Revue d'Evidence-Based Medicine
Efficacité des interventions sur le mode de vie ciblant l’indice de masse corporelle et l’indice de masse grasse chez les enfants.
Minerva 2025 Volume 24 Numéro 10 Page 231 - 235
Professions de santé
Diététicien, Kinésithérapeute, Médecin généraliste, PsychologueContexte
La prévalence du surpoids chez les enfants belges a augmenté au cours des dernières décennies, passant de 13,6% en 1997 à 18,9% en 2018 (1). Les enfants issus de familles de bas statut socio-économique (SSE) sont touchés de manière disproportionnée (1). Au cours de cette période, l’écart entre les groupes à faible statut socio-économique et ceux ayant un statut socio-économique élevé est passé de 8 à 14,9 points de pourcentage en termes de prévalence, ce qui indique une augmentation des inégalités en matière de santé. Sciensano préconise donc des interventions axées sur l’école et sur la réglementation des environnements alimentaires malsains dans les quartiers vulnérables (1). En outre, la Belgique participe à l’Initiative pour la surveillance de l’obésité infantile (Childhood Obesity Surveillance Initiative, COSI) en Europe, une initiative de l’OMS qui collecte des données standardisées sur le poids et la taille des enfants et qui devrait contribuer à une meilleure connaissance des tendances de surpoids et d’obésité et des groupes à risque (2). Une approche multidisciplinaire est essentielle pour la prévention et le traitement du surpoids et de l’obésité chez les enfants. En Belgique, il existe déjà plusieurs initiatives auxquelles différents acteurs collaborent pour atteindre cet objectif. Depuis le 1er décembre 2023, il existe un trajet de soins fédéral pour les enfants et les jeunes présentant une obésité (3). À cet égard, le rôle de la première ligne est essentiel pour effectuer un dépistage précoce des enfants en surpoids ou obèses et ensuite les orienter vers des diététiciens, des physiothérapeutes, des psychologues ou un service offrant un soutien éducatif.
Un commentaire publié dans Minerva a traité d’une synthèse méthodique qui examinait l’efficacité des interventions comportementales pour le contrôle du poids chez les enfants et adolescents en surpoids ou obèses. Nous avons alors constaté que les interventions comportementales d’intensité modérée à élevée entraînaient une diminution du BMI (4,5). Précédemment, une synthèse méthodique avec méta-analyse de 2017 a également démontré l’impact des interventions à plusieurs composantes chez les enfants. Après 6 à 24 mois, une diminution significative du BMI a été observée, par comparaison avec la prise en charge habituelle (6). Une nouvelle synthèse méthodique sur ce thème a été publiée récemment (7).
Résumé
Méthodologie
Synthèse méthodique avec méta-analyse par paires et méta-analyse en réseau.
Sources consultées
- PubMed (MEDLINE), Embase, CINAHL, Web of Science ; du mois de janvier 2010 au mois d’août 2023
- examen manuel des listes de références issues de précédentes synthèses méthodiques avec méta-analyses
- uniquement des publications en anglais.
Études sélectionnées
- critères d’inclusion :
- études randomisées contrôlées (RCTs) comparant l’efficacité d’interventions en face à face sur le mode de vie (activité physique et/ou modification des comportements et/ou conseils nutritionnels) d’une durée supérieure à six semaines, par comparaison avec la prise en charge habituelle ou avec un groupe témoin actif, sur le BMI, le score z du BMI et l’indice de masse grasse chez des enfants âgés de 4 à 12 ans ne présentant pas de trouble physique ou mental
- tant les programmes préventifs que thérapeutiques
- critères d’exclusion :
- interventions pharmacologiques ou chirurgicales
- études menées dans des établissements spécialisés
- études menées auprès de participants présentant une obésité morbide
- finalement, inclusion de 91 RCTs avec un suivi d’une durée allant de 6 semaines à 28 mois ; menées aux États-Unis (N = 21), en Chine (N = 10), en Espagne (N = 9), en Allemagne (N = 6), au Canada (N = 5), au Royaume-Uni (N = 4), en Australie (N = 4), en Suisse (N = 4), au Brésil (N = 3), en Corée (N = 3), en Nouvelle-Zélande (N = 3), en Malaisie (N = 2), au Danemark (N = 2), aux Pays-Bas (N = 2), en Colombie (N = 1), au Koweït (N = 1), en Islande (N = 1), en Afrique du Sud (N = 1), au Portugal (N = 1), en Turquie (N = 1), dans les Îles Féroé (N = 1), en Suède (N = 1), au Japon (N = 1), en Norvège (N = 1), en Italie (N = 1), en Thaïlande (N = 1), en Serbie (N = 1) ; elles portaient sur l’efficacité en termes de BMI (N = 65), de z-score du BMI (N = 57) et d’indice de masse grasse (N = 41).
Population étudiée
- finalement inclusion de 58 649 enfants (24 à 9858 par étude) âgés en moyenne de 8,92 ans, dont 47,2% de sexe féminin.
Mesure des résultats
- résultats du principal critère de jugement : variation du BMI
- critères de jugement secondaires : variation du z-score du BMI et de l’indice de masse grasse
- méta-analyse par paires de l’effet des interventions sur le mode de vie, par comparaison avec la prise en charge habituelle, avec :
- analyses de sous-groupes pour connaître l’influence des facteurs suivants sur les résultats : type de RCTs (en grappes ou habituelle), tranche d’âge (âge préscolaire ou scolaire), poids (sain, surpoids, obésité) et objectif de l’intervention (prévention ou traitement)
- analyses par méta-régression pour savoir dans quelle mesure les caractéristiques de base, l’âge moyen et la durée de l’intervention avaient un effet sur les résultats
- méta-analyse en réseau avec inclusion supplémentaire des RCTs ayant un groupe témoin actif.
Résultats
- pour le BMI :
- avec les interventions sur le mode de vie, par comparaison avec la prise en charge habituelle, le BMI a diminué en moyenne de 0,12 kg/m² (avec IC à 95% de 0,07 à 0,17 ; p < 0,001 ; I² = 91,47%)
- analyse de sous-groupes : l’effet sur le BMI n’est plus statistiquement significatif pour les enfants d’âge préscolaire, les enfants ayant un BMI sain et en cas d’interventions préventives
- analyse par méta-régression : plus le BMI de départ et plus l’âge moyen étaient élevés, plus l’effet des interventions sur le mode de vie était important (p < 0,001 et p = 0,044) ; la durée de l’intervention n’a eu aucune influence sur le résultat
- par rapport à la prise en charge habituelle, les interventions à deux composantes et celles à plusieurs composantes ont entraîné une diminution du BMI statistiquement significative (différence moyenne respectivement de -0,49 kg/m² (avec IC à 95% de -0,88 à -0,12) et de -0,28 kg/m² (avec IC à 95% de -0,54 à -0,04) ; aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre, d’un côté, la prise en charge habituelle et, de l’autre, l’activité physique, les interventions éducatives et comportementales ou les conseils nutritionnels et diététiques
- pour le score z du BMI :
- avec les interventions sur le mode de vie, par comparaison avec la prise en charge habituelle, le score z du BMI a diminué en moyenne de 0,08 (avec IC à 95% de 0,05 à 0,11 ; p < 0,001 ; I² = 95,37%)
- analyse de sous-groupes : diminution plus importante dans les RCTs habituelles (différence moyenne pondérée -0,10 avec IC à 95% de -0,13 à -0,07 ; p < 0,001 ; I² = 69,46%) que dans les RCTs en grappe
- analyse par méta-régression : pas de facteurs ayant une incidence
- par rapport à la prise en charge habituelle, les interventions à deux composantes et celles à plusieurs composantes ont entraîné une diminution du score z du BMI statistiquement significative (différence moyenne respectivement de -0,11 (avec IC à 95% de -0,18 à -0,04) et de -0,07 (avec IC à 95% de -0,12 à -0,02) ; aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre, d’un côté, la prise en charge habituelle et, de l’autre, l’activité physique, les interventions éducatives et comportementales ou les conseils nutritionnels et diététiques
- pour l’indice de masse grasse :
- avec les interventions sur le mode de vie, par comparaison avec la prise en charge habituelle, l’indice de masse grasse a diminué en moyenne de 0,12% (avec IC à 95% de 0,06 à -0,35 ; p= 0,005 ; I² = 96,69%)
- analyse de sous-groupes : diminution plus importante dans les RCTs habituelles (différence moyenne pondérée : -1,32% avec IC à 95% de -1,98 à -0,65 ; p < 0,001 ; I² = 88,22%) que dans les RCTs en grappe
- analyse par méta-régression : plus l’indice de masse grasse de départ était élevé, plus l’effet des interventions sur le mode de vie était important (p < 0,044) ; l’âge moyen des participants et la durée de l’intervention n’ont pas eu d’influence sur le résultat
- par rapport à la prise en charge habituelle, seules les interventions à plusieurs composantes ont entraîné une diminution statistiquement significative de l’indice de masse grasse (-1,69% (avec IC à 95% de -2,97 à -0,42)) ; aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre, d’un côté, la prise en charge habituelle et, de l’autre, l’activité physique, les interventions éducatives et comportementales ou les conseils nutritionnels et diététiques.
Conclusion des auteurs
Les interventions sur le mode de vie qui combinent plusieurs composantes sont les plus efficaces pour réduire le BMI et l’indice de masse grasse chez les enfants. Parmi les approches à une seule composante, l’activité physique s’est avérée la plus efficace. Ces résultats peuvent aider les professionnels à conseiller des changements de mode de vie dans plusieurs domaines pour les enfants. En outre, les enfants qui, au départ, ont un BMI et un indice de masse grasse plus élevés semblent tirer davantage de bénéfices des interventions sur le mode de vie pour le traitement de l’obésité.
Financement de l’étude
Cette étude n’a bénéficié d’aucun financement.
Conflits d’intérêt des auteurs
Aucun conflit d’intérêt n’a été constaté concernant cette étude.
Discussion
Évaluation de la méthodologie
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse par paires et méta-analyse en réseau a fait l’objet d’un rapport élaboré selon les directives PRISMA pour les méta-analyses en réseau (network meta-analyses, NMA). Le protocole a préalablement été enregistré sur PROSPERO. Ces deux éléments favorisent la transparence et la reproductibilité et réduisent le risque de reporting sélectif. La sélection et l’extraction des données ont été effectuées par deux chercheurs indépendants. Un consensus a été recherché après l’implication d’un troisième chercheur. Cela limite le risque de biais de sélection et d’extraction dans cette synthèse méthodique. De plus, les auteurs ont extrait les données en intention de traiter, qui sont moins sujettes aux biais d’attrition et aux biais de performance et reflètent mieux la réalité.
Le risque de biais des études individuelles a été systématiquement évalué à l’aide de l’outil RoB 2. Il était globalement faible pour 32% des études incluses et élevé pour 29%. Aucune étude ne présentait un risque élevé de biais concernant la publication sélective (pour 39%, ce n’était pas clair). Le risque de biais était élevé pour 15% et indéterminé pour 29% en raison d’écarts dans les interventions prévues. Le risque de biais était élevé pour 11% et indéterminé pour 24% en ce qui concerne la mesure des résultats. Le risque de biais était élevé pour 6% et indéterminé pour 29% en ce qui concerne la randomisation, tandis qu’il était élevé pour 8% et indéterminé pour 6% en ce qui concerne le biais en rapport avec des données manquantes.
Nous avons constaté une hétérogénéité statistique significative pour les résultats avec des valeurs I² supérieures à 90%. Même dans la plupart des analyses de sous-groupes, I² est resté élevé (> 75%). Compte tenu de ce degré élevé d’hétérogénéité, on pourrait s’interroger sur le choix d’une méta-analyse en réseau. Celle-ci nécessite en effet un certain degré d’homogénéité (8). Le test d’Egger et les funnel plots indiquent un biais de publication pour le BMI et le score z du BMI. Les auteurs ont corrigé les tailles d’effet à l’aide du modèle de Copas.
Évaluation des résultats
Les résultats de cette étude montrent que les interventions à plusieurs composantes combinant différents aspects du mode de vie sont efficaces pour améliorer la composition corporelle chez les enfants. Il est important de souligner qu’il s’agit uniquement d’interventions en face à face centrées sur le mode de vie, d’une durée d’au moins six semaines, portant sur les éléments suivants : changement de comportement, nutrition et exercice physique. Aucun résultat statistiquement significatif par rapport à la prise en charge habituelle n’a pu être trouvé pour les différentes composantes. Cela semble indiquer qu’il est crucial de combiner les différents éléments et de ne pas se fier uniquement, par exemple, aux interventions diététiques. Cependant, on ignore encore quelles sont les composantes des interventions à plusieurs composantes qui influencent le plus fortement l’efficacité du traitement. Les auteurs calculent uniquement des valeurs moyennes pour les variables continues. Il est donc difficile d’estimer dans quelle mesure ces changements sont cliniquement pertinents. Par ailleurs, chez les enfants, on accorde généralement plus d’importance aux courbes de croissance qu’à leur BMI.
La population étudiée est définie de manière large, ce qui fait que les résultats de cette étude peuvent s’appliquer aux enfants de deuxième et troisième année de maternelle et à ceux d’école primaire, qui ne présentent pas de troubles physiques ou mentaux. De plus, elle incluait tant des enfants ayant un poids sain que des enfants en surpoids ou obèses, ce qui renforce la validité externe et la possibilité de généraliser à l’ensemble de la population infantile. En revanche, du fait de cette inclusion large, il est plus difficile de se prononcer sur l’efficacité dans des groupes spécifiques. Les analyses de sous-groupes montrent que les résultats concernant le BMI ne sont pas significatifs chez les enfants d’âge préscolaire ni chez les enfants ayant un BMI normal. Les informations relatives à la fréquence, à la durée et au niveau d’implication des participants font défaut parce que ces paramètres n’étaient souvent pas rapportés dans les études originales. Cela complique également l’extrapolation. Enfin, il est difficile d’estimer la durabilité de cet effet, car les effets à long terme n’ont pas été pris en compte.
Que disent les guides de pratique clinique ?
Le Centre flamand de connaissances sur les problèmes d’alimentation et de poids, « Eetexpert », propose aux diététiciens un plan étape par étape pour le traitement du surpoids et de l’obésité chez les enfants et les adolescents (9). Ce plan par étapes souligne l’importance de trois composantes essentielles du traitement : le changement de comportement, la nutrition et l’exercice physique. En outre, l’importance de la collaboration multidisciplinaire est soulignée. Le rôle du diététicien est envisagé en collaboration avec d’autres acteurs de la première ligne, tels que les médecins généralistes, les kinésithérapeutes, les psychologues et les assistants sociaux. L’implication des parents et de l’école est également explicitement mentionnée comme un important facteur de réussite dans ce trajet. Une attention particulière est également portée aux obstacles dans l’ordre de la motivation, du temps et du contexte socio-économique.
Conclusion de Minerva
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse par paires et méta-analyse en réseau montre que les interventions à plusieurs composantes ciblant le mode de vie, par comparaison avec la prise en charge habituelle, est efficace pour améliorer la composition corporelle des enfants âgés de 4 à 12 ans. Les composantes individuelles centrées sur la nutrition, sur l’exercice physique ou sur le changement de comportement ne semblent pas être efficaces individuellement, par comparaison avec la prise en charge habituelle. Les effets sont les plus marqués chez les enfants dont le BMI et l’indice de masse grasse sont élevés lors de l’instauration du traitement. Cette méta-analyse présente toutefois d’importantes lacunes sur le plan de la méthodologie, comme une hétérogénéité statistique et clinique significative et une description incomplète des interventions et des participants inclus.
- Drieskens S, Charafeddine R, Vandevijvere S, et al. Rising socioeconomic disparities in childhood overweight and obesity in Belgium. Arch Public Health 2024:82:98. DOI: 10.1186/s13690-024-01328-y
- Sciensano. Childhood Obesity Surveillance Initiative - Belgium (COSI). Sciensano.be. Publié le 1 juni 2020. (Site consulté en octobre 2025.) URL: https://www.sciensano.be/fr/projets/initiative-de-surveillance-de-lobesite-infantile-belgique
- INAMI. Remboursement d’un traitement diététique pour les jeunes souffrant de surpoids ou d'obésité. Publié le 1/04/2020. Mis à jour le 1/12/2023. (Site consulté en octobre 2025.)
- Chevalier P. Efficacité des interventions pour le contrôle du poids chez l’enfant. MinervaF 2010:9(9): 116-7.
- Whitlock EP, O’Connor EA, Williams SB, et al. Effectiveness of weight management interventions in children: a targeted systematic review for the USPSTF. Pediatrics 2010;125:e396-e418. DOI: 10.1542/peds.2009-1955
- Elvsaas IK, Giske L, Fure B, Juvet LK. Multicomponent lifestyle interventions for treating overweight and obesity in children and adolescents: a systematic review and meta-Analyses. J Obes 2017:2017:5021902. DOI: 10.1155/2017/5021902
- Xiwen Su , Mohamed A Hassan, HyunJoon Kim, Zan Gao. Comparative effectiveness of lifestyle interventions on children's body composition management: a systematic review and network meta-analysis. J Sport Health Sci 2025;14:1-11. DOI: 10.1016/j.jshs.2024.101008
- Chevalier P. Méta-analyse en réseau : comparaisons directes et indirectes. MinervaF 2009;8(10):148.
- Eetexpert. Overgewicht en obesitas bij kinderen en adolescenten. Draaiboek voor diëtisten. Vlaamse Gemeenschap, Ministerie van Welzijn, Volksgezondheid en Gezin, november 2022. (Site consulté en october 2025.)
Auteurs
Joossens S.
lector Voedings- en dieetkunde (UCLL)
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.
Code
E66
T82, T83
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