Revue d'Evidence-Based Medicine



Information de la délégation médicale des firmes et sécurité pour le patient



Minerva 2014 Volume 13 Numéro 3 Page 27 - 27

Professions de santé


 

 


Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone

 

 

Il y a presque 10 ans, la revue Minerva commentait (1) le «House of Commons» du parlement britannique (2) concernant l'influence de l'industrie pharmaceutique sur la recherche pour les médicaments, sur l'information les concernant destinée aux médecins et aux patients et sur l'évaluation de l'efficacité et de la sécurité des médicaments qui arrivent sur le marché. Nous avons, entre autres, souligné le rôle des délégués des firmes pharmaceutiques auprès des médecins, de l’information que ceux-ci délivrent et la nécessité de former les médecins à adopter une attitude analytique critique face aux informations qu’ils reçoivent.

Nous avons aussi évoqué (3) l’importance de cette exposition à l’information des firmes sur la qualité de la prescription : 66 % des études reprises dans une synthèse méthodique de la littérature (4) montraient un lien entre cette exposition et une modification (péjorative) de la qualité, de la fréquence et du coût de la prescription.

Information insuffisante sur la sécurité

Une enquête comparative internationale nous apporte des éléments complémentaires et plus détaillés encore, en insistant sur les dangers pour la sécurité des patients (5).

A Montréal et Vancouver (Canada), à Sacramento (USA) et à Toulouse (France), un total de 255 médecins généralistes, choisis aléatoirement sur des listes, ont rapporté 1 692 promotions spécifiques de médicaments par des délégués. Les auteurs de cette recherche avaient déterminé comme critère primaire une information adéquate minimale sur la sécurité du médicament c-à-d la mention d’au moins une indication enregistrée, au moins un effet indésirable sérieux, au moins un effet indésirable fréquent non sévère, au moins une contre-indication avec absence de revendications de sécurité non fondées ou d’indications non approuvées. Ils ont obtenu les résultats suivants. La plupart des visites de délégués se sont déroulées en tête-à-tête et 55 % d’entre elles ont duré plus de 5 minutes. Une information adéquate minimale sur la sécurité du médicament a été délivrée dans 1,2 % des promotions à Vancouver, 1,7 % à Montréal, 0,9 % à Sacramento et 3,0 % à Toulouse. Les auteurs notent que l’information a été significativement meilleure (p = 0,03) à Toulouse qu’à Sacramento. Significativement meilleure avec un pourcentage de 3% reste cependant décevant. Aucune information, ni orale ni écrite, à propos des effets indésirables n’a été délivrée dans 11 % des cas à Toulouse, 36 % des cas à Sacramento et 40% des cas au Canada. Une information spécifique sur les effets indésirables sérieux a été donnée dans respectivement 6 %, 6 % et 5 % des cas. Des indications non prouvées ont été revendiquées dans respectivement 16 %, 10 % et 13 % des cas. Des affirmations inexactes quant à la sécurité ont été introduites dans respectivement 15 %, 5 % et 7 % des cas.

Au total (4 sites) la promotion a comporté une mention de bénéfice du médicament dans 80 % des cas et une mention d’effets indésirables dans 41 % des cas.

Cette recherche montre donc que l’information fournie par les délégués des firmes pharmaceutiques aux médecins généralistes aborde deux fois plus fréquemment les bénéfices que les effets indésirables, ceux-ci étant mentionnés dans moins de la moitié des entretiens. Les effets indésirables sérieux sont très rarement mentionnés, même s’ils figurent dans les Résumés des Caractéristiques du Produit (RCP) en encadré pour les précautions à prendre ou s’ils ont fait l’objet d’avertissements de (pharmaco) vigilance.

Mauvaise appréciation de la qualité de l’information reçue

Ce qui est encore plus préoccupant, c’est l’appréciation des médecins visités quant à l’information reçue. Dans cette enquête, plus de la moitié les médecins estiment avoir reçu une information de qualité « bonne » à « excellente » et expriment leur disposition dans près des deux tiers des cas à prescrire ou represcrire le médicament promotionné. Comme le soulignent les auteurs de cette recherche, ceci pose question : la connaissance des effets d’un médicament sur la santé ne concerne-t-elle pas autant ses inconvénients que ses bénéfices potentiels ?

Les dispositions légales en matière de dispensation de l’information par les firmes auprès des médecins sont pourtant explicites, dans les trois pays concernés, sur l’obligation, entre autres, de mentionner les données de sécurité (Canada et USA), effets indésirables, précautions et contre-indications (France). Ces dispositions ne sont guère appliquées.

Indépendance de l’information et information complète

Comme nous l’avons déjà mentionné dans les colonnes de cette revue, il est indispensable d’apprendre aux futurs médecins à comprendre la promotion pharmaceutique. L’auteur principal de l’étude présentée plus haut, Barbara Mintzes, est co-auteur d’un projet collaboratif fort intéressant dans ce domaine (6). Il est aussi fort important de toujours souligner l’importance des sources d’informations pharmacothérapeutiques indépendantes. Le Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique, la revue Minerva, l’ASBL Farmaka (Formulaire MRS, FormulR/info et Visiteurs Indépendants), les membres de l’International Society of Drugs Bulletin (dont la revue Prescrire fait partie pour la France) dispensent une information complète qui peut permettre au praticien de mieux situer l’intérêt potentiel d’un (nouveau) médicament pour optimiser les soins qu’il peut apporter à ses patients.

 

Références

  1. De Meyere M. Du «House of Commons» britannique au parlement belge. [Editorial] MinervaF 2005:4(10);147.
  2. House of Commons Health Committee. The influence of the pharmaceutical industry. 2005. http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200405/cmselect/cmhealth/42/42.pdf
  3. Chevalier P, Semaille P. (Dés)information par les firmes pharmaceutiques. [Editorial] MinervaF 2011;10(4);40.
  4. Spurling GK, Mansfield PR, Montgomery BD, et al. Information from pharmaceutical companies and the quality, quantity, and cost of physicians’ prescribing: a systematic review. PLoS Med 2010;7: e1000352.
  5. Mintzes B, Lexchin J, Sutherland JM et al. Pharmaceutical sales representatives and patient safety : a comparative prospective study of information quality in Canada, France and the United States. J Gen Intern Med 2013;28:1368-75.
  6. Mintzes B, Mangin D, Hayes L; pour l’Organisation Mondiale de la Santé et Action Internationale pour la Santé. Comprendre la promotion pharmaceutique et y répondre. Un manuel pratique. Projet collaboratif. Edition originale 2009. Première version pour expérimentation et évaluation. Traduction française 2013. Téléchargeable gratuitement sur le site www.haiweb.org
Information de la délégation médicale des firmes et sécurité pour le patient



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