Analyse


Utiliser du miel dans les infections des voies aériennes supérieures ?


15 11 2021

Professions de santé

Diététicien, Médecin généraliste
Analyse de
Abuelgasim H, Albury C, Lee J. Effectiveness of honey for symptomatic relief in upper respiratory tract infections: a systematic review and meta-analysis. BMJ Evidence-Based Medicine 2021;26:57-64. DOI: 10.1136/bmjebm-2020-111336


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique mais basée sur des études originales présentant le plus souvent de nombreuses limites méthodologiques montre chez des patients de tout âge, que le miel est plus efficace que les alternatives de soins habituelles pour améliorer les symptômes des IVRS, en particulier la fréquence et la gravité de la toux aiguë.



 

La prescription élargie des antibiotiques dans les infections des voies respiratoires supérieures (IVRS) n’a pas montré d’efficacité dans une synthèse méthodique de la Cochrane (1) et contribue à la résistance aux antibiotiques (2). L’utilisation du miel rentre dans le cadre de la recherche d’alternatives à cette attitude erronée. L’objectif de la méta-analyse analysée ici est d’évaluer l’efficacité du miel dans le traitement symptomatique des IVRS (3).

 

Les bases de données Pubmed, Embase, Web of Science, AMED, CAB Abstracts, Cochrane Library, LILACS et CINAHL ont été consultées par un chercheur et évaluées par un deuxième. Aucune restriction de langue ou de date n'a été appliquée. Une recherche manuelle dans les bibliographies des études incluses pour les études pertinentes a également été effectuée. Les études éligibles à l'inclusion devaient répondre aux critères suivants : essais cliniques randomisés ou études observationnelles in vivo ; patients de tout âge et de tout sexe, dans tout contexte, atteints d'affections infectieuses et atypiques des voies respiratoires supérieures diagnostiquées cliniquement ou en laboratoire ; comparant le miel (de tout type, administré de quelque manière que ce soit, seul ou en association avec d'autres traitements) avec au moins un autre groupe (pas de traitement, placebo ou thérapie habituelle) pour le traitement des symptômes de l'IVRS. Les critères de jugement les plus courants étaient les mesures de la toux. Outre les symptômes de la toux, les essais étudiaient les troubles du sommeil, les symptômes subjectifs globaux et la durée d'une combinaison de rhinite, de myalgie, de congestion et de toux.

14 essais cliniques randomisés et contrôlés et des études in vivo observationnelles ont été inclus dans cette méta-analyse. 9 concernaient uniquement des enfants. Les risques de biais ont été analysés par deux évaluateurs indépendants utilisant l’outil Cochrane d’analyse de risque de biais et qui a été évalué comme modéré. Un funnel plot n’a pu être réalisé faute d’un nombre suffisant d’études incluses.

Comparé au placebo (N=2, n=372), le miel utilisé seul montre une différence significative pour le score combiné des symptômes : DMS de -1,03 avec IC à 95% de -1,32 à -0,75 ; I² = 91%).

 

Les résultats montrent que, comparé au traitement standard, le miel, associé ou non à d’autres ingrédients, améliore :

  • le score combiné des symptômes (N = 3, n = 333) : différence moyenne standardisée (DMS) de -3,96 (avec IC à 95% de -5,42 à -2,51, I² = 0%),
  • la fréquence de la toux (N = 8, n = 832) : DMS de -0,36 avec IC à 95% de -0,5 à -0,21, I² = 0%)
  • la sévérité de la toux (N = 5, n = 598) : DMS de -0,44 avec IC à 95% de -0,64 à -0,25 ; I² = 20%.

Versus dextrométorphane, les résultats ne montrent aucune différence statistiquement significative pour les critères de jugement analysés.

Versus diphenydramine, les résultats montrent une amélioration statistiquement significative pour le miel associé ou non à d’autres ingrédients :

  • au score combiné des symptômes (N = 1, n = 87) : DMS de -5,31 avec IC à 95% de -7,96 à -2,67
  • pour la fréquence de la toux (N = 4, n = 385) : DMS de -0,29, avec IC à 95% de -0,58 à -0,01 ; I² = 46%
  • pour la sévérité de la toux (N = 3, n = 280) : DMS de -0,50 avec IC à 95% de -0,88 à -0,13 ; I² = 53%.

 

Les auteurs signalent qu’ils avaient peu d'informations sur la façon dont les patients des bras placebo ont été invités à ne pas prendre de miel et sur la façon dont leur adhésion a été mesurée. Les auteurs ont tenté d’estimer au mieux les valeurs manquantes lorsque cela était possible et approprié afin de permettre une synthèse des données, mais cela pose question quant à l’utilisation correcte d’outils validés dans les études originales. Par exemple, six études ont mesuré la toux avec des scores validés, trois ont utilisé des scores modifiés ou non validés et trois ont utilisé des questionnaires. Il faut aussi remarquer que le miel était souvent associé à d’autres ingrédients, ce qui rend difficile l’appréciation de l’efficacité du miel utilisé seul. Les soins usuels ne sont pas clairement décrits. Cette synthèse méthodique n’étudie pas les effets indésirables du miel, ce qui est étonnant, même pour une substance a priori sûre. On rappellera que le miel est contre-indiqué chez les enfants de moins de 1 an et il semble logique de se méfier en cas de diabète. Les auteurs ont fortement tendance à présenter leurs résultats en faveur du miel comme alternative aux antibiotiques. Mais nous ne pouvons accepter ce raisonnement : la question clinique n’est pas écrite comme telle ; la recherche bibliographique non plus puisqu’elle a recherché des études relatives aux symptômes des IVRS ; et enfin, pour être une alternative, encore faudrait-il que les antibiotiques soient le gold standard dans cette indication, ce qui n’est pas le cas. Il faut aussi remarquer que les résultats décrits se focalisent sur la toux : sévérité, fréquence et un score combiné incluant fréquence et sévérité de la toux, sommeil (de l’enfant et des parents) et gêne liée à la toux. La pertinence clinique de certains résultats, à la limite de la signification statistique, doit aussi être interrogée. Cela dit, les praticiens sont souvent bien démunis dans cette indication fréquente et souvent mal vécue par les patients, adultes comme enfants (et y compris leurs parents).

Malgré toutes les limitations méthodologiques des études originales et de cette synthèse méthodique, les résultats observés pourraient ouvrir la porte à l’utilisation du miel dans la prise en charge de la toux. À la question de savoir si le miel peut offrir une alternative aux antibiotiques pour les patients, cette étude ne permet aucune conclusion.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Farmaka (4) rappelle en 2014 que la toux est un symptôme, le plus souvent associé à une infection des voies respiratoires supérieures, dont la résolution est généralement spontanée en 1 à 3 semaines. Les auteurs signalaient déjà que le miel, contre-indiqué en dessous de 1 an, pourrait être bénéfique sur la toux. Ils rappelaient aussi que la plupart des molécules utilisées dans la toux n’ont pas démontré d’efficacité clinique, mais présentent des effets indésirables liés à la classe médicamenteuse à laquelle elles appartiennent. Ils recommandent de se méfier de la toux comme symptôme d’alarme, et, quand la toux est jugée non inquiétante, d’informer clairement les parents et les enfants.
L’AFMPS (5) rappelle la recommandation de contre-indiquer les antitussifs chez les enfants de moins de 6 ans qui s’explique par une balance bénéfices-risques défavorable dans cette tranche d’âge ; le manque d’études spécifiques sur la posologie de ces médicaments chez les enfants ; le fait que l’efficacité de ces médicaments chez les enfants n’est pas suffisamment démontrée ; les effets indésirables graves décrits chez les enfants (entre autres dépression respiratoire). Ces effets indésirables graves sont survenus essentiellement chez les jeunes enfants et étaient surtout dus à des surdosages accidentels.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique mais basée sur des études originales présentant le plus souvent de nombreuses limites méthodologiques montre chez des patients de tout âge, que le miel est plus efficace que les alternatives de soins habituelles pour améliorer les symptômes des IVRS, en particulier la fréquence et la gravité de la toux aiguë.

 

 

Références 

  1. Kenealy T, Arroll B. Antibiotics for the common cold and acute purulent rhinitis. Cochrane Database Syst Rev 2013, Issue 6. DOI: 10.1002/14651858
  2. Ventola CL. The antibiotic resistance crisis: Part 1: causes and threats. PT 2015;40:277–83. PMCID: PMC4378521
  3. Abuelgasim H, Albury C, Lee J. Effectiveness of honey for symptomatic relief in upper respiratory tract infections: a systematic review and meta-analysis. BMJ Evidence-Based Medicine 2021;26:57-64. DOI: 10.1136/bmjebm-2020-111336
  4. Toux aiguë chez l’enfant. Farmaka 9/11/2014. Dernière mise à jour: 19/12/2019
  5. Médicaments utilisés chez les enfants contre la toux et le rhume : recommandations de l’afmps. AFMPS. Dernière mise à jour: 25/04/2013.

 


Auteurs

Jayaswal A.
médecin généraliste à Anderlecht
COI :

De Jonghe M.
médecin généraliste, Centre Académique de Médecine Générale, UCLouvain
COI :

Glossaire

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