés comme continuant à fumer)
    • nombre de participants présentant des effets indésirables après une semaine ou plus
    • nombre de participants présentant des effets indésirables graves après une semaine ou plus
  • critères de jugement secondaires :
    • nombre de participants qui utilisaient encore toujours des cigarettes électroniques ou des médicaments après le suivi le plus long, au moins 6 mois après le début de l’intervention
    • variation dans les paramètres après le suivi le plus long, au moins 6 mois après le début de l’intervention : monoxyde de carbone (CO) dans l’air expiré, tension artérielle, fréquence cardiaque, saturation en oxygène, fonction pulmonaire, présence de carcinogènes connus dans le sang ou dans les urines    
  • méta-analyses par paires de RCTs similaires avec modèle à effets fixes
  • méta-analyses en réseau pour les 3 critères de jugement principaux avec modèle à effets fixes
  • pour les données dichotomiques, le risque relatif (RR) avec IC à 95% a été calculé ; pour les données continues, la différence moyenne (DM) (standardisée - DMS) de la variation a été calculée entre l’entrée dans l’étude et le suivi 
  • analyses de sensibilité avec élimination des études à haut risque de biais et des études financées par l’industrie du tabac ou des cigarettes électroniques.
                        

Résultats 

  • principaux critères de jugement :
    • davantage d’arrêts du tabagisme (confirmés biochimiquement) après 6 mois à 1 an avec les cigarettes électroniques avec nicotine qu’avec les autres produits de substitution nicotinique (RR de 1,59 avec IC à 95% de 1,29 à 1,93 ; N = 7, n = 2544 ; I² = 0% ; GRADE élevé) sans différence quant aux effets indésirables (N = 5, n = 2052 ; I² = 0% ; GRADE modéré) et aux effets indésirables graves (N = 6, n = 2411 ; I² = 34% ; GRADE faible)
    • davantage d’arrêts du tabagisme (confirmés biochimiquement) après 6 mois à 1 an avec les cigarettes électroniques avec nicotine qu’avec les cigarettes électroniques sans nicotine (RR de 1,46 avec IC à 95% de 1,09 à 1,96 ; N = 6, n = 1613 ; I² = 4% ; GRADE modéré) sans différence quant aux effets indésirables (N = 5, n = 840 ; I² = 0% ; GRADE modéré) et aux effets indésirables graves (N = 9, n = 1412 ; I² = 0%; GRADE faible) ; les effets indésirables les plus fréquents avec les cigarettes électroniques (avec nicotine) (sur la base de RCTs et d’études de cohortes) étaient les suivants : irritation de la bouche et de la gorge, toux, essoufflement, maux de tête, vertiges et nausée ; ils disparaissaient le plus souvent après quelque temps d’utilisation (N = 19 études de cohortes)
    • davantage d’arrêts du tabagisme (confirmés biochimiquement) après 6 mois à 1 an avec les cigarettes électroniques avec nicotine qu’avec un soutien comportemental ou que sans soutien (RR de 1,88 avec IC à 95% de 1,56 à 2,25 ; N = 9, n = 5024 ; I² = 0% ; GRADE faible), mais avec davantage d’effets indésirables (RR de 1,22 avec IC à 95% de 1,12 à 1,32 ; N = 4, n = 765 ; I² = 41%; GRADE faible) sans différence quant aux effets indésirables graves (N = 10, n = 3263 ; I² = 23% ; GRADE très faible)
    • davantage d’arrêts du tabagisme (confirmés biochimiquement) après 6 mois à 1 an avec les cigarettes électroniques avec nicotine + substitution nicotinique qu’avec les cigarettes électroniques + substitution nicotinique (RR de 1,77 avec IC à 95% de 1,07 à 2,94 ; N = 2, n = 1039 ; I² = 0%) et avec les cigarettes électroniques avec nicotine + substitution nicotinique qu’avec la substitution nicotinique seule (RR de 3,53 avec IC à 95% de 1,93 à 6,44 ; N = 2, n = 908 ; I² = 0%) sans différence quant aux effets indésirables et aux effets indésirables graves
    • pas de différence statistiquement significative dans l’arrêt du tabagisme entre les cigarettes électroniques sans nicotine et le soutien comportemental seul (N = 2, n = 388), entre les cigarettes électroniques sans nicotine + substitution nicotinique et la substitution nicotinique seule (N = 1, n = 624) et entre les cigarettes électroniques sans nicotine et la substitution nicotinique (N = 2314), sans différence quant aux effets indésirables et aux effets indésirables graves
  • critères de jugement secondaires :
    • entre les cigarettes électroniques avec nicotine et les produits de substitution nicotinique, il n’y avait pas de différence en ce qui concerne le monoxyde de carbone (CO) dans l’air expiré, la tension artérielle, la fréquence cardiaque, la saturation en oxygène et la fonction pulmonaire, mais des résultats contradictoires sur l’utilisation durable après 6 mois ou plus de cigarettes électroniques 
    • entre les cigarettes électroniques avec nicotine et le soutien comportemental, il n’y avait pas de différence en ce qui concerne le monoxyde de carbone (CO) dans l’air expiré, la fréquence cardiaque et la fonction pulmonaire ni quant à l’utilisation prolongée des cigarettes électroniques après 6 mois ou plus (RR de 1,15 avec IC à 95% de 0,94 à 1,41 ; N = 3), mais il y avait une diminution plus importante de la tension artérielle (différence moyenne de -2,30 avec IC à 95% de -3,91 à -0,69 ; N = 3). 
                                      

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que des données probantes de certitude élevée indiquent que les cigarettes électroniques avec nicotine conduisent à davantage d’arrêts du tabagisme que les autres produits de substitution nicotinique, et des données probantes de certitude modérée indiquent que les cigarettes électroniques avec nicotine augmentent les taux d’arrêts du tabagisme, par comparaison avec les cigarettes électroniques sans nicotine. Il existe également des données probantes indiquant des taux d’abstinence plus élevés avec les cigarettes électroniques avec nicotine qu’avec la prise en charge classique ou avec l’absence de traitement, mais ces données probantes sont de certitude moindre en raison du risque de biais des études incluses. Les intervalles de confiance étaient généralement larges pour les données sur les effets indésirables (graves) et d’autres critères de jugement de la sécurité. Il n’y avait pas de différence en termes d’effets indésirables entre les cigarettes électroniques avec nicotine et les cigarettes électroniques sans nicotine, ni entre les cigarettes électroniques avec nicotine et les produits de substitution nicotinique. L’incidence globale des événements indésirables graves était faible dans tous les bras de l’étude. Aucune preuve d’effets nocifs graves des cigarettes électroniques avec nicotine n’a été trouvée, mais le suivi le plus long était de deux ans, et le nombre d’études était faible.
        

Financement de l’étude

L’étude a été financée par le Cancer Research UK Prevention and Population Research Committee Project (PRCPJT-Nov22/100012) ; certaines des 80 études incluses (n = 14) étaient commanditées par l’industrie du tabac ou des cigarettes électroniques, qui parrainaient également certains des chercheurs.

 

Conflits d’intérêt des auteurs

Plusieurs auteurs confirment des conflits d’intérêt.
                                   

 

Discussion

 

Discussion de la méthodologie

Cette synthèse méthodique a été menée conformément aux directives de la Cochrane Collaboration. Outre des RCTs et des études randomisées croisées, les chercheurs ont inclus des études de cohorte de manière à avoir suffisamment de données concernant les effets indésirables. Deux auteurs ont évalué le risque de biais à l’aide de l’outil Cochrane évaluant le risque de biais. Le risque de biais de sélection était élevé dans 30 études de cohorte incluses ainsi que dans 1 RCT avec randomisation en grappes. Le risque de biais de sélection était faible dans 27 études et indéterminé dans les autres. Pour 24 études, le risque de biais de performance et/ou de détection était élevé en raison de l’absence de mise en aveugle, souvent en combinaison avec des critères de jugement subjectifs. Le risque de biais était élevé vu le grand nombre d’abandons ou la communication sélective des résultats, dans 10 études pour chacun de ces cas. Dans l’ensemble, seulement 10 études présentaient un faible risque de biais (c’est-à-dire un faible risque de biais pour tous les domaines). Un risque de biais global élevé (c’est-à-dire au moins un domaine présentant un risque élevé de biais) a été attribué à 58 études, parmi lesquelles toutes les études de cohorte. Il n’y avait pas de contradiction entre les résultats des études de cohorte et ceux des études randomisées contrôlées. Enfin, force est de constater que 14 études ont été financées par l’industrie du tabac ou des cigarettes électroniques. Mais les analyses de sensibilité ont montré que cela n’affectait pas les résultats.

 

Discussion des résultats

Cette mise à jour de la revue systématique Cochrane a été réalisée dans le cadre de l’approche « living systematic review ». Par rapport à la dernière version (novembre 2022), 10 nouvelles études (5 RCTs et 5 études de cohorte) ont pu être ajoutées. Les données sommées indiquent que, pour 100 fumeurs, 2 à 6 fumeurs supplémentaires arrêteraient de fumer en utilisant des cigarettes électroniques avec nicotine plutôt que d’autres produits de substitution nicotinique. Cette méta-analyse incluait 1 RCT présentant un faible risque de biais dont Minerva a déjà traité (7,8). En outre, pour 100 fumeurs, 1 à 7 fumeurs supplémentaires arrêteraient de fumer en utilisant des cigarettes électroniques avec nicotine plutôt que des cigarettes électroniques sans nicotine. Ici aussi, 1 RCT incluse avec un faible risque de biais et des résultats non significatifs a déjà fait l’objet d’une discussion dans Minerva (3,4). Là aussi, 2 à 5 personnes sur 100 fumeurs arrêteraient de fumer grâce aux cigarettes électroniques avec nicotine, par comparaison avec un soutien comportemental ou l’absence de soutien. Pour ces trois résultats sommés, la certitude des preuves était respectivement élevée, modérée et faible. Une analyse de sensibilité après élimination d’une étude présentant un risque élevé de biais n’a cependant pas eu d’influence sur l’effet des cigarettes électroniques avec nicotine, par comparaison avec les cigarettes électroniques. La comparaison des cigarettes électroniques avec nicotine associées à un soutien comportemental ou sans soutien s’appuie sur un nombre suffisant d’études. Mais comme ce type d’intervention ne peut avoir lieu en aveugle, toutes ces études présentent un risque élevé de biais. Pour tous les autres résultats concernant le sevrage tabagique, la certitude des preuves était très faible en raison d’un manque de données et d’un risque élevé de biais dans les études trouvées. Les résultats de la méta-analyse en réseau étaient conformes à ceux de la méta-analyse par paires. Il convient toutefois de noter que les estimations ponctuelles les plus élevées du sevrage tabagique étaient en faveur de l’utilisation de cigarettes électroniques (avec nicotine) en association avec d’autres produits de substitution nicotinique. Comme cette conclusion ne repose que sur 4 études, dont 3 présentent un risque élevé de biais, des recherches supplémentaires sont nécessaires. 
Des données probantes, de degré de certitude modéré, indiquent qu’il n’y a pas de différence quant aux effets indésirables entre les cigarettes électroniques avec nicotine et les cigarettes électroniques sans nicotine en combinaison avec des produits de substitution nicotinique. Pour tous les autres résultats concernant les effets indésirables, la certitude est faible ou très faible. Aucune RCT ni aucune étude de cohorte n’a mis en évidence de préjudice grave, mais des études à plus long terme sont nécessaires pour obtenir des certitudes suffisantes à ce sujet. D’autres raisons expliquent encore pourquoi la controverse sur l’utilisation des cigarettes électroniques avec nicotine perdure. Les données scientifiques disponibles concernant les instructions relatives au début de l’utilisation des cigarettes électroniques avec nicotine, à la durée d’utilisation et à l’abandon progressif sont insuffisantes (12). On ne sait pas non plus si les taux d’abstinence plus élevés chez les utilisateurs des cigarettes électroniques avec nicotine sont associés à une utilisation à long terme des cigarettes électroniques (4,8,13-15). Cela pourrait conduire à une augmentation de l’état permanent de dépendance à la nicotine (14,16), à un risque accru de tabagisme en plus de l’utilisation des cigarettes électroniques (17) et à une augmentation des risques pour la santé (16,18-20). Le passage à la cigarette électronique n’a pas non plus été associé à une meilleure prévention des rechutes vers les cigarettes de tabac traditionnelles (21,22). Une étude italienne a même montré que le pourcentage de personnes qui recommençaient à fumer des cigarettes de tabac traditionnel était plus élevé que le pourcentage de personnes qui arrêtaient définitivement de fumer (23). Enfin, il convient de noter qu’il n’y avait pas suffisamment d’études disponibles dans la présente synthèse méthodique Cochrane pour déterminer, en utilisant des analyses de sous-groupes, quelles personnes spécifiques bénéficieraient le plus de l’utilisation des cigarettes électroniques (avec nicotine) pour arrêter de fumer.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Le guide de pratique clinique de Duodecim (2019) ne recommande pas les cigarettes électroniques pour arrêter de fumer (24). Le Conseil Supérieur de la Santé (2022) mentionne que les cigarettes électroniques peuvent être considérées comme des aides au sevrage tabagique (25). Cette recommandation a été adoptée par l’Institut flamand pour une vie saine (Vlaams Instituut Gezond Leven) (26) et par Tobacco Stop (27). Toutefois, ce dernier précise en outre qu’il faut éviter de fumer du tabac une fois qu’on est passé aux cigarettes électroniques et qu’avec le temps, il faut arrêter d’utiliser les cigarettes électroniques.  

 

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique de la Cochrane qui a inclus tant des RCTs que des études de cohortes montre que l’utilisation de cigarettes électroniques avec nicotine permet davantage d’arrêter de fumer que les produits de substitution nicotinique (degré de certitude élevé), que les cigarettes électroniques sans nicotine (degré de certitude modéré) et que les interventions comportementales (degré de certitude faible), sans augmentation des effets indésirables. De nombreuses incertitudes subsistent quant aux effets indésirables et aux dommages à long terme. En outre, des études à long terme sont également nécessaires pour examiner la rechute du tabagisme, le risque d’une utilisation persistante des cigarettes électroniques et le risque de tabagisme en même temps que l’utilisation des cigarettes électroniques. On ne sait pas non plus quels sous-groupes tireraient le plus grand profit de l’utilisation des cigarettes électroniques avec nicotine au lieu ou en même temps que d’autres interventions reconnues pour le sevrage tabagique. 

 

 


Références 

  1. Sciensano. Déterminants de Santé : Consommation de tabac. Health Status Report, 29 septembre 2023. URL: https://www.belgiqueenbonnesante.be/fr/etat-de-sante/determinants-de-sante/consommation-de-tabac
  2. Action on Smoking and Health (ASH). Use of e-cigarettes (vapes) among adults in Great Britain. URL: https://ash.org.uk/resources/view/use-of-e-cigarettes-among-adults-in-great-britain-2021. August 2023 (accessed 27/09/2023).
  3. Laekeman G. Aide à l’arrêt du tabagisme : quelle place pour la cigarette électronique ? MinervaF 2015;14(4):42-3.
  4. Bullen C, Howe C, Laugesen M, et al. Electronic cigarettes for smoking cessation: a randomised controlled trial. Lancet 2013;382:1629-37. DOI: 10.1016/S0140-6736(13)61842-5
  5. Chevalier P. Sevrage tabagique : intérêt de la cigarette électronique ? Minerva Analyse 15/09/2015.
  6. McRobbie H, Bullen C, Hartmann-Boyce J, Hajek P. Electronic cigarettes for smoking cessation and reduction. CochraneDatabase Syst Rev 2014, Issue 12. DOI: 10.1002/14651858.CD010216.pub2
  7. Boudrez H. La cigarette électronique est-elle un moyen plus efficace que la substitution nicotinique pour arrêter de fumer ? Minerva Analyse 15/05/2019.
  8. Hajek P, Phillips-Waller A, Przulj D, et al. A randomized trial of e-cigarettes versus nicotine-replacement therapy. N Engl J Med 2019;380:629-37. DOI: 10.1056/NEJMoa1808779
  9. Richard T. L’usage des cigarettes électroniques expose-t-il à un risque de maladie respiratoire chronique ? Minerva Analyse 15/04/2020.
  10. Bhatta DN, Glantz SA. Association of e-cigarette use with respiratory disease among adults: a longitudinal analysis. Am J Prev Med 2020;58:182-90. DOI: 10.1016/j.amepre.2019.07.028
  11. Lindson N, Butler AR, McRobbie H, et al, Electronic cigarettes for smoking cesstion. Cochrane Database Systematic Rev 2024, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD010216.pub8
  12. Amin S, Pokhrel P, Elwir T, et al. A systematic review of experimental and longitudinal studies on e-cigerette use cessation. Addict Behav 2023;146:107787. DOI: 10.1016/j.addbeh.2023.107787
  13. Myers Smith K, Phillips-Waller A, Pesola F, et al. E-cigarettes versus nicotine replacement treatment as harm reduction interventions for smokers who find quitting difficult: randomised controlled trial. Addiction 2022;117:224-33. DOI: 10.1111/add.15628
  14. Hanewinkel R, Niederberger K, Pedersen A, et al. E-cigarettes and nicotine abstinence: a meta-analysis of randomised controlled trials. Eur Respir Rev 2022;31:210215. DOI: 10.1183/16000617.0215-2021
  15. Chen R, Pierce JP, Leas EC, et al. Use of electronic cigarettes to aid long-term smoking cessation in the United States: prospective evidence from the PATH Cohort study. Am J Epidemiol 2020;189:1529-37. DOI: 10.1093/aje/kwaa161
  16. Steliga MA. Health hazards of electronic cigarettes and their utility in smoking cessation. J Thorac Cardiovasc Surg 2022;163:307-10. DOI: 10.1016/j.jtcvs.2020.11.180
  17. Chen DT, Grigg J, Filippidis FT. European Respiratory Society statement on novel nicotine and tobacco products, their role in tobacco control and “harm reduction”. Eur Respir J 2024;63:2301808. DOI: 10.1183/13993003.01808-2023
  18. Ronchetti J, Terriau A. Help me quit smoking but don’t make me sick! The controversial effects of electronic cigarettes on tobacco smokers. Soc Sci Med 2021;274:113770. DOI: 10.1016/j.socscimed.2021.113770
  19. Banks E, Yazidjoglou A, Brown A, et al. Electronic cigarettes and health outcomes: umbrella and systematic review of the global evidence. Med J Aust 2023;218:267-75. DOI: 10.5694/mja2.51890
  20. Rose JJ, Krishnan-Sarin S, Vernat J, et al. Cardiopulmonary impact of electronic cigarettes and vaping products: a scientific statement from the American Heart Association. Circulation 2023;148:703-28. DOI: 10.1161/CIR.0000000000001160
  21. Pierce JP, Chen R, Kealey S, et al. Incidence of cigarette smoking relapse among individuals who switched to e-cigarettes or other tobacco products. JAMA Network Open 2021;4:e2128810. DOI: 10.100/jamanetworkopen.2021.28810
  22. Barufaldi L, Guerra L, de Albuquerque R, et al. Risk of smoking relapse with the use of electronic cigarettes: a systematic review with meta-analysis of longitudinal studies. Tob. Prev Cessat 2021;29:29. DOI: 10.18332/tpc/132964
  23. Liu X, Lugo A, Davoli E, et al. Electronic cigarettes in Italy: a tool for harm reduction or a gateway to smoking tobacco? Tob Control 2020;29:148-52. DOI: 10.1136/tobaccocontrol-2018-054726
  24. Sevrage tabagique. Duodecim Medical Publications 2017. Screené par Ebpracticenet: 2019.
  25. Conseil Supérieur de la Santé. Cigarette électronique : évolution. Avis 9549, 28/06/2022
  26. Vlaams Instituut Gezond Leven. E-sigaret. URL : https://www.gezondleven.be/themas/tabak/e-sigaret (Site web consulté le 14/05/2024.)
  27. Tabacstop. Arrêter de fumer via l'e-cigarette. URL : https://www.tabacstop.be/e-cigarette/arr-ter-de-fumer-le-cigarette (Site web consulté le 14/05/2024.)

 


Auteurs

Boudrez H.
psycholoog-tabacoloog, Universiteit Gent
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.

Poelman T.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

Glossaire

Code


F17
P17


Ajoutez un commentaire

Commentaires