Revue d'Evidence-Based Medicine



Génériques dans la pratique - Entre errance utopiste et prosaïsme



Minerva 2009 Volume 8 Numéro 6 Page 69 - 69

Professions de santé


 

 

« Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n’y a pas longtemps, un hidalgo, de ceux qui ont lance au râtelier, rondache antique, bidet maigre et lévrier de chasse ».

Cet hidalgo nourri des récits de chevalerie va se choisir le nom de Don Quichotte.

Miguel de Cervantes.

El Ingenioso Hidalgo Don Quixote de La Mancha. 1605

(pas d’adresse web pour l’œuvre originale).

 

Générique et DCI : pas de confusion

Un médicament générique est un médicament enregistré comme une spécialité et possède son « nom de fantaisie » individuel qui rappelle souvent le nom générique. Nous avons récemment repris les caractéristiques indispensables pour une reconnaissance légale (enregistrement) d’un médicament générique (1). Si le praticien prescrit un médicament générique précis, le pharmacien est tenu de délivrer celui-ci, comme pour toute spécialité. Si par contre le praticien établit une prescription pour un médicament en dénomination commune internationale (DCI, International Nonproprietary Name), le pharmacien peut, dans un certain cadre, choisir entre plusieurs marques à délivrer. Dans les lignes qui suivent, distinction doit être faite entre prescription en DCI et délivrance d’un médicament générique, prescription et délivrance d’un médicament générique précis d’autre part.

Pratique du générique

La conception de l’outil médicament générique et l’utilisation qui en est faite dans la pratique, à la suite d’une prescription en DCI ou non, fait songer au couple célèbre de la dite première œuvre moderne de la littérature : Don Quichotte, chevalier errant, idéaliste mais fantasque et Sancho Panza, son écuyer prosaïque, plus préoccupé des réalités particulièrement alimentaires. L’aspect caricatural de ces personnages n’est certes pas transposable comme tel pour les questions autour du médicament générique mais il peut provoquer notre réflexion. L’utopie de Don Quichotte d’une part, dans le sens de la quête d’une situation idéale mais imaginaire. Le prosaïsme de Sancho Panza d’autre part, qui rend la situation idéale encore plus imaginaire. Abordons, dans ces deux perspectives, la pratique des médicaments génériques… sans en faire un roman.

Briser quelques lances

Les problèmes dans la pratique : liés au fait qu’il s’agit d’un médicament générique ? Entre utopie et prosaïsme ?

Erreurs de délivrance

Une enquête auprès de 419 pharmaciens australiens (2) montre la réalité d’un problème d’erreurs de délivrance : 71% d’entre eux mentionnent avoir eu connaissance d’erreurs survenues dans leur officine (ou hôpital) au cours des 6 derniers mois (moyenne de 3 erreurs par pharmacie, non détectées lors de la dispensation). Parmi les principaux facteurs provoquant ces erreurs figurent les similitudes entre noms de spécialités et entre conditionnements. La similitude des emballages n’est pas l’apanage des génériques et cette similitude, source de confusion lors de la délivrance en pharmacie, est observée dans d’autres marques (firmes) avec uniquement des spécialités non génériques (2).

Délivrance limitée du moins cher

Selon la loi, le pharmacien doit tenir compte du meilleur intérêt du bénéficiaire pour choisir la spécialité générique qui sera effectivement délivrée, soit tenir compte des paramètres financiers mais aussi de l’intérêt thérapeutique pour le patient. Une récente enquête (3) effectuée en Belgique montre que le pharmacien ne délivre pas majoritairement le générique le moins cher (16% pour du captopril prescrit en DCI, 45% pour du fluconazole en DCI).

Multiplicité nocive

Un des problèmes importants est la multiplication de génériques du même médicament (molécule). Sur le plan économique, l’acceptation par les autorités d’une telle multiplicité est une erreur par rapport à leur objectif d’économies. Des observations montrent que plus il y a de spécialités d’un même médicament sur le marché, au plus le marché de ce médicament s’étend (4). Ce problème de multiplicité est également potentiellement dangereux au niveau du patient qui prendra un même médicament plusieurs fois parce qu’il en dispose sous des noms de spécialités différents (2).

Un triangle qui impose attention

Luong (5) nous propose une approche plus particulière de la prescription en dénomination commune internationale (DCI). Il insiste tout d’abord sur l’effet placebo de tout médicament. Il pointe ensuite l’effet de marque directement induit par le marketing auprès du prescripteur. Il nous décrit comment parlent nos patients : « Mon docteur (nom) m’a prescrit de l’Anafranil », « On m’a prescrit de l’Anafranil », « On m’a prescrit de la clomipramine », « Mon docteur m’a prescrit de la clomipramine ». La précision du médicament prescrit par le médecin à son patient, et la délivrance par le pharmacien d’un médicament précis à une personne précise sont donc des notions très importantes à respecter dans la pratique quotidienne. Le manque de confiance (affiché ou suggéré) du médecin et/ou du pharmacien dans un « générique » est un risque de moindre activité thérapeutique pour le patient. En cas de prescription en DCI, l’intérêt et la sécurité d’une telle prescription doivent être partagés par les trois angles du triangle autour du médicament source de guérison : le patient, le médecin prescripteur et le pharmacien qui délivre (voire annexe). Il s’agit donc bien d’expliquer au patient qu’il ne s’agit pas d’un « produit blanc » fabriqué par on ne sait qui, sans garantie de qualité et dont le SEUL intérêt est d’être moins cher au mépris d’autres considérations de sécurité.

 

Références

  1. Bogaert M, Chevalier P. De Equivalence clinique des génériques - Personne à convaincre [Editorial]. MinervaF 2009;8(5):53.
  2. Eviter l’évitable. Rev Prescr 2005;25(267) (Supplément).
  3. De Rijck V, Lievens A, Van Laere A. Importantes économies. Prescription en dénomination commune. Test Santé 2009;16:10-4.
  4. Monnet DL, Ferech M, Frimodt-Møller N, Goossens H. The more antibacterial trade names, the more consumption of antibacterials: a European study. Clin Infect Dis 2005;41:114-7.
  5. Luong C. Noms de marque et DCI n’ont pas la même signification. Revue Praticien Med Gen 2001;15:1569-71.

 

 

Annexe

 

De la relation nominale à l’efficacité nominative

  • Mon docteur Chevalier m’a prescrit de l’Anafranil et mon pharmacien Poffé m’a délivré de l’Anafranil prescrit par mon médecin

  • On m’a prescrit, délivré, de la clomipramine

  • Mon docteur Chevalier m’a prescrit UN générique

L’Anafranil, cette boîte jaune et orange; l’imipramine xxx, toutes ces boîtes xxx de même couleur pour les génériques

 

Génériques dans la pratique - Entre errance utopiste et prosaïsme

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

Glossaire

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