Analyse
Hypertrophie bénigne de la prostate : silodosine efficace sur les symptômes des voies urinaires basses ?
L’utilisation d’alpha-bloquants pour le traitement des symptômes cliniques de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) a déjà été présentée indirectement dans une analyse de Minerva portant sur l’effet de l’association de doxazosine (alpha-bloquant) et de finastéride (inhibiteur de la 5-alfa-réductase) (1,2). Cette discussion indiquait qu’il n’existait pas de preuve d’une différence entre les alpha-bloquants (térazosine, tamsulosine, alfuzosine, doxazosine) pour soulager les symptômes de l’HBP (3). La plupart des guides de pratique clinique ne font toujours pas de distinction dans le choix des différents alpha-bloquants qui sont utilisés pour le traitement des symptômes des voies urinaires basses (4-6).
Les alpha-bloquants sont devenus incontournables dans le traitement des symptômes mictionnels liés à l’hypertrophie de la prostate. Après le début du traitement, le score IPSS (International Prostate Symptom Score) s’améliore de 30 à 40%, et la force du jet maximale (Qmax) augmente de 20 à 25% (6). Un effet significatif est souvent déjà présent après quelques heures ou quelques jours, versus placebo, mais il faut parfois plusieurs semaines avant que l’effet maximal ne soit atteint (7). Les principaux effets indésirables des alpha-bloquants sont les vertiges, les céphalées et l’hypotension orthostatique ; ils sont dus à la vasodilatation périphérique (8). Ils ne conduisent à l’arrêt du traitement que dans 4 à 10% des cas (9). Les troubles de l’éjaculation (éjaculation rétrograde, absence d’éjaculation) se rencontrent chez 4 à 11% des patients, mais ne constituent un motif d’arrêt du traitement que dans 1% des cas (10).
Par comparaison avec les autres alpha-bloquants, la silodosine montre, in vitro, une affinité de liaison beaucoup plus importante avec les récepteurs A1a, situés principalement dans la prostate, le col de la vessie et l’urètre. Dans les artères périphériques, on trouve surtout des récepteurs A1b, importants pour la régulation de la pression artérielle. La tamsulosine a une plus faible affinité que l’alfuzosine pour ce sous-type de récepteurs, mais, dans la pratique, un pourcentage relativement important de patients arrête le traitement par tamsulosine à cause de vertiges. La question est de savoir si la silodosine, un alpha-bloquant extra-sélectif, est mieux tolérée.
Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration avec méta-analyse, publiée en 2017 (11), a comparé l’action de la silodosine à un placebo ou à d’autres alpha-bloquants (tamsulosine, alfuzosine et naftopidil). Elle a inclus 19 études pour un total de 4295 patients dont l’âge moyen était de 66,5 ans et dont le score IPSS moyen était égal à 19,1. Plus de la moitié des études présentaient un risque élevé de biais de performance et de biais de détection. Une certaine réserve est donc de mise dans l’interprétation des résultats.
Versus placebo (N = 3 RCTs), le score IPSS (0 à 35) avec la silodosine a diminué en moyenne de 2,65 points (IC à 95% de 3,23 à 2,08 ; faible niveau de preuve selon GRADE), et la qualité de vie liée à l’IPSS (0 à 6) s’est améliorée de 0,42 points (IC à 95% de 0,71 à 0,13) ; niveau de preuve modéré selon GRADE). Il n’y avait pas de différence statistiquement significative dans l’arrêt des médicaments et les effets indésirables cardiovasculaires (faible à très faible niveau de preuve selon GRADE), mais bien une augmentation des effets indésirables sexuels (risque relatif (RR) 26,07 avec IC à 95% de 12,36 à 54,97 ; niveau de preuve modéré selon GRADE).
Versus tamsulosine (N = 10), on n’a pas observé de différence avec la silodosine quant au score IPSS, à la qualité de vie, à l’arrêt des médicaments, aux effets indésirables cardiovasculaires (faible à très faible niveau de preuve selon GRADE), mais bien une augmentation des effets indésirables sexuels (RR 6,05 avec IC à 95% de 3,55 à 10,31 ; niveau de preuve modéré selon GRADE).
Une seule RCT a comparé la silodosine et l’alfuzosine, et elle a montré une amélioration du score IPSS de 3,83 points en moyenne (IC à 95% de 0,12 à 7,54) (faible niveau de preuve selon GRADE) et également une augmentation des effets indésirables sexuels (RR 37,21 avec IC à 95% de 5,32 à 260,07 ; niveau de preuve modéré selon GRADE).
Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse montre que la silodosine, versus placebo, entraîne un soulagement des symptômes cliniques de l’hypertrophie bénigne de la prostate, mais ne diminue pas la qualité de vie. Versus d’autres alpha-bloquants, il n’y avait pas de différence quant à l’efficacité ni quant aux effets indésirables. Versus placebo ainsi que versus autres alpha-bloquants, on a observé une augmentation des effets indésirables sexuels avec la silodosine.
Pour la pratique
La plupart des guides de pratique clinique ne font pas de distinction entre l’efficacité et les effets indésirables des différents alpha-bloquants pour le traitement des symptômes des voies urinaires basses en cas d’hypertrophie bénigne de la prostate. Bien que les résultats de cette synthèse méthodique doivent être interprétés avec une certaine réserve, la sélectivité de la silodosine pour les récepteurs A1a ne paraît pas apporter de bénéfice cliniquement pertinent. Avec les alpha-bloquants classiques, les effets indésirables n’entraînent que rarement l’arrêt du traitement (9). Néanmoins, dans des cas exceptionnels, chez des patients qui arrêtent leur alpha-bloquant à cause d’une hypotension orthostatique, le passage à la silodosine pourrait être envisagé. Il ressort d’une étude de 2015 que le traitement par silodosine est fréquemment arrêté, principalement suite aux effets indésirables sexuels (12). Les hommes qui ne sont pas atteints d’impuissance doivent certainement être suffisamment informés de cet effet indésirable gênant.
Dénomination du médicament
- Silodosine = Silodyx®
- Le naftopidil n’est pas disponible en Belgique.
- Chevalier P. Doxazosine et finastéride pour traiter l'hypertrophie bénigne de la prostate. MinervaF 2004;3(6):90-3.
- McConnell J, Roehrborn C, Bautista O, et al. The long term effect of doxazosin, finasteride, and combination therapy on the clinical progression of benign prostatic hyperplasia. N Engl J Med 2003;349:2387-98. DOI: 10.1056/NEJMoa030656
- Webber R. Benign prostatic hyperplasia. Clin Evid 2003;10:977-93.
- Blanker MH, Breed SA, van der Heide WK, et al. NHG-Standaard Mictieklachten bij mannen. Huisarts Wet 2013:56:114-22.
- Hypertrophie bénigne de la prostate. EBPracticenet. Dernière révision contextuelle 28/06/2018.
- Gratzke C, Bachmann A, Descazeaud A, et al. EAU guidelines on the assessment of non-neurogenic male lower urinary tract symptoms including benign prostatic obstruction. EurUrol 2015;67:1099-109. DOI: 10.1016/j.eururo.2014.12.038
- Barendrecht MM, Abrams P, Schumacher H, et al. Do alpha1-adrenoceptor antagonists improve lower urinary tract symptoms by reducing bladder outlet resistance? NeurourolUrodyn 2008;27:226-30. DOI: 10.1002/nau.20481
- Nickel JC, Sander S, Moon TD. A meta-analysis of the vascular-related safety profile and efficacy of alpha-adrenergic blockers for symptoms related to benign prostatic hyperplasia. Int J Clin Pract 2008;62:1547-59. DOI: 10.1111/j.1742-1241.2008.01880.x
- Djavan B, Marberger M. A meta-analysis on the efficacy and tolerability of alpha1-adrenoceptor antagonists in patients with lower urinary tract symptoms suggestive of benign prostatic obstruction. EurUrol. 1999;36:1-13. DOI: 10.1159/000019919
- Schulman CC. Lower urinary tract symptoms/benign prostatic hyperplasia: minimizing morbidity caused by treatment. Urology 2003;62(3 Suppl 1):24-33. DOI: 10.1016/S0090-4295(03)00471-0
- Jung JH, Kim J, MacDonald R, et al. Silodosin for the treatment of lower urinary tract symptoms in men with benign prostatic hyperplasia. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 11. DOI: 10.1002/14651858.CD012615.pub2
- Capogrosso P, Serino A, Ventimiglia E, et al. Effects of silodosin on sexual function - realistic picture from the everyday clinical practice. Andrology 2015;3:1076-81. DOI: 10.1111/andr.12095
Auteurs
Elshout J.
Urologie Sint-Andriesziekenhuis Tielt
COI :
Tailly T.
Dienst Urologie, UZ Gent
COI :
Glossaire
International Prostate Symptoms ScoreCode
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