Analyse


Fibrillation auriculaire et digoxine : mortalité augmentée ?


15 03 2014

Professions de santé

Analyse de
1. Whitbeck MG, Charnigo RJ, Khairy P, et al. Increased mortality among patients taking digoxin-analysis from the AFFIRM study. Eur Heart J 2013;34:1481-8. 2. Gheorghiade M, Fonarow GC, van Veldhuisen DJ, et al. Lack of evidence of increased mortality among patients with atrial fibrillation taking digoxin: findings from post hoc propensity-matched analysis of the AFFIRM trial. Eur Heart J 2013;34:1489-97.


Conclusion
Deux analyses post hoc de l’étude AFFIRM réalisées pour évaluer si la digoxine augmente la mortalité chez les patients atteints de FA donnent des résultats divergents. La recommandation des guides de pratique clinique de limiter la place de la digoxine dans la FA reste donc valable.


 


Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone

 

 

Les guides de pratique clinique pour le traitement de la fibrillation auriculaire et de l’insuffisance cardiaque réservent à la digoxine une place limitée (1,2). Les recommandations pour l’insuffisance cardiaque chronique s’appuient entre autres sur l’étude DIG, une étude randomisée qui n’a pas démontré d’effet sur la mortalité, mais bien sur le besoin d’hospitalisation en raison d’une aggravation de l’insuffisance cardiaque (3). L’étude DIG a été menée avant que l’on ne connaisse le rôle des bêtabloquants, des antagonistes de l’aldostérone et de la synchronisation cardiaque (4).

 

En cas de fibrillation auriculaire (FA), l’effet de la digoxine sur le rythme ventriculaire est limité. Quelle est l’efficacité de la digoxine sur la morbidité et la mortalité ? Par manque d’études randomisées permettant de répondre à cette question, seules des études d’observation permettent d’esquisser des réponses. Récemment, deux analyses post hoc (5,6) des résultats de l’étude AFFIRM - une étude déjà commentée dans la revue Minerva (7,8) ont été publiées. Des patients atteints de FA ont été randomisés en deux groupes pour évaluer le contrôle de la fréquence cardiaque et du rythme sinusal. La différence entre les résultats est non significative, bien que certains le contestent (9). Dans l’étude AFFIRM, 1.377 patients prenaient de la digoxine au moment de la randomisation. L’utilisation de la digoxine n’a cependant pas été randomisée, et ce médicament a été instauré dans les deux groupes selon l’avis du médecin traitant. Pour comparer la mortalité entre les deux groupes, on ne peut donc pas s’appuyer sur une allocation randomisée. Les études d’observation engendrent des biais dus à des facteurs confondants. Dans le problème qui nous occupe, il s’agit principalement d’un biais d’indication. La décision de prescrire de la digoxine dépend des caractéristiques du patient et, en premier lieu, de la présence d’une insuffisance cardiaque. L’insuffisance cardiaque est déjà en soi un facteur qui influence la mortalité, que le patient prenne ou non de la digoxine. Dans l’étude AFFIRM, comparer la mortalité des patients qui prenaient de la digoxine et celle des patients qui n’en prenaient pas n’est pas suffisante. Les investigateurs de l’étude AFFIRM avaient effectué en 2004 une analyse post hoc avec correction pour tenir compte des facteurs confondants et concluaient que la mortalité était augmentée chez des patients atteints de FA sous digoxine (10). Des analyses post hoc des résultats de l’étude AFFIRM sont de nouveau réalisées dans deux études récentes (5,6) avec la méthode de l’appariement sur les scores de propension. Cette méthode, à laquelle la revue Minerva a récemment consacré un article (11), est utilisée pour corriger les facteurs confondants dus à une sélection non randomisée du traitement par digoxine. La première étude (5) a montré une augmentation de la mortalité des patients sous digoxine, mais pas la deuxième (6). Cette différence est probablement due à la manière de définir l’utilisation de la digoxine (au moment de la randomisation, pendant l’étude) (12). Cette discussion statistique est traitée en détail dans l’éditorial correspondant (13). La question de savoir si la digoxine augmente la mortalité en cas de FA reste donc sans réponse : ceci illustre bien la difficulté de tirer des conclusions à partir d’études d’observation. Il est cependant peu vraisemblable que soit un jour menée une étude randomisée portant sur l’utilisation de digoxine en cas de FA.

 

Conclusion

Deux analyses post hoc de l’étude AFFIRM réalisées pour évaluer si la digoxine augmente la mortalité chez les patients atteints de FA donnent des résultats divergents. La recommandation des guides de pratique clinique de limiter la place de la digoxine dans la FA reste donc valable.

 

 

Références

  1. NHG-Standaard Atriumfibrilleren. 2013.
  2. Van Royen P, Boulanger S, Chevalier P, et al. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering. Chronisch hartfalen. Huisarts Nu 2011;40:S158-S186.
  3. Digitalis Investigation Group. The effect of digoxin on mortality and morbidity in patients with heart failure. N Engl J Med 1997;336:525-33.
  4. Opie LH. Digitalis, yesterday and today, but not forever. Circ Cardiovasc Qual Outcomes 2013;6:511-3.
  5. Whitbeck MG, Charnigo RJ, Khairy P, et al. Increased mortality among patients taking digoxin-analysis from the AFFIRM study. Eur Heart J 2013;34:1481-8.
  6. Gheorghiade M, Fonarow GC, van Veldhuisen DJ, et al. Lack of evidence of increased mortality among patients with atrial fibrillation taking digoxin: findings from post hoc propensity-matched analysis of the AFFIRM trial. Eur Heart J 2013;34:1489-97.
  7. Duytschaever M, Tavernier R. Fibrillation auriculaire: contrôler la fréquence ou le rythme MinervaF 2004;3(1):4-6.
  8. Wyse DG, Waldo AL, DiMarco JP, et al; Atrial Fibrillation Follow-up Investigation of Rhythm Management (AFFIRM) Investigators. A comparison of rate control and rhythm control in patients with atrial fibrillation. N Engl J Med 2002;347:1825-33.
  9. Fibrillation auriculaire: remise en rythme sinusal ou ralentissement de la fréquence ventriculaire ? Folia Pharmacotherapeutica 2012;39:96-7.
  10. Corley SD, Epstein AE, DiMarco JP, et al; AFFIRM Investigators. Relationships between sinus rhythm, treatment, and survival in the atrial fibrillation follow-up investigation of rhythm management (AFFIRM) study. Circulation 2004;109:1509-13.
  11. Poelman T. Appariement sur les scores de propension. MinervaF 2013;12(8):103.
  12. van Veldhuizen DJ, Van Gelder IC, Ahmed A, Gheorghiade M. Digoxin for patients with atrial fibrillation and heart failure: paradise lost or not? Eur Heart J 2013;34:1468-70. [Comment on: Gheorghiade M, Fonarow GC, van Veldhuisen DJ, et al. Lack of evidence of increased mortality among patients with atrial fibrillation taking digoxin: findings from post hoc propensity-matched analysis of the AFFIRM trial. Eur Heart J 2013;34:1489-97].
  13. Murphy SA. When “digoxin use” is not the same as “digoxin use”: lessons from the AFFIRM trial. Eur Heart J 2013;34:1465-7. [Comment on: Whitbeck MG, Charnigo RJ, Khairy P, et al. Increased mortality among patients taking digoxin-analysis from the AFFIRM study. Eur Heart J 2013;34:1481-8. Gheorghiade M, Fonarow GC, van Veldhuisen DJ, et al. Lack of evidence of increased mortality among patients with atrial fibrillation taking digoxin: findings from post hoc propensity-matched analysis of the AFFIRM trial. Eur Heart J 2013;34:1489-97].
Fibrillation auriculaire et digoxine : mortalité augmentée ?

Auteurs

Bogaert M.
emeritus hoogleraar Farmacotherapie, UGent
COI :

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