Revue d'Evidence-Based Medicine
Opioïdes ou AINS dans la colique néphrétique?
Minerva 2006 Volume 5 Numéro 3 Page 47 - 48
Professions de santé
Résumé
Contexte
Les crises de coliques néphrétiques ne représentent pas une affection fréquente en médecine générale (2,4 pour 1000 patients vus sur l'année 1) mais nécessitent une intervention urgente pour soulager la douleur. Des anti-inflammatoires non stéroïdiens et des opioïdes sont utilisés dans cette indication. Les avantages et inconvénients respectifs dans cette indication n'avaient pas encore fait l'objet d'une synthèse méthodique.
Méthode
Synthèse méthodique et méta-analyse.
Sources consultées
Cochrane Renal Group's Register, Cochrane Central Register 2003, Medline et PreMedline, Embase, références de textbooks, d'articles de synthèse, d'études pertinentes et de résumés de conférences.
Les auteurs ont recherché les études randomisées, contrôlées comparant tout AINS avec tout opioïde, administrés par toute voie, chez un adulte présentant une crise de colique néphrétique et rapportant au moins un des critères de jugement prédéfinis. La validité des études est évaluée au moyen d'une check-list élaborée par le Cochrane Renal Group. Parmi 74 études potentiellement pertinentes, 20 ont été retenues.
Population étudiée
Les vingt études regroupent 1 613 participants adultes (âge non précisé) avec, dans la majorité des études, la confirmation de la présence d'un calcul rénal.
Mesure des résultats
Les critères d'évaluation sont la douleur scorée par le patient sur une échelle validée de la douleur, le délai pour le soulagement, le recours à d'autres analgésiques, la fréquence de récidive de la douleur, le nombre de patients présentant un ou plusieurs effets indésirables. Les données sont sommées en modèle d'effets aléatoires et fixes. Les données dichotomiques sont exprimées en risque relatif. Pour les résultats sur des échelles de mesure continues, des moyenne pondérée" data-content="En mettant en commun les résultats individuels d’études dans une méta-analyse, une pondération statistique peut être attribuée aux résultats des études incluses. En attribuant ce facteur de pondération, il est possible d’attribuer dans l’analyse plus de poids aux études réalisées auprès de populations numériquement plus importantes ou de meilleure qualité méthodologique. La Différence Moyenne Pondérée est le résultat d’une méta-analyse incluant des études dont les résultats sont exprimés en variables continues (rapportées avec moyenne et écart type) pondérées et mises en commun.">différences moyennes pondérées sont mentionnées.
Résultats
Dans les études, cinq AINS et sept opioïdes différents sont utilisés, en majorité par voie parentérale (sauf pour trois études).
Soulagement de la douleur
Treize études mentionnent ce résultat: dix sont en faveur des AINS, deux ne montrent pas de différence, une est en faveur des opioïdes. Quatre études ne mentionnent pas des mesures pouvant être sommées dans la méta-analyse mais elles montrent toutes, sauf une, une plus grande efficacité des AINS (chiffres non donnés). Neuf études rapportent des résultats sur une échelle visuelle analogique (EVA), avec une hétérogénéité liée aux études faites avec le kétorolac. En excluant ces trois études-là, le résultat est homogène et favorable aux AINS: douleur moindre de 4,6 mm (IC à 95% de 1,7 à 7,5 mm) sur l'EVA pour l'AINS versus opioïde. Aucune différence significative n'est observée dans le taux des patients soulagés à 30 et 60 minutes (RR 0,87; IC à 95% de 0,74 à 1,03).
Recours à d'autres analgésiques
Dix études mentionnent ce critère (dont neuf avec la péthidine). Un recours à d'autres analgésiques est moindre avec l'utilisation initiale d'un AINS: RR 0,75 (IC à 95% de 0,61 à 0,93), soit un NNT de 16.
Effets indésirables
Seize études mentionnent ce critère avec une hétérogénéité significative entre les études et davantage d'effets indésirables dans les groupes traités par opioïdes. Pour les vomissements, le RR est de 0,35 (IC à 95% de 0,23 à 0,53) pour les AINS versus opioïdes, soit un NNH de 7. Une analyse en sous-groupe des opiacés montre un risque plus important avec la péthidine.
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que les AINS permettent d'obtenir une plus grande diminution de la douleur et un moindre recours à d'autres analgésiques à court terme qu'avec des opioïdes. Ceux-ci, particulièrement la péthidine, provoquent davantage de vomissements.
Financement
Cochrane Renal Group, Sydney, Australia.
Conflits d'intérêt
Aucun n'est déclaré.
Discussion
Considérations sur la méthodologie
Les auteurs décrivent bien leur méthodologie de recherche, d'évaluation des études et d'analyse des résultats, effectuées de manière rigoureuse et correcte. Ils se heurtent aux limites des études originales, qu’ils décrivent dans cette méta-analyse. Ils n’ont pu rassembler les données individuelles des patients inclus dans les différentes études et ne sont donc pas exhaustifs. La majorité des études excluent les patients sans confirmation d'une lithiase rénale par imagerie. Le délai pour le soulagement de la douleur n'est mentionné dans aucune étude mais plusieurs mentionnent la proportion de sujets soulagés à un certain terme, critère analysé comme alternative au critère initialement prévu par les auteurs de la méta-analyse. Aucune étude ne mentionne la fréquence des récidives de douleur ni ne signale avoir rapporté de manière spécifique les effets indésirables graves. Le suivi des études est très court (24 heures). Aucune étude ne satisfait à tous les critères de qualité du groupe de recherche de la méta-analyse, surtout par manque de mention des données. Le contexte des différentes études n'est pas mentionné, ni l'âge des patients concernés ("adultes").
Des erreurs dans la référenciation de cet article en rendent la lecture difficile. Ces erreurs sont corrigées dans l'article accessible sur le site web du BMJ qui fournit, en plus, d'autres résultats et tableaux qui en facilitent la compréhension.
Efficacité
Les AINS se montrent, dans cette méta-analyse, supérieurs aux opioïdes sur trois critères: une plus grande réduction de la douleur, un moindre recours à d'autres analgésiques et une moindre survenue d'effets indésirables. Elle ne peut cependant montrer de différence dans la proportion de sujets soulagés à court terme (30-60 minutes). Cette étude ne peut apporter d'élément de réponse pour le délai de l'efficacité ni pour la récidive de douleurs.
La différence observée sur l'échelle visuelle analogique est de 4,6 mm pour les études homogènes avec AINS versus opioïdes. Cette différence entre les deux classes de médicaments n'est pas cliniquement pertinente comme le mentionnent les auteurs dans leur discussion (9-13 mm de différence nécessaire). Dans les études, les différents AINS utilisés par voie non intraveineuse sont le diclofénac (oral ou rectal rarement, intramusculaire dans la plupart des cas) et l'indométacine (rectal). Les opioïdes sont utilisés majoritairement à dose fixe, par voie intraveineuse ou intramusculaire. C'est la péthidine qui est principalement utilisée. Les résultats ne sont donc pas nécessairement généralisables à tous les opioïdes ni à une titration de ceux-ci.
Effets indésirables
Les effets indésirables graves ne sont pas mentionnés dans les études, ce qui est une limite importante avec le délai d'observation très court (24 heures). Le seul effet indésirable dont les résultats peuvent être sommés est les vomissements. Ils sont plus fréquents avec la péthidine qu'avec les AINS utilisés. Cette observation ne peut être généralisée à tous les opioïdes, particulièrement à une utilisation de morphine en titration, technique applicable en service d'urgence.
Autres publications
Une précédente méta-analyse2 avait inclus 19 publications (regroupant 20 RCTs) comparant AINS (en majorité le diclofénac ou l'indométacine par voie parentérale) versus placebo (n=4) ou versus analgésiques (n=16) en majorité narcotiques. Elle concluait à une efficacité statistiquement significative pour le critère soulagement de la douleur après 20 à 30 minutes des AINS versus placebo et des AINS versus narcotiques (aussi bien pour un soulagement partiel que complet). Dans les textbooks, les AINS ou les opioïdes sont recommandés 3,4 ou les AINS seuls 5. Nous ne connaissons pas de guide de pratique validé sur ce sujet (recherche Sumsearch 9 octobre 2005).
Recommandations pour la pratique
Cette méta-analyse évalue un traitement par AINS versus opioïdes chez des adultes présentant une colique néphrétique sur lithiase confirmée par imagerie dans la majorité des cas. Elle montre une efficacité des AINS supérieure au point de vue statistique mais non au point de vue pertinence clinique. Elle observe moins d'effets indésirables avec les AINS versus opioïdes utilisés dans ces études (péthidine à dose fixe en majorité). Une utilisation préférentielle des AINS peut donc être envisagée en pratique générale.
La rédaction
Références
- Bartholomeeusen S, Buntinx F, De Cock L, Heyrman J. Het voorkomen van ziekten in de huispraktijk. Resultaten van de morbiditeitsregistratie van het Intego-netwerk. Academisch Centrum voor Huisartsgeneeskunde Leuven, 2001.
- Labrecque M, Dostaler LP, Rousselle R et al. Efficacy of non-steroidal anti-inflammatory drugs in the treatment of acute renal colic. A meta-analysis. Arch Intern Med 1994;154:1381-7.
- Nicholson F. Renal colic. In: Cameron P, Jellinek G, Kelly AM et al, eds. Textbook of adult emergency medicine. Edinburgh: Churchill Livingstone, 2000:372-4.
- Moll J, Peacock WE. Urologic stone disease. In: Tintinally JE, Kelen GD, Stapczynski JS, eds. Emergency medicine: a comprehensive study guide. 5th ed. New York: McGraw-Hill, 1999;640-5.
- Askenasi R, Lheureux P. Manuel de médecine d'urgence. Editions de l'Université de Bruxelles - Maloine 4th edition 1997;195.
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