Revue d'Evidence-Based Medicine
Une prescription inappropriée d’antibiotique, mais un gain de temps? Une illusion supplémentaire qui s’envole…
Minerva 2006 Volume 5 Numéro 5 Page 65 - 65
Professions de santé
Des études scientifiques ont montré que de nombreux obstacles jonchent la voie d’un comportement de prescription antibiotique appropriée. Les médecins craignent perdre du temps ou leurs patients en ne prescrivant pas d’antibiotique. D’autres facteurs impliqueraient le patient: peur de complications, d’absentéisme au travail ou à l’école, croyances erronées concernant l’efficacité des antibiotiques 1,2.
Un de ces mythes a déjà été ébranlé dans notre pays: la majorité des patients désirent-ils réellement un antibiotique? Une enquête auprès de patients souffrant de mal de gorge a révélé les attentes des patients: recevoir une information, un bon examen physique et un calmant de la douleur, tels étaient leurs trois souhaits principaux. Une demande d’un antibiotique appartenait aux trois motivations les moins fréquentes de consultation (à la onzième place de treize) 2. Des recherches dans d’autres pays confirment ces observations 3. Les auteurs de l’étude belge concluent que le fait de donner une information correcte et de réserver une attention particulière à la sédation de la douleur est probablement plus important que la prescription (inappropriée) d’un antibiotique 2.
Des recherches en focus groupes aux Etats-Unis ont montré que les médecins avaient l’impression de gagner du temps en prescrivant rapidement un antibiotique (inapproprié) au lieu d’expliquer pourquoi celui-ci n’était pas nécessaire. Un deuxième mythe 4? Force est de constater la rareté des études dans ce domaine abordant l’important aspect de l’implantation de messages basés sur l’EBM. Les auteurs américains citent une étude réalisée chez des adultes souffrant d’une infection aiguë des voies respiratoires, étude dans laquelle la prescription inappropriée d’un antibiotique permet de gagner une minute (sur une durée moyenne de la consultation de 14 minutes) 5. Une autre étude, récente, concerne des enfants atteints d’une infection aiguë des voies respiratoires supérieures ou un accès aigu de bronchite 6. Sont exclus, les enfants présentant une infection supposée bactérienne telle qu’une otite suppurative, une sinusite (!), une amygdalite ou une pneumonie. Cette «National Ambulatory Medical Care Survey» a sélectionné, au sein de 4 727 consultations d’enfants, 269 d’entre elles qui concernaient une infection des voies respiratoires aiguë et supposée virale. A noter que la moitié de ces consultations était honorée à l’acte, l’autre moitié étant effectuée dans le cadre d’un forfait. Un antibiotique est prescrit dans une moyenne de 30% des consultations (27% en cas d’infection aiguë des voies respiratoires supérieures, 46% en cas de bronchite aiguë). La durée moyenne de temps de consultation est de 14,24 minutes (ET 0,85) en cas de prescription d’un antibiotique et de 14,18 minutes (ET 1,03) en cas de contact se limitant à une explication. Une analyse multivariée montre l’absence de lien avec le mode de rétribution de la consultation ou avec le fait que ce soit le médecin traitant. Une étude comparative en Europe avait également montré cette absence de lien entre le mode de paiement et la prescription d’antibiotiques 7.
Les deux études précitées nous montrent l’absence d’un gain de temps lié à la prescription d’un antibiotique, du moins chez des médecins américains. Ajoutons que les antibiotiques n’ont pas prouvé qu’ils diminuaient le nombre de complications et que, par contre, ils augmentent la survenue d’effets indésirables, le risque d’apparition de résistance microbienne et, globalement, les prestations médicales et leur coût pour la sécurité sociale et le contribuable. Une étude européenne a comparé le temps moyen de consultation dans différents pays européens: avec une durée moyenne de 15 minutes, la Belgique se place parmi les pays aux consultations les plus longues 8, mais, par rapport à nos collègues américains, la différence n’est que d’une minute.
Il n’y a donc pas, à l’heure actuelle, d’argument montrant un gain de temps lors de la prescription inappropriée d’un antibiotique en cas d’infection des voies respiratoires. Centrons-nous donc sur une information correcte du patient: motivons l’absence de prescription d’un antibiotique, et lors d’une prescription indiquée, donnons les explications nécessaires pour un usage correct, concernant les effets indésirables possibles, les signes d’alerte à ne pas négliger et le suivi nécessaire.
M. De Meyere
Références
- Hooton TM, Levy SB. Antimicrobial resistance: a plan of action for community practice. Am Fam Physician 2001;63:1087-98.
- van Driel M, Provoost S, Van Paepegem T, De Meyere M. Op wetenschappelijke evidentie gebaseerde zorg: van theorie naar praktijk. Gent: Academia Press, 2003.
- Butler CC, Rollnick S, Pill R et al. Understanding the culture of prescribing: qualitative study of GP’s and patients’perceptions of antibiotics for sore throats. BMJ 1998;317:637-42.
- Schwartz B, Mainous AG 3rd, Marcy SM. Why do physicians prescribe antibiotics for children with upper respiratory tract infections? JAMA 1998;279:881-2.
- Linder JA, Singer DE, Stafford RS. Association between antibiotic prescribing and visit duration in adults with respiratory tract infections. Clin Ther 2003;25:2419-30.
- Coco A, Mainuos AG. Relation of time spent in an encounter with the use of antibiotics in pediatric office visits for viral respiratory infections. Arch Pediatr Adolesc Med 2005;159:1145-9.
- Monnet D. Personal communication.
- Deveugele M, Derese A, van den Brink-Muinen A et al. Consultation length in general practice: cross-sectional study in six European countries. BMJ 2002;325:472-7.
Auteurs
De Meyere M.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
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