Analyse


Sciatique sévère : un traitement actif conservateur efficace ?


15 09 2013

Professions de santé

Analyse de
Albert HB, Manniche C. The efficacy of systematic active conservative treatment for patients with severe sciatica. Spine 2012;37:531-42.


Conclusion
Cette RCT montre, chez des patients présentant une sciatique, souvent avec des critères généralement admis pour justifier une intervention chirurgicale, qu’un traitement conservateur actif est efficace à court terme (8 semaines) et à long terme (1 an) sans pouvoir déterminer la part revenant à une évolution naturelle favorable. L’intérêt d’un traitement conservateur « actif » versus intervention chirurgicale reste à mieux préciser.


 


Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone

 

Nous avons récemment commenté dans la revue Minerva (1), une méta-analyse en réseau (2) évaluant l’efficacité clinique et la sécurité de différentes approches thérapeutiques invasives et non invasives pour le traitement d’une sciatique chez un adulte. Hors études d’observation, cette méta-analyse ne montrait un résultat statistiquement significatif que pour la chirurgie. Ceci confirmait la synthèse de la littérature sur la hernie discale publiée dans Clinical Evidence (3) : traitements médicamenteux et non médicamenteux non suffisamment étayés, résultats non concordants pour les injections épidurales, efficacité prouvée de la chirurgie discale sans pour autant pouvoir en préciser la place dans la stratégie thérapeutique.

Certaines études ou précédentes méta-analyses ont aussi montré l’absence de preuves de l’intérêt de traitements conservateurs « passifs » (repos au lit, AINS, manipulation, traction), mais aussi une évolution spontanément favorable des sciatiques, sans bénéfice à long terme de la chirurgie versus traitement conservateur (4,5).

Chez les patients présentant une lombosciatalgie pour laquelle une cause extrarachidienne a été exclue, l’objectif de la prise en charge thérapeutique est de réduire l’importance des symptômes dans le but de recouvrer une activité personnelle et professionnelle à un niveau habituel. La recherche de traitements conservateurs « actifs » en alternative à la chirurgie reste donc légitime.

 

Une RCT en simple aveugle (6) a comparé chez 181 patients âgés de 18 à 65 ans (médiane de 45 ans) présentant une sciatique d’une durée d’au moins 2 semaines à 1 an, à l’exception d’un syndrome de la queue de cheval, 2 programmes d’exercices en ajout à une information générale (colonne lombaire, hernie discale, évolution naturelle) et de conseils au maintien des activités mais sous le seuil de la douleur. 65% des patients présentaient initialement 3 à 4 signes de compression radiculaire pouvant correspondre à une indication chirurgicale. Quatre à 8 séances d’exercices étaient prévues sur 8 semaines, 4,8 ont été réalisées en moyenne. Dans le premier groupe (n = 86) le programme d’exercices était guidé par les symptômes, selon un algorithme bien défini d’exercices pour le dos et la sangle abdominale. Dans le second groupe (n = 95) , il s’agissait d’un programme d’exercices « factices » ne ciblant pas le dos mais une amélioration de la circulation systémique. Le critère primaire sur lequel repose la puissance de l’étude, est l’évolution de la douleur à 8 semaines (fin du traitement) et à un an. Il n’y a pas de différence statistiquement significative entre les 2 groupes, à ces deux termes, pour ce critère primaire. Pour certains critères secondaires, il existe cependant une plus-value du programme d’exercices guidé par les symptômes. Les auteurs font des comparaisons indirectes avec des études avec interventions chirurgicales pour déclarer que ce programme d’exercice est plus efficace à long terme que la chirurgie chez ces patients au départ souvent « à opérer » suivant des critères communément admis. En l’absence de comparaison directe avec la chirurgie, cette conclusion ne peut être validée. En l’absence de groupe sans programme d’exercices, il est également impossible de déterminer la part de l’évolution naturellement favorable de l’affection dans les résutats enregistrés.

Les auteurs signalent une RCT dont les résultats ont été publiés en allemand en 1999 (7) montrant sur 4 semaines un avantage (moins de douleur) pour un traitement conservateur actif versus chirurgie (chirurgie par contre plus efficace en termes d’une moindre limitation des activités).

 

Conclusion

Cette RCT montre, chez des patients présentant une sciatique, souvent avec des critères généralement admis pour justifier une intervention chirurgicale, qu’un traitement conservateur actif est efficace à court terme (8 semaines) et à long terme (1 an) sans pouvoir déterminer la part revenant à une évolution naturelle favorable. L’intérêt d’un traitement conservateur « actif » versus intervention chirurgicale reste à mieux préciser.

 

 

Références

  1. Heytens S, Poelman T. Efficacité des différentes options thérapeutiques invasives et non invasives dans la sciatique. MinervaF 2012;11(10):123-4.
  2. Lewis R, Wiliams N, Matar HE, et al. The clinical effectiveness and cost-effectiveness of management strategies for sciatica: systematic review and economic model. Health Technol Assess 2011;15:1-578.
  3. Jordan J, Konstantinou K, O'Dowd J. Herniated lumbar disc. Clinical Evidence online (Search date June 2010).
  4. Vroomen PC, De Krom MC, Slofstra PD, Knottnerus JA. Conservative treatment of sciatica: a systematic review. J Spinal Disord 2000;13:463-9.
  5. Peul WC, van Houwelingen HC, van den Hout WB, et al; Leiden-The Hague Spine Intervention Prognostic Study Group. Surgery versus prolonged conservative treatment for sciatica. N Engl J Med 2007;356:2245-56.
  6. Albert HB, Manniche C. The efficacy of systematic active conservative treatment for patients with severe sciatica. Spine 2012;37:531-42.
  7. Ulreich A, Kullich W. [Results of a multidisciplinary rehabilitation concept in patients with chronic lumbar syndromes]. Wien Med Wochenschr 1999;149:564-6.
Sciatique sévère : un traitement actif conservateur efficace ?



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