Analyse


Urticaire au froid : à quel médicament accorder la préférence ?


17 03 2020

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Kulthanan K, Hunnangkul S, Tuchinda P, et al. Treatments of cold urticaria: A systematic review. J Allergy Clin Immunol 2019;143:1311-31. DOI: 10.1016/j.jaci.2019.02.005


Conclusion
Cette synthèse méthodique d’études randomisées contrôlées, qui ont été correctement menées mais qui sont de petite taille, permet de conclure que les antihistaminiques H1 ayant peu d’effets sédatifs sont efficaces pour le traitement de l’urticaire au froid, tant sur la base de paramètres objectifs que subjectifs. Aucune donnée n’est disponible sur la qualité de vie. L’effet de la plupart des antihistaminiques H1 est plus important lorsque la dose standard est doublée ou quadruplée. Dans une étude randomisée contrôlée, l’omalizumab avait plus d’effet qu’un placebo.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Le diagnostic d’urticaire au froid est généralement posé à partir de l’anamnèse, et il est rare de devoir recourir à un test de provocation pour le confirmer. Le diagnostic peut être confirmé aisément en utilisant l’application d’un cube de glace comme test de provocation. Le phénomène dure habituellement quelques années, et la principale mesure à appliquer consiste à éviter les facteurs déclenchants. Par ailleurs, les antihistaminiques H1 ayant peu d’effets sédatifs peuvent être utiles. La synthèse méthodique décrite ci-dessus confirme que les antihistaminiques H1 ayant peu d’effets sédatifs ont un rapport bénéfices-risques favorable. Au début, on peut utiliser des doses standard pendant quelques semaines, mais si les symptômes ne s’améliorent pas, on peut doubler la dose, voire la quadrupler. La synthèse méthodique confirme que des doses plus élevées que les doses standard d’antihistaminiques H1 sont plus efficaces et que leur profil de sécurité n’en reste pas moins favorable. En cas d’urticaire spontanée grave réfractaire à un traitement classique, de l’omalizumab peut être utilisé sous supervision d’un spécialiste. Il convient bien sûr de garder à l’esprit que l’utilisation de l’omalizumab à raison de 150 mg toutes les 4 semaines chez les patients atteints d’urticaire au froid est coûteuse et actuellement hors AMM.



Nous fondant sur une étude randomisée contrôlée qui a été correctement menée sur le plan méthodologique, nous avons conclu dans Minerva qu’en première intention, il n’était pas indiqué d’associer des corticoïdes oraux et des antihistaminiques H1 pour le traitement de l’urticaire aigu en absence d’angio-œdème (1,2). Une synthèse méthodique avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique a montré que les antihistaminiques H1 amélioraient les symptômes de l’urticaire chronique spontanée versus un placebo, sans supériorité d’un antihistaminique H1 par rapport aux autres (3,4).

Une synthèse méthodique avec méta-analyse a examiné l’effet de différents médicaments pour le traitement de l’urticaire au froid (5) qui est une forme d’urticaire physique. Lorsque la peau se réchauffe après une exposition au froid apparaissent des lésions cutanées urticariennes pouvant s’accompagner d’un angio-œdème (6). Les symptômes sont la conséquence d’une libération d’histamine et d’autres médiateurs pro-inflammatoires à partir des mastocytes avec vasodilatation locale entraînant une extravasation. Le diagnostic est souvent posé en utilisant des tests de provocation au froid, l’avant-bras étant exposé pendant 5 minutes à un stimulus froid (test au glaçon, TempTest) et le résultat étant lu après 10 minutes.

 

Deux chercheurs indépendants ont effectué une recherche dans trois bases de données électroniques (PubMed, Scopus et Web of Science) pour trouver des études comparant l’effet d’un médicament pour une urticaire au froid et celui d’un autre médicament et/ou d’un placebo sur le délai d’apparition CSTT (Critical Stimulation Time Threshold), sur le seuil de température de déclenchement CTT (Critical TemperatureThreshold), sur la réponse complète (pas d’urticaire au froid) et sur les effets indésirables. Les revues, les rapports de cas et les séries de cas ont été exclus. Pour évaluer la qualité des études randomisées contrôlées, l’outil de la Cochrane Collaboration a été utilisé. Finalement, 16 études ont été incluses, dont 14 études randomisées contrôlées, 1 étude observationnelle prospective et 1 étude observationnelle rétrospective. Toutes les études randomisées contrôlées avaient été correctement randomisées, avec préservation du secret d’attribution (concealment of allocation) et avaient été menées en double aveugle. Dans une seule étude randomisée contrôlée, l’évaluation de l’effet n’a pas été effectuée en aveugle.

Pour objectiver la réponse au traitement, quatre études ont utilisé le CSTT, et cinq études, le CTT. Tant une dose standard d’un antihistaminique H1 n’ayant que peu d’effets sédatifs (N = 1 étude avec desloratadine 5 mg ; n = 60) qu’une dose plus élevée (N = 3 études avec desloratadine 20 mg et rupatadine 20 et 40 mg ; n = 274) ont entraîné une augmentation moyenne du CSTT respectivement de 1,2 minute (avec IC à 95% de 0,3 à 2,1) et de 1,7 minute (avec IC à 95% de 0,9 à 2,4 ; I² = 67%) versus placebo. La loratadine 10 mg, la cétirizine 10 mg et le kétotifène 10 mg ont également entraîné une augmentation statistiquement significative du CSTT par rapport à la valeur de départ dans une étude croisée randomisée non contrôlée par placebo (7). Une dose standard d’un antihistaminique H1 n’ayant que peu d’effets sédatifs (N = 2 études avec desloratadine 5 mg et bilastine 20 mg ; n = 100) et une dose plus élevée (N = 4 études avec desloratadine 20 mg, rupatadine 20 et 40 mg et bilastine 40 et 80 mg ; n = 274) ainsi que l’omalizumab (N = 1 étude avec 150 et 300 mg ; n = 43) ont entraîné une diminution moyenne du CTT respectivement de -5,8°C (avec IC à 95% de -8,5 à -3,1 ; I² = 0%), de -7,2°C (avec IC à 95% de -9,7 à -4,8 ; I² = 62%) et de -9,0°C (avec IC à 95% de -10,5 à -7,4 ; I² = 0%) versus placebo. L’unique étude portant sur l’omalizumab a inclus 31 patients atteints d’urticaire au froid depuis moins de 6 mois qui ne répondaient pas à un antihistaminique. Chaque mois, les patients ont reçu 150 ou 300 mg d’omalizumab, et, après trois mois, l’effet sur le CTT avait diminué de manière statistiquement significative dans les deux groupes versus placebo (8). Une étude croisée menée chez 20 patients a montré que, pour la bilastine, l’effet sur le CTT était plus important, et ce de manière statistiquement significative, avec 80 mg qu’avec 20 et 40 mg (9). Avec la desloratadine, la réponse sur le CTT était également plus importante, et ce de manière statistiquement significative, avec 20 mg qu’avec 5 et 10 mg dans une étude randomisée contrôlée menée chez 28 patients (10), et la réponse sur le CTT et le CSTT était plus importante avec 20 mg qu’avec 5 mg dans une étude croisée menée chez 30 patients (11). Avec la rupatadine, aucun effet dose-dépendant sur le CTT et le CSTT n’a pu être constaté (12). Dans une comparaison avec un placebo, la rémission dans la formation d’urticaire au froid était plus fréquente avec des antihistaminiques et de l’omalizumab (OR de 13,1 avec IC à 95% de 7,2 à 23,8 ; N = 8 études). L’hydroxyzine a également entraîné la rémission plus fréquemment que le placebo dans une étude randomisée contrôlée menée en ouvert chez seulement 12 patients (13). Avec de la prednisone à raison d’une dose unique de 20 ou 25 mg ou à raison de 20 mg par jour pendant 3 à 5 jours, aucun effet sur l’apparition de l’urticaire au froid n’a été observé avec un test de provocation par le froid dans une étude observationnelle menée auprès de 6 patients seulement (14). Dans huit études, 118 effets indésirables légers ont été rapportés. Le plus fréquent était la somnolence, se manifestant principalement avec des antihistaminiques sédatifs. Il n’y avait pas de différence quant à la survenue des effets indésirables entre les antihistaminiques ayant peu d’effets sédatifs administrés à dose standard et à dose plus élevée. Aucune différence n’a été observée entre le placebo et 150 ou 300 mg d’omalizumab quant à la survenue des effets indésirables.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique d’études randomisées contrôlées, qui ont été correctement menées mais qui sont de petite taille, permet de conclure que les antihistaminiques H1 ayant peu d’effets sédatifs sont efficaces pour le traitement de l’urticaire au froid, tant sur la base de paramètres objectifs que subjectifs. Aucune donnée n’est disponible sur la qualité de vie. L’effet de la plupart des antihistaminiques H1 est plus important lorsque la dose standard est doublée ou quadruplée. Dans une étude randomisée contrôlée, l’omalizumab avait plus d’effet qu’un placebo.

Pour la pratique

Le diagnostic d’urticaire au froid est généralement posé à partir de l’anamnèse, et il est rare de devoir recourir à un test de provocation pour le confirmer (6). Le diagnostic peut être confirmé aisément en utilisant l’application d’un cube de glace comme test de provocation. Le phénomène dure habituellement quelques années, et la principale mesure à appliquer consiste à éviter les facteurs déclenchants (6). Par ailleurs, les antihistaminiques H1 ayant peu d’effets sédatifs peuvent être utiles (6). La synthèse méthodique décrite ci-dessus confirme que les antihistaminiques H1 ayant peu d’effets sédatifs ont un rapport bénéfices-risques favorable. Au début, on peut utiliser des doses standard pendant quelques semaines, mais si les symptômes ne s’améliorent pas, on peut doubler la dose, voire la quadrupler (6). La synthèse méthodique confirme que des doses plus élevées que les doses standard d’antihistaminiques H1 sont plus efficaces et que leur profil de sécurité n’en reste pas moins favorable. En cas d’urticaire spontanée grave réfractaire à un traitement classique, de l’omalizumab peut être utilisé sous supervision d’un spécialiste (6). Il convient bien sûr de garder à l’esprit que l’utilisation de l’omalizumab à raison de 150 mg toutes les 4 semaines chez les patients atteints d’urticaire au froid est coûteuse et actuellement hors AMM.

 

 

Références 

  1. Coussens E, Lapeere H. Urticaire aiguë : corticostéroïdes utiles ? MinervaF 2018;17(8):107-9.
  2. Barniol C, Dehours E, Mallet J, et al. Levocetirizine and prednisone are not superior to levocetirizine alone for the treatment of acute urticaria: a randomized double-blind clinical trial. Ann Emerg Med 2018;71:125-31.e1. DOI: 10.1016/j.annemergmed.2017.03.006
  3. Cohen R, Fraipont B. Antihistaminiques H1 pour l’urticaire chronique spontanée ? MinervaF 2016;15(1):18-21.
  4. Sharma M, Bennett C, Cohen SN, Carter B. H1-antihistamines for chronic spontaneous urticaria. Cochrane Database Syst Rev 2014, Issue 11. DOI: 10.1002/14651858.CD006137.pub2
  5. Kulthanan K, Hunnangkul S, Tuchinda P, et al. Treatments of cold urticaria: a systematic review. J Allergy Clin Immunol 2019;143:1311-31. DOI: 10.1016/j.jaci.2019.02.005
  6. Urticaire. Ebpracticenet. Duodecim Medical Publications 2000. Dernière mise à jour 30/05/2017. Dernière révision contextuelle 1/10/2017.
  7. Villas Martinez F, Contreras FJ, López-Cazaña JM, et al. A comparison of new nonsedating and classical antihistamines in the treatment of primary acquired cold urticaria (ACU). J Investig Allergol Clin Immunol 1992;2:258-62.
  8. Metz M, Schütz A, Weller K, et al. Omalizumab is effective in cold urticaria-results of a randomized placebo-controlled trial. J Allergy Clin Immunol 2017;140:864-7. DOI: 10.1016/j.jaci.2017.01.043
  9. Krause K, Spohr A, Zuberbier T, et al. Up-dosing with bilastine results in improved effectiveness in cold contact urticaria. Allergy 2013;68:921-8. DOI: 10.1111/all.12171
  10. Magerl M, Pisarevskaja D, Staubach P, et al. Critical temperature threshold measurement for cold urticaria: a randomized controlled trial of H(1)-antihistamine dose escalation. Br J Dermatol 2012;166:1095-9. DOI: 10.1111/j.1365-2133.2012.10822.x
  11. Siebenhaar F, Degener F, Zuberbier T, et al. High-dose desloratadine decreases wheal volume and improves cold provocation thresholds compared with standard-dose treatment in patients with acquired cold urticaria: a randomized, placebo-controlled, crossover study. J Allergy Clin Immunol 2009;123:672-9. DOI: 10.1016/j.jaci.2008.12.008
  12. Abajian M, Curto-Barredo L, Krause K, et al. Rupatadine 20 mg and 40 mg are effective in reducing the symptoms of chronic cold urticaria. Acta Derm Venereol 2016;96:56-9. DOI: 10.2340/00015555-2150
  13. Neittaanmäki H, Myöhänen T, Fräki JE. Comparison of cinnarizine, cyproheptadine, doxepin, and hydroxyzine in treatment of idiopathic cold urticaria: usefulness of doxepin. J Am Acad Dermatol 1984;11:483-9. DOI: 10.1016/s0190-9622(84)70196-4
  14. Black AK, Keahey TM, Eady RA, Greaves MW. Dissociation of histamine release and clinical improvement following treatment of acquired cold urticaria by prednisone. Br J Clin Pharmacol 1981;12:327-31. DOI: 10.1111/j.1365-2125.1981.tb01221.x

 




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