Analyse


BPCO et corticostéroïdes inhalés: risque de pneumonie (létale ou non)


15 06 2014

Professions de santé

Analyse de
Janson C, Larsson K, Lisspers KH, et al. Pneumonia and pneumonia related mortality in patients with COPD treated with fixed combinations of inhaled corticosteroid and long acting β2 agonist: observational matched cohort study (PATHOS). BMJ 2013;346:f3306.


Conclusion
Cette étude d’observation sur 3 ans, confirme le risque accru de survenue d’une pneumonie en cas de traitement inhalé associant un corticostéroïde inhalé à un bêta2-mimétique à longue durée d’action en cas de BPCO, le risque semblant plus important avec le fluticasone qu’avec le budésonide.


 


Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone

 

 

L’intérêt des corticostéroïdes inhalés (CSI) pour le traitement de la BPCO peut être mis en doute (1,2). Ces médicaments sont cependant fort utilisés dans cette indication, entre autres sous l’influence du guide de pratique de GOLD (3). En 2007, Rabe soulignait dans un éditorial (4) le risque accru de survenue d’une pneumonie chez les patients souffrant de BPCO et traités par CSI (dans ce cas la fluticasone) versus placebo : le risque relatif était de 0,64 (5) dans une réanalyse des résultats de l’étude TORCH (6).  L’étude INSPIRE (7) montrait également un risque accru de pneumonie chez les utilisateurs de l’association salmétérol/fluticasone versus ceux qui recouraient au tiotropium : RR de 0,94 (8). La méta-analyse de Singh en 2009 (9), qui incluait 18 RCTs de qualité méthodologique variable, concluait qu’un recours à des CSI versus absence en cas de BPCO pouvait augmenter le risque de pneumonie. La méta-analyse de Sin sur données individuelles concluait également en 2009 (10) que le risque n’était pas augmenté avec le budésonide mais nous avions mis la fiabilité de cette conclusion en doute dans la revue Minerva (11).

 

En 2012, une RCT (12) a comparé 2 doses de l’association budésonide/ formotérol (320/9 mcg et 160/9mcg 2x/j) versus formoterol seul (9 mcg x 2/j). L’incidence de pneumonie sur 12 mois a été respectivement de 6,4 %, 4,7 % et 2,7 % soit, versus formotérol seul, un risque relatif significatif pour la dose de 2 x 320 mcg, un RR de 2,3 (IC à 95% de 1,2 à 4,7) mais non significatif pour la dose de 2 x 160 mcg (RR de 1,7 avec IC à 95% de 0,8 à 3,6).

 

Une étude d’observation d’une cohorte suédoise de patients souffrant de BPCO, rétrospective, avec appariement (13), a plus récemment montré chez les patients traités avec l’association fluticasone/salmétérol une incidence significativement accrue de pneumonie versus patients traités par l’association budésonide/formotérol : RR de 1,73 avec IC à 95% de 1,57 à 1,90 et p<0,0001, soit un NNN de 23 avec IC à 95 % de 18 à 37. Cet accroissement de risque d’une pneumonie est indépendant d’un antécédent de pneumonie chez le patient avant le début de cette étude et n’est pas lié à la dose de CSI. Cette étude concernait 2 734 paires appariées suivant un score de propension, soit 2 734 patients pour chacun des 2 traitements. Un tel appariement dans une étude d’observation présente cependant des limites : l’appariement essaie de tenir compte de différentes variables mais des facteurs confondants n’ont peut-être pas été identifiés et peuvent influencer les résultats, ce qui est possible dans cette étude également. La précision du diagnostic de BPCO ne peut être certifiée dans tous les cas. Le diagnostic de pneumonie est basé sur des critères cliniques, sans tenir compte de sa sévérité, des images radiologiques ou des résultats biologiques.

Les auteurs revendiquent qu’aucun biais n’est survenu dans leur étude pour la sélection des patients, ceux-ci recevant un diagnostic de BPCO en première ligne de soins, sans exclure les patients en fonction des comorbidités, de l’âge, des co-traitements ou du type d’assurance sociale, ce qui peut être considéré comme une plus-value. En ayant la possibilité d’utiliser un numéro d’identification individuel, le patient pouvait être suivi pendant toute la durée de son traitement, suivi sur une période plus longue, en moyenne de 3 ans.

L’étude est sponsorisée par le fabricant de l’association fixe formotérol/budésonide et ce sponsor est intervenu dans la récolte des données, leur analyse et interprétation ainsi que dans la rédaction du manuscrit.
Une étude canadienne indépendante, de cas-contrôle sur échantillon (14), incluant une cohorte importante de 163 514 patients présentant une BPCO, a évalué le risque de survenue d’une pneumonie sévère en cas d’utilisation des CSI. Après ajustement pour l’âge, le sexe, la sévérité de l’affection respiratoire et des comorbidités, le RR de pneumonie est augmenté pour le budésonide (RR de 1,17 avec IC à 95 % de  1,09 à 1,26) et pour le fluticasone (RR de 2,01 avec IC à 95 % de 1,93 à 2,10). Le risque semble donc plus élevé pour le fluticasone que pour le budésonide. Il est également lié à la dose et semble diminuer à l’arrêt du traitement pour disparaitre après 6 mois.

 

Conclusion

Cette étude d’observation sur 3 ans, confirme le risque accru de survenue d’une pneumonie en cas de traitement inhalé associant un corticostéroïde inhalé à un bêta2-mimétique à longue durée d’action en cas de BPCO, le risque semblant plus important avec le fluticasone qu’avec le budésonide.

 

Références

  1. Postma DS, Calverley P. Inhaled corticosteroids in COPD: a case in favour. Eur Respir J 2009;34:10-2
  2. Suissa S.  Barnes PJ. Inhaled corticosteroids in COPD: a case against. Eur Respir J 2009;34:13-6.
  3. The Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD). www.goldcopd.org
  4. Rabe KF. Treating COPD - the TORCH-trial, P values, and the Dodo. N Engl J Med 2007;356:851-4.
  5. Crim C, Calverley PM, Anderson JA, et al. Pneumonia risk in COPD patients receiving inhaled corticosteroids alone or in combination: TORCH study results. Eur Resp J 2009;34:641-7.
  6. Calverley PM, Anderson JA, Celli B, et al; TORCH investigators. Salmeterol and fluticasone propionate and survival in chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med 2007;356:775-89.
  7. Wedzicha JA, Calverley PM, Seemungal TA, et al; INSPIRE investigators. The prevention of COPD exacerbations by salmeterol/fluticasone proprionate or tiotropium bromide. Am J Resp Crit Care Med 2008;177:19-26.
  8. Calverely PM, Stockley RA, Seemungal TA, et al; Investigating New Standards for Prophylaxis in Reduction of Exacerbations (INSPIRE) Investigators. Reported pneumonia in patients with COPD: findings from the INSPIRE study. Chest 2011;19:505-12.
  9. Singh S, Amin AV, Loke YK. Long-term use of inhaled corticosteroids and the risk of pneumonia in chronic obstructive pulmonary disease: a meta-analysis. Arch Intern Med 2009;169:219-29.
  10. Sin DD, Tashkin D, Zhang X, et al. Budesonide and the risk of pneumonia: a meta-analysis of individual patient data. Lancet 2009;374:712-9.
  11. Chevalier P. BPCO : corticostéroïdes inhalés et pneumonie. MinervaF 2010;9(3):40.
  12. Sharafkhaneh A, Southard JG, Goldman M, et al. Effect of budesonide/formoterol pMDI on COPD exacerbations: a double-blind, randomized study. Respir Med 2012;106:257–68.
  13. Janson C, Larsson K, Lisspers KH, et al. Pneumonia and pneumonia related mortality in patients with COPD treated with fixed combinations of inhaled corticosteroid and long acting β2 agonist: observational matched cohort study (PATHOS). BMJ 2013;346:f3306.
  14. Suissa S, Patenaude V, Lapi F, et al. Inhaled corticosteroids in COPD and the risk of serious pneumonia. Thorax 2013;68:1029-36.

 

 

BPCO et corticostéroïdes inhalés: risque de pneumonie (létale ou non)



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