Revue d'Evidence-Based Medicine



Avantages et inconvénients de la méta-analyse bayésienne par rapport à la méta-analyse fréquentiste classique.



Minerva 2025 Volume 24 Numéro 8 Page 189 - 191

Professions de santé


Conclusion
La méta-analyse bayésienne offre de nombreux avantages par rapport à la méta-analyse classique fréquentiste. L’approche bayésienne donne des résultats plus fiables, en particulier lorsque le nombre d’études est faible et qu’elles présentent une importante hétérogénéité statistique. L’interprétation des résultats et des intervalles de confiance se base sur une probabilité ou probabilité a posteriori. Le point essentiel consiste à déterminer une probabilité a priori et une variance. Un mauvais choix peut entraîner un biais.


Les synthèses méthodiques et méta-analyses ont pour but de résumer les preuves existantes et de chiffrer l’efficacité d’une intervention (avec un intervalle de confiance) (1). Cependant, cette approche fréquentiste classique rencontre des problèmes statistiques si le nombre d’études incluses est faible, si le nombre de participants des études est faible ou si les études présentent une importante hétérogénéité statistique. Cela implique souvent un problème de puissance entraînant de larges intervalles de confiance et le risque que le résultat trouvé s’écarte (fortement) du résultat réellement attendu. 

 

C’est souvent le cas dans le domaine des études psychologiques, comme l’étude récemment discutée dans Minerva portant sur l’utilité des interventions de pleine conscience pour les personnes qui ont un cancer et celles qui ont survécu à un cancer (2,3). Cette étude présentait surtout un problème d’hétérogénéité, s’expliquant non seulement par le hasard inhérent aux différences dans les échantillons, mais aussi par l’hétérogénéité clinique. L’approche fréquentiste considère l’hétérogénéité uniquement comme un hasard et gère difficilement l’hétérogénéité clinique. Des études très différentes peuvent avoir une grande influence et rendre instable le résultat final. À cet égard, une approche bayésienne pourrait être une solution.

 

La méta-analyse statistique classique est basée sur le rejet ou non d’une hypothèse nulle, avec une valeur p représentant la probabilité de rejeter à tort l’hypothèse nulle. L’affirmation que vous pouvez alors faire sur le résultat est l’acceptation oui/non d’une hypothèse nulle ou alternative : il y a un effet ou il n’y a pas d’effet. Il s’agit d’une méthode d’analyse fréquentiste, qui en fait se prononce sur une population plus vaste basée sur plusieurs échantillons, où l’incertitude est attribuée uniquement aux différences d’échantillons aléatoires. En menant un plus grand nombre d’études et en les rassemblant, on réduit le risque d’une erreur de type I (rejet à tort de l’hypothèse nulle). Pour tenir compte des grandes différences entre les échantillons, un modèle à effets aléatoires est utilisé dans une analyse de régression

 

L’approche bayésienne est principalement connue grâce au théorème de Bayes, outil d’aide au raisonnement clinique pour le diagnostic, la probabilité d’un diagnostic particulier étant ajustée (probabilité a posteriori) en fonction d’une probabilité antérieure (probabilité a priori) connue et d’un nouvel argument. Par analogie, la méta-analyse bayésienne se prononce sur la probabilité d’un effet en se basant sur une probabilité a priori et sur les données d’une nouvelle étude. En d’autres termes, cette méthode utilise une probabilité a priori et les données réelles pour déterminer une probabilité a posteriori. L’affirmation finale est progressive, d’une faible probabilité à une grande probabilité, et peut déjà être formulée à partir d’un seul échantillon. La probabilité a priori doit être définie à l’avance et doit refléter ce qui est déjà connu sur un effet possible. Il est évident que cette probabilité a priori doit être définie avec soin et de manière responsable, ce qui n’est pas toujours possible. Nous distinguons trois types de probabilités a priori : non informative, informative et faiblement informative. 

 

1. Une probabilité a priori non informative traite chaque résultat possible comme étant également probable (chaque résultat possible a une probabilité égale), et la variance est généralement estimée de manière large. 

 

2. Une probabilité a priori informative est basée sur une étude (observationnelle) antérieure, sur une étude similaire dans d’autres populations ou sur l’avis d’experts. Elle impose un résultat spécifique, généralement avec une faible variation. Les nouvelles données seront comparées à celles-ci, et les études présentant des résultats significativement différents auront donc moins de poids dans la méta-analyse. 

 

3. Une probabilité a priori faiblement informative combine les approches précédentes. Un choix « prudent » est ensuite fait pour le résultat, tel que « aucun effet », mais une variance plus petite est également définie. Les études présentant des résultats significativement différents seront alors fortement pénalisées (moins pondérées) a posteriori. Cette méthode est souvent privilégiée.

 

Une méta-analyse bayésienne effectue également une analyse de méta-régression pour laquelle on choisit un modèle à effets fixes ou aléatoires (généralement aléatoires). De plus, les covariables connues peuvent être prises en compte comme dans un modèle de régression classique. 

 

Dans l’étude de Badaghi et al., une méta-analyse a été effectuée selon la méthode de pondération par moyenne des distributions a posteriori de plusieurs modèles (Bayesian model averaging) calculant une moyenne de 4 modèles (2 fixes et 2 aléatoires). Mais attention, il s’agit là d’une forme particulière de méta-analyse bayésienne.

 

La probabilité a priori est définie pour tous les paramètres de la méta-régression, tels que le résultat (intercept), un paramètre qui représente la variance (et donc l’hétérogénéité) des différentes études (tau) et les différentes covariables (4). 

 

Dans l’étude de Badaghi et al., une probabilité a priori informative connue sans effet sur le résultat et une probabilité a priori connue pour l’hétérogénéité ont été choisies sur la base de 705 méta-analyses de toutes sortes d’interventions psychologiques. 

 

Un intervalle de confiance est calculé autour de la taille de l’effet et autour de la variance. Cependant, la signification et donc l’interprétation d’un intervalle de confiance diffèrent selon que l’on adopte une approche bayésienne ou une approche fréquentiste. Pour une approche bayésienne, un intervalle de confiance de 95% signifie que l’effet réel se situe dans les limites spécifiées avec une probabilité de 95%. Pour une approche fréquentiste, un intervalle de confiance de 95% signifie que, pour les nouvelles études (= nouveaux échantillons), l’effet nouvellement trouvé sera, pour 95%, dans les limites indiquées. En fait, cela signifie que l’approche fréquentiste ne peut faire aucune déclaration sur l’effet réel ! (4). De plus, la méthode d’analyse bayésienne ne produit pas de valeur p et elle n’est pas sujette aux erreurs de type I lors des analyses de résultats multiples sur un même échantillon (où l’on applique classiquement la correction de Bonferroni avec réduction des valeurs p).

 

Dans l’étude de Badaghi et al., la fiabilité de l’effet trouvé est exprimée d’une autre manière, au moyen du facteur de Bayes (Bayes Factor, BF), qui représente la probabilité de l’hypothèse alternative (H1) par rapport à l’hypothèse nulle (H0). Les valeurs < 1 indiquent la preuve que l’hypothèse nulle est vraie. Les valeurs > 1 apportent des preuves en faveur de l’hypothèse alternative : faiblement démontrée (BF = 1-3), modérément démontrée (3-10), fortement démontrée (10-30), très fortement démontrée (30-100), clairement démontrée (> 100). 

 

L’hétérogénéité est représentée par le paramètre tau, bien qu’un I² puisse également être calculé, mais avec une signification différente de celle d’une approche fréquentiste. Les valeurs tau () de 0,1 à 0,5 sont considérées comme une « hétérogénéité raisonnable », les valeurs de 0,5 à 1,0 comme une « hétérogénéité relativement importante », et les valeurs supérieures à 1,0 comme une « hétérogénéité relativement extrême » (4).
Pour obtenir des résultats valides dans une méta-analyse bayésienne, l’élément essentiel est le choix de la probabilité a priori. Bien choisie, elle donne des résultats très fiables. Pour tester la fiabilité des choix, on effectue surtout des analyses de sensibilité comparant entre elles différentes probabilités a priori (4). 

 

L’étude de Badaghi et al. n’a toutefois pas effectué d’analyse de sensibilité, mais a choisi uniquement des probabilités a priori robustes.

 

 

Conclusion

La méta-analyse bayésienne offre de nombreux avantages par rapport à la méta-analyse classique fréquentiste. L’approche bayésienne donne des résultats plus fiables, en particulier lorsque le nombre d’études est faible et qu’elles présentent une importante hétérogénéité statistique. L’interprétation des résultats et des intervalles de confiance se base sur une probabilité ou probabilité a posteriori. Le point essentiel consiste à déterminer une probabilité a priori et une variance. Un mauvais choix peut entraîner un biais. 

 

 


Références 

  1. Chevalier P, van Driel M, Vermeire E. Synthèse méthodique et méta-analyse : première approche. MinervaF 2007;6(3):33.
  2. Badaghi N, Buskbjerg C, Kwakkenbos L et al. Positive health outcomes of mindfulness-based interventions for cancer patients and survivors: a systematic review and meta-analysis. Clin Psychol Rev 2024;114:102505. DOI: 10.1016/j.cpr.2024.102505
  3. Stas P. Quelle est l’utilité des interventions de pleine conscience pour les personnes qui ont un cancer et celles qui ont survécu à un cancer ? MinervaF 2025;24(8):169-73.
  4. Reis DJ, Kaizer AM, Kinney AR, et al. A practical guide to random-effects Bayesian meta-analyses with application to the psychological trauma and suicide literature. Psychol Trauma 2023;15:121-30. DOI: 10.1037/tra0001316


Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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