Analyse


BPCO stable et dose élevée de N-acétylcystéine ?


15 05 2014

Professions de santé

Analyse de
Tse HN, Raiteri L, Wong KY et al. High-dose N-acetylcysteine in stable COPD: the 1-year, double-blind, randomized, placebo-controlled HIACE study. Chest 2013;144:106-18.


Conclusion
Cette étude contrôlée randomisée avec une population de patients très spécifique et évaluant des critères de jugement primaires inhabituels, ne permet toujours pas de recommander la NAC dans le traitement de la BPCO, quelle que soit la dose.


 


Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone

 

La N-acétylcystéine (NAC) est un précurseur du glutathion, un antioxydant des poumons qui a un effet protecteur contre les agents toxiques externes et internes. Le médicament pourrait donc théoriquement avoir sa place dans le traitement de la BPCO (1). Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration (2) a montré que les mucolytiques réduisent le nombre d’exacerbations de BPCO, mais l’effet est faible (il faut deux ans de traitement pour que le patient bénéficie d’une exacerbation en moins), et le résultat montrait une hétérogénéité statistique importante. De plus, il existait aussi une hétérogénéité clinique importante. Outre les études portant sur la NAC, des études portant sur d’autres produits, comme la bromhexine ont également été incluses. Aucun effet n’a été constaté sur la qualité de vie. Une des études incluses (3) a déjà fait l’objet d’une discussion dans Minerva (4). Elle n’avait pas démontré d’effet de la prise quotidienne de 600 mg de NAC sur l’évolution de la BPCO. Les auteurs soulignaient l’intérêt de poursuivre la recherche avec de la NAC à dose plus élevée, soit 1 200 mg au lieu de ce qui se fait actuellement, à savoir 600 mg par jour.

 

Cette recherche a été menée et publiée récemment (5). À Hong Kong, 120 patients (93,2 % de sexe masculin ; de 50 à 80 ans avec un âge moyen de 70,8 ans ; présentant une BPCO stable, ont reçu, en aveugle pendant un an, à raison de deux fois par jour soit de la NAC 600 mg, soit un placebo. Ont été inclus dans l’étude des patients présentant une BPCO de tout stade GOLD (75 % de stade II ou III). Les critères de jugement primaires choisis étaient le débit expiratoire moyen ou DEM 25%-75% (6) et une mesure par oscillations forcées (FOT) (7). Pour ces deux critères de jugement une amélioration statistiquement significative est montrée. Les critères de jugement secondaires étaient le nombre d’exacerbations de BPCO, les hospitalisations suite aux exacerbations, la dyspnée et la qualité de vie. Dans le groupe NAC, le nombre d’exacerbations est moins élevé, et ce de manière statistiquement significative. Pour les autres critères de jugement secondaires, aucune différence statistiquement significative n’est constatée. Enfin, aucune différence pour les effets indésirables n’a été constatée entre les deux groupes.

Il s’agit d’une étude à petite échelle dans une population très spécifique (composée de patients chinois, presqu’uniquement des hommes). Le choix des critères de jugement primaires ne correspond pas aux actuelles recommandations GOLD (8) qui préconisent le VEMS et le coefficient de Tiffeneau (VEMS/CV) pour mesurer l’effet d’un traitement de la BPCO sur la fonction pulmonaire. Préférer aux critères reconnus, le DEM25%-75% et une mesure des oscillations forcées (9) ne se justifie pas. Le VEMS et le coefficient de Tiffeneau ont été mesurés alors qu’ils ne faisaient pas partie des critères de jugement dans cette étude et aucune différence statistiquement significative entre les deux groupes n’a été montrée. Les investigateurs ont cependant observé une amélioration statistiquement significative pour la fréquence des exacerbations dans le groupe NAC, mais il s’agissait d’un critère de jugement secondaire. Par ailleurs, aucune différence significative sur le pourcentage de patients exempts d’exacerbations n’est constatée. Enfin, nous devons aussi mentionner que l’un des investigateurs travaillait chez le producteur de NAC et que ce producteur fournissait le produit actif ainsi que la préparation placebo.

 

Conclusion

Cette étude contrôlée randomisée avec une population de patients très spécifique et évaluant des critères de jugement primaires inhabituels, ne permet toujours pas de recommander la NAC dans le traitement de la BPCO, quelle que soit la dose.

 

Références

  1. Dekhuijzen PNR. Acetylcysteïne in de behandeling van ernstig COPD. Ned Tijdschr Geneeskd. 2006;150:1222-6.
  2. Poole P, Black PN, Cates CJ. Mucolytic agents for chronic bronchitis or chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 8.
  3. Decramer M, Rutten-van Mölken M, Dekhuijzen PN, et al. Effects of N-acetylcysteine on outcomes in chronic obstructive pulmonary disease (Bronchitis Randomized on NAC Cost-Utility Study, BRONCUS): a randomised placebo-controlled trial. Lancet 2005;365:1552-60
  4. Sturtewagen JP. N-acétylcystéine pour la BPCO. MinervaF 2006;5(3):34-6.
  5. Tse HN, Raiteri L, Wong KY et al. High-dose N-acetylcysteine in stable COPD: the 1-year, double-blind, randomized, placebo-controlled HIACE study. Chest 2013;144:106-18.
  6. van den Berge M, ten Hacken NH, Cohen J et al. Small airway disease in asthma and COPD. Clinical implications. Chest 2011;139:412-23.
  7. Konstantinos Katsoulis K, Kostikas K, Kontakiotis T. Techniques for assessing small airways function: possible applications in asthma and COPD. Respir Med 2013 Jun 10. pii: S0954-6111(13)00175-3. doi: 10.1016/j.rmed.2013.05.003. [Epub ahead of print]
  8. http://www.goldcopd.org
  9. Evans TM, Rundell KW, Beck KC, et al. Airway narrowing measured by spirometry and impulse oscillometry following room temperature and cold temperature exercise. Chest 2005; 128:2412-9.

 

 

 

BPCO stable et dose élevée de N-acétylcystéine ?



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