Revue d'Evidence-Based Medicine



Glinides pour le diabète de type 2 ?



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 2 Page 30 - 31

Professions de santé


Analyse de
Black C, Donnelly P, McIntyre L, et al. Meglitinide analogues for type 2 diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 2.


Question clinique
Quelle est l’efficacité des analogues de la méglitinide (glinides) l’un par rapport à l’autre, versus placebo ou versus metformine chez des patients présentant un diabète de type 2 ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique n’isole dans sa recherche aucune étude évaluant l’efficacité des glinides sur des critères de jugement forts tels que la morbidité et la mortalité. Versus metformine, les glinides provoquent plus d’hypoglycémies et de prise de poids ; ils sont également plus onéreux. Une autre méta-analyse récente confirme ces observations. La metformine reste le premier choix en cas de diabète de type 2. Une place éventuelle pour les glinides doit encore être mieux étayée.


 

Résumé

Contexte

Les analogues de la méglitinide (glinides : répaglinide et natéglinide) sont des médicaments hypoglycémiants oraux qui se lient aux récepteurs sulfonylurées des cellules pancréatiques bêta et provoquent ainsi, après une stimulation glycémique, une sécrétion insulinique rapide et de courte durée (1,2). Sur la base de leurs propriétés pharmacocinétiques, un meilleur contrôle glycémique postprandial est attendu, avec un moindre risque d’hypoglycémies ce qui devrait améliorer la qualité de vie des diabétiques prenant leurs repas à horaire irrégulier.

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyses

Sources consultées

  • Cochrane Library, MEDLINE, EMBASE, Science Citation Index, ISI Proceedings, www.controlled-trials.com (base de données d’études en cours)
  • listes de référence des publications trouvées
  • firmes pharmaceutiques Novo Nordisk et Novartis
  • sites web de l’ADA (American Diabetes Association) et de l’EASD (European Association for the Study of Diabetes).

Etudes sélectionnées

  • études cliniques randomisées contrôlées
  • comparant glinide : avec un placebo, un autre glinide ou de la metformine ; en monothérapie ou en association avec de la metformine ou avec de l’insuline
  • exclusion : durée d’étude <10 semaines, protocole d’étude inadéquat
  • 15 études incluses ; 41 exclues.

Population étudiée

  • 3781 patients âgés de 18 à 75 ans présentant un diabète depuis au moins 3, 6 ou 12 mois selon les études si mentionné 
  • déjà traités, soit par régime seul (N=7), soit par antidiabétique oral, avec ou sans régime (N=9), associé à de l’insuline NPH dans une étude
  • exclusion des patients avec insuffisance rénale ou maladie cardiovasculaire dans la plupart des études
  • 26 à 699 patients par étude.

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : mortalité, globale ou liée au diabète, complications liées au diabète
  • critères secondaires : contrôle glycémique (diminution de l’HbA1C d’au moins 0,5%) ; modification du poids ou de l’IMC, hypoglycémies (classées en légères, modérées ou sévères selon les critères DCCT) ; glycémie à jeun ou postprandiale (uniquement en cas de non mention de l’HbA1C) ; lipidémies, effets indésirables ; qualité de vie et satisfaction du patient
  • analyse en modèle d’effets fixes.

Résultats

 

Critères primaires : pas de données dans les études

 

Critères secondaires

  • glinide versus placebo (N=11) : réduction de l’HbA1C sous répaglinide (N=6, dont 5 avec un résultat significatif) de 0,1 à 2,1% ; réduction de l’HbA1C sous natéglinide (N=5) de 0,2 à 0,6%
  • répaglinide versus natéglinide (N=2, n=342) : réduction de l’HbA1C sous répaglinide de -0,5 à -0,6%
  • répaglinide versus metformine (N=3, n=248) et natéglinide versus metformine (N=1, n= 355) : pas de différence significative
  • effets indésirables : glinide versus placebo ou versus metformine : davantage de prise de poids (jusqu’à 3 kg de différence sur 3 mois), moins de diarrhée, plus d’hypoglycémies
  • qualité de vie (pas de différence) et satisfaction du patient (meilleur score pour le répaglinide) dans la seule étude qui évalue ces critères (répaglinide versus placebo).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que les glinides présentent une efficacité semblable à celle de la metformine. Ils peuvent être utilisés comme antidiabétiques oraux alternatifs quand la metformine est mal tolérée (diarrhée) ou contre-indiquée. Nous ne disposons pas de données d’efficacité ou de sécurité à long terme.

Financement

Department of Public Health de l’Université d’Aberdeen. Pas de financement externe.

Conflits d’intérêt

Aucun n’est mentionné.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Deux des auteurs ont, indépendamment l’un de l’autre, extrait les données et évalué la qualité méthodologique de chaque étude, avec concertation prévue en cas de divergence de vue. La concordance de leur travail est complète (kappa de Cohen = 1). Ils se sont heurtés à plusieurs limites : la qualité méthodologique des études était difficile à évaluer (méthode de randomisation, insu, etc.), le financement des études était fourni par la firme pharmaceutique impliquée, les participants aux études étaient en forte majorité des Caucasiens, certains groupes de patients particulièrement concernés (par exemple présentant des affections cardiovasculaires, hépatiques ou rénales) étaient exclus. Les auteurs évaluent l’hétérogénéité statistique au moyen de différents tests validés (Z score, χ-2 et I-2). Une hétérogénéité clinique est manifeste : populations incluses, doses médicamenteuses utilisées, associations d’autres antidiabétiques oraux, protocole d’étude. Cette hétérogénéité n’est pas inattendue : un traitement médicamenteux du diabète de type 2 est souvent complexe (3), avec des médicaments par voie orale associés entre eux ou avec de l’insuline. Les auteurs estiment, à juste titre, que le nombre limité d’études ne permet pas d’explorer l’hétérogénéité observée (trop faible échantillon global).

Interprétation des résultats

Cette méta-analyse Cochrane se limite à une comparaison entre glinides versus placebo, autre glinide ou metformine, médicaments utilisés chaque fois en monothérapie ou en association avec de l’insuline. En fonction du mécanisme d’action des glinides, une comparaison avec d’autres antidiabétiques oraux, en particulier les sulfonylurées, aurait présenté plus d’intérêt. D’autres évaluations comparatives (par exemple sulfonylurées versus glitazones) seront bientôt publiées dans des méta-analyses Cochrane. A suivre… La durée brève de traitement dans les études incluses laissait présager l’absence de données en termes de mortalité et de morbidité ; nous sommes donc contraints de nous rabattre sur le critère intermédiaire habituel, le contrôle glycémique évalué par les valeurs d’HbA1C. L’efficacité sur des critères à plus long terme et finalement beaucoup plus importants (par exemple les complications micro- et macrovasculaires, la mortalité) n’est pas évaluée.

 

Autres études

Dans l’introduction de cette méta-analyse Cochrane, ses auteurs abordent largement le (potentiel) bénéfice du contrôle glycémique postprandial sur le risque cardiovasculaire. Différentes études épidémiologiques (dont l’étude DECODE (4) est la plus célèbre), ont montré un lien entre les deux éléments. Cette intéressante hypothèse doit être considérée avec prudence : nous ne disposons, à ce jour, que de peu ou pas d’études d’intervention pour confirmer ou infirmer cette hypothèse. Une synthèse méthodique récente (5) évaluant l’efficacité globale des antidiabétiques oraux ne retient que 5 études comparatives entre sulfonylurées et glinides, sans différence observée en termes d’efficacité ou de sécurité.

Pour la pratique

Les glinides provoquent plus d’hypoglycémies et de prise de poids que la metformine ; ils sont également beaucoup plus onéreux. Notre expérience à leur sujet est limitée, contrairement à notre expérience étendue (et favorable) avec la metformine. La metformine reste donc le premier choix en cas de traitement médicamenteux du diabète de type 2. Cette recommandation est reprise comme telle dans la dernière Recommandation de Bonne Pratique belge (6).

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique n’isole dans sa recherche aucune étude évaluant l’efficacité des glinides sur des critères de jugement forts tels que la morbidité et la mortalité. Versus metformine, les glinides provoquent plus d’hypoglycémies et de prise de poids ; ils sont également plus onéreux. Une autre méta-analyse récente confirme ces observations. La metformine reste le premier choix en cas de diabète de type 2. Une place éventuelle pour les glinides doit encore être mieux étayée.

Références 

  1. Dornhorst A. Insulinotropic meglitinide analogues. Lancet 2001;358:1709-16.
  2. Blicklé JF. Meglitinide analogues: a review of clinical data focused on recent trials. Diabetes Metab 2006;32:113-20.
  3. Nathan DM, Buse JB, Davidson MB, et al. Management of hyperglycemia in type 2 diabetes: A consensus algorithm for the initiation and adjustment of therapy: a consensus statement from the American Diabetes Association and the European Association for the Study of Diabetes. Diabetes Care 2006;29:1963-72.
  4. Glucose tolerance and mortality: comparison of WHO and American Diabetes Association diagnostic criteria. The DECODE study group. European Diabetes Epidemiology Group. Diabetes Epidemiology: Collaborative analysis Of Diagnostic criteria in Europe. Lancet 1999;354:617-21.
  5. Bolen S, Feldman L, Vassy J, et al. Systematic review: comparative effectiveness and safety of oral medications for type 2 diabetes mellitus. Ann Intern Med 2007;147:386-99.
  6. Wens J, Sunaert P, Nobels F, et al. Recommandation de Bonne Pratique. Le diabète sucré de type 2. SSMG, 2007.

 

Noms de marque

Répaglinide : Novonorm

Natéglinide: non commercialisé en Belgique

Glinides pour le diabète de type 2 ?

Auteurs

Van Crombrugge P.
Dienst Endocrino-diabetologie, O.L. Vrouwziekenhuis, Aalst
COI :

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