Revue d'Evidence-Based Medicine



Comment transmettre l’EBM ?



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 3 Page 27 - 27

Professions de santé


 

Une question embarrassante

Madame Dominique que vous suivez depuis de nombreuses années se présente devant vous. Elle souffre d’une maladie de Crohn. Son spécialiste lui recommande de débuter un traitement à base d’infliximab. Elle vous demande ce que vous en pensez. Quelle serait votre attitude si vous ignorez la réponse ?

 

McGowan et al. (1) signalent qu’un praticien ignorant une réponse à une question clinique donnée adopte une des attitudes suivantes : soit il recherche la réponse par lui-même (41%), soit il ne fait rien (25%), soit il appelle un collègue (6%) ou téléphone à une connaissance (4%). Il peut également faire revenir le patient (1%), le référer (3%) ou adopter une autre attitude comme par exemple demander un examen complémentaire (10%). Il reste cependant 10% d’attitudes non décrites (sur un total de 12 889 questions concernées).

Transmettre une information de qualité : quelle méthode ?

Retrouver une information de qualité est difficile pour le médecin généraliste. De même, transmettre une information de qualité pour les auteurs de cette information de qualité pose question. Quelle méthode utiliser ? Les médecins et leurs pratiques diffèrent au niveau des besoins, de l'expérience, des méthodes d'apprentissage. Différentes possibilités existent avec chacune ses avantages et ses désavantages. Nous avons évoqué dans Minerva le rôle joué par les lectures et la FMC (2). La revue Evidence-Based Medicine a mis en place une nouvelle approche dans la présentation de ses articles. Plus rapide, plus pragmatique, plus centrée sur des questions cliniques précises (3). Minerva a mis cette dernière année l’accent sur le paragraphe « Pour la pratique » s’obligeant ainsi à présenter à ses lecteurs une réponse pratique. Minerva développe également actuellement, pour son service Web, une approche basée sur des questions cliniques concrètes. Les aides à la décision informatisées sont également une piste et nous en avons également discuté dans Minerva (4). En Belgique, un projet fédéral s’oriente dans cette direction (2). Le langage informatique, uniformisé et standardisé, se voulant le plus souvent indépendant du contexte (context free selon les Anglo-Saxons), provoque cependant parfois des réticences auprès des médecins, même si l’idéal de ce langage rencontre un certain idéal médical. Certains médecins sont méfiants vis-à-vis d’une machine élevée parfois au rang d’icône incontournable sans plus aucune réflexion de fond quant à la balance bénéfice/risque qu’elle apporte. Aucune de ces méthodes ne satisfait 100% des médecins. Existerait-il dès lors une alternative ?

Just-in-time information 

Au Canada, une étude de très bonne qualité méthodologique a été menée, relative au Just-in-time information in Primary Care (1). Le soignant pose directement sa question par téléphone à un service spécialisé dans la recherche documentaire en information médicale, service constitué de 3 bibliothécaires et d’un étudiant bibliothécaire formés aux techniques EBM (interprétation d’une question clinique, aptitudes à la recherche et à l’approche critique de la littérature) et aux méthodes de livraison d’une information uniformisée et cohérente. Lors d’une période de rodage d’un an, une solution a été recherchée pour les problèmes de processus de remise de l’information. Durant l’évaluation, le demandeur reçoit une réponse dans un délai moyen de 13,68 minutes/question. Les questions concernent tous les champs de la médecine : diagnostic, étiologie, traitement, prévention, procédures et pronostic. Le degré de satisfaction exprimé par les participants est interpellant : 86% ont perçu la réponse apportée comme ayant un impact positif sur leur pratique. Cet impact positif est défini comme améliorant le pouvoir décisionnel, permettant l’apprentissage de quelque chose de nouveau, une réactualisation de connaissance ou un rappel d’une information oubliée. Septante-deux % des soignants continueraient à utiliser ce service s’il se maintenait et 33% d’entre eux seraient même prêts à payer.

Diversité et importances relatives 

D’un point de vue EBM strict, cette étude n’apporte aucune réponse quant à un changement qualitatif des pratiques. Elle n’éclaire pas non plus les problèmes de contextualisation d’une information EBM, à savoir : comment utiliser cette information pour ce patient en face de moi ? Cette méthode ne peut donc pas être recommandée. Cependant, encourager les médecins à chercher les informations et élargir les possibilités pouvant les aider dans cette démarche est primordial. Que ce soit par les voies classiques de l’écriture ou par la présentation orale entre pairs, par la voie informatique ou par un contact téléphonique avec un expert spécialiste en recherche documentaire, aucun de ces modes de transmission de l’information ne peut être défendu comme étant LA solution, unique et parfaitement en adéquation avec les besoins de l’ensemble des médecins. Chacun a un intérêt et une importance relatifs mais réels et il est essentiel d’en comprendre et maîtriser les limites et les bénéfices.

 

Références

  1. McGowan J, Hogg W, Campbell C, Rowan M. Just-in-time information improved decision-making in primary care: a randomized controlled trial. PLoS ONE 2008;3.e3785.
  2. Chevalier P. Les tests de lecture de Minerva. MinervaF 2010;9(6):65-6.
  3. Solomon J. New look Evidence-Based Medicine. Evid Based Med 2010;15:2.
  4. De Jonghe M. Aide électronique à la décision médicale. MinervaF 2009;8(2):14-5.

Comment transmettre l’EBM ?

Auteurs

De Jonghe M.
médecin généraliste, Centre Académique de Médecine Générale, UCLouvain
COI :

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