Revue d'Evidence-Based Medicine
Inhibiteurs de la neuraminidase dans la prévention et le traitement de l'influenza
Minerva 2005 Volume 4 Numéro 2 Page 23 - 26
Professions de santé
Résumé
Contexte
Les inhibiteurs de la neuraminidase sont considérés comme des traitements adjuvants en cas d’influenza chez des patients à haut risque, déjà vaccinés. L’amantadine provoque de fréquents effets indésirables principalement au niveau du système nerveux central, n’est pas efficace contre l’influenza B et une résistance s’installe rapidement contre cette molécule. L’oseltamivir (oral) et le zanamivir (en inhalation) ouvrent de nouvelles perspectives: ils provoqueraient moins d’effets indésirables et sont actifs aussi bien sur l’influenza A que B.
Méthodologie
Sources consultées
Medline, Embase et l’Integrated Science Citation Index. Ont été également consultées, les listes de référence des publications sélectionnées et les banques de données des études des fabricants des molécules.
Etudes sélectionnées
Les auteurs ont sélectionné toutes les RCTs publiées en anglais (jusqu’à janvier 2002), concernant le traitement et la prévention de l’influenza avec du zanamivir ou de l’oseltamivir (aux doses enregistrées) et comparativement à un placebo.
Population étudiée
L’efficacité a été étudiée dans trois groupes cibles différents: les enfants âgés de moins de douze ans, les personnes en bonne santé âgées de douze à soixante cinq ans et les patients présentant un risque accru (>65 ans, maladie chronique telle qu’une affection pulmonaire ou cardiaque).
Mesure des résultats
Le critère de jugement primaire pour le traitement est le délai d’amélioration des symptômes et le nombre de complications ayant nécessité un recours à des antibiotiques. Les résultats sont mentionnés séparément en analyse en intention de traiter de l’ensemble de la population et pour les sujets présentant une infection par influenza prouvée par examen de laboratoire.Le critère primaire pour la prévention est le nombre de personnes présentant des symptômes de grippe confirmée par examen biologique. Une méta-analyse a été faite séparément pour chacun des inhibiteurs de la neuraminidase et le au hasard mais aussi à des variations réelles entre les études. L’hypothèse d’un modèle d’effet aléatoire est qu’il existe une «population» d’effets éventuels avec une répartition précise autour d’un effet global moyen.">modèle d’effet aléatoire a été utilisé pour tenir compte de l’hétérogénéité entre les différentes études.
Résultats
Pour ce qui est de l’effet thérapeutique, huit RCTs concernant le zanamivir et neuf concernant l’oseltamivir ont été sélectionnées. Pour la population totale (en intention de traiter), la réduction du nombre de complications nécessitant un recours à des antibiotiques est significativement plus importante versus placebo dans les résultats sommés de deux études avec du zanamivir (OR 0,71; IC à 95% de 0,56 à 0,90) et non significative dans une étude avec de l’oseltamivir chez des adultes sains (voir tableau).Pour le critère de jugement concernant la prévention, trois RCTs concernant le zanamivir et quatre concernant l’oseltamivir ont été sélectionnées. L’odds ratio varie de 0,10 à 0,30 en fonction de la population concernée (en bonne santé, institutionnalisée) et de la stratégie choisie (en fonction de la saison versus après exposition).
Tableau: Différences dans les nombres de jours (IC à 95%) pour le délai d’amélioration des symptômes lors d’un traitement d’une infection à influenza par oseltamivir ou zanamivir en comparaison avec un placebo (analyse en intention de traites de huit RCTs).
|
Oseltamivir |
Zanamivir |
Enfants |
- 0,9 j (- 0,3 à - 1,5) |
- 1,0 j (- 0,5 à - 1,5) |
Adultes |
- 0,9 j (- 0,3 à - 1,4) |
- 0,8 j (- 0,3 à - 1,3) |
Groupe à risque |
- 0,4 j (- 1,4 à + 0,7) |
- 0,9 j (- 1,9 à + 0,1) |
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que l’oseltamivir et le zanamivir sont efficaces pour le traitement et pour la prévention de l’influenza mais que les preuves pour des populations spécifiques et pour toutes les stratégies préventives sont limitées.
Financement
National Health Service en National Institute for Clinical Excellence (R.U).
Conflits d’intérêt
Un des auteurs déclare avoir reçu des honoraires, des frais de défraiement et un financement pour des études réalisées pour la firme GlaxoSmithKline (productrice du zanamivir) et la firme Roche (productrice de l’oseltamivir). Certaines données d’études reprises dans cette métaanalyse proviennent des firmes GlaxoSmithKline et Roche.
Discussion
Méthodologie
Cette méta-analyse inclut les données issues de 17 études thérapeutiques. Sept de ces études n’ont pu être dotées d’un score de qualité. Il s’agit probablement d’études non publiées, fournies par les firmes productrices, mais ceci n’est pas mentionné dans l’article. Il n’est également pas évident que ces sept études aient été analysées séparément dans la méta-analyse.
Les auteurs mentionnent qu’ils ont effectué leurs recherches dans les banques de données des études cliniques et contacté les firmes pour les données non publiées. Le recouvrement entre les deux sources n’est pas explicité dans l’article. Les banques de donnée contenaientelles toutes les études et toutes les données analysées provenaient- elles des études isolées dans les banques de données? Le mentionner aurait été une meilleure garantie que les fabricants avaient également fourni des résultats non favorables.
Mesure des résultats
Aucune définition de la “grippe” n’est mentionnée. Les études utilisent des scores de symptômes souvent différents, complétés par des tiers pour les enfants. La confirmation d’une suspicion clinique d’influenza peut provenir d’un examen biologique sur base soit d’une culture de sécrétions nasales ou pharyngées, soit d’une augmentation d’un taux d’anticorps, soit des deux. Les auteurs ne mentionnent nulle part une différence éventuelle dans les critères utilisés dans les différentes études. En ce qui concerne les différences de délai de disparition des symptômes, les auteurs émettent des réserves quant aux comparaisons entre les deux produits et entre les différentes populations. Aucune étude publiée n’a, à ce jour, comparé directement les deux produits.
Efficacité thérapeutique?
Les études thérapeutiques montrent une diminution du nombre de prescriptions d’antibiotiques. Il n’est pas évident que ce nombre soit en relation directe avec un moindre taux de complications sévères. Aucune mention n’est faite, dans le protocole d’étude, d’instructions précises quant à la prescription d’antibiotiques. Les auteurs avouent eux-mêmes que la puissance des études est trop peu importante pour évaluer si ces médicaments peuvent réduire le nombre d’hospitalisations et de décès.Pour les mêmes raisons, ils ne peuvent se prononcer quant aux effets indésirables. L’examen du forest plot nous permet de déduire que beaucoup de données confidentielles (non transparentes) fournies par les firmes pharmaceutiques ont été combinées et considérées comme positives.
Arguments de certitude diagnostique
Le traitement doit être débuté dans les quatre (!) heures suivant le début des plaintes. En se basant uniquement sur le tableau clinique, il est impossible pour des médecins de poser un diagnostic d’influenza en toute certitude. Un examen de laboratoire de confirmation est rarement demandé par les médecins généralistes. S’ils décident, sur base du tableau clinique uniquement, d’initier un traitement par inhibiteur de la neuraminidase, ils traiteront un certain nombre d’infections causées par d’autres virus contre lesquels les inhibiteurs de la neuraminidase ne sont pas efficaces. Ce problème de certitude diagnostique a déjà été précédemment abordé dans la Revue Minerva 1. Les résultats en intention de traiter donnent un reflet plus exact de l’efficacité probable dans la pratique quotidienne.
Il faut souligner que les auteurs ne décrivent pas, dans leur protocole, la façon dont ils ont évalué les effets indésirables. Ils se réfèrent à un autre article sur ce sujet. Le rapport des résultats est également muet en ce qui concerne les effets indésirables. Des effets indésirables désagréables, tels que des nausées avec l’oseltamivir ou des bronchospasmes avec le zanimivir sont cependant décrits 1-2,4. Nous savons que les inhibiteurs de la neuraminidase n’empêchent pas la dissémination du virus: les personnes contaminées reprennent plus rapidement leurs activités. Des avertissements existent concernant le développement rapide d’une résistance aux inhibiteurs de la neuraminidase: un suivi continu est recommandé à ce sujet 1,3. Il n’est également pas évident que ces inhibiteurs de la neuraminidase puissent prévenir la dissémination d’une grippe au sein d’une famille. Une étude récente sur ce sujet n’a pas été effectuée en aveugle 5. Les conclusions de Minerva demeurent donc: il existe trop peu d’arguments pour traiter préventivement avec de l’oseltamivir les membres d’une famille au contact avec une personne grippée 6.
Les recommandations actuelles 4,7, confortées par les conclusions de Clinical Evidence 8, plaident contre une initiation systématique des inhibiteurs de la neuraminidase en prévention ou en traitement de la grippe. Une administration de zanamivir ou d’oseltamivir peut être envisagée chez des patients adultes à risque et une administration d’oseltamivir chez des enfants à haut risque, mais à condition que cette médication soit débutée dans les 48 heures suivant le début des symptômes.
Soulignons enfin le coût nettement plus élevé de ces nouveaux produits antiviraux (€ 28,21 pour cinq jours de traitement) que celui d’un simple traitement symptomatique. Nous nous devons d’analyser avec le patient si la disparition plus rapide des symptômes et une reprise des activités éventuellement plus rapide justifient ce surcoût.
Recommandations pour la pratique
Cette méta-analyse conclut à l’efficacité thérapeutique et préventive de l’oseltamivir et du zanamivir pour l’influenza. Ces conclusions ne sont cependant pas valides pour des raisons de méthodologie. Une autre étude, fiable, montre une efficacité probable du zanamivir et de l’oseltamivir chez des patients adultes à risque et de l’oseltamivir chez de jeunes patients à risque, à condition cependant que le traitement soit initié dans les 48 premières heures après le début des symptômes. D’autres facteurs doivent être pris en compte: le risque d’un surtraitement (faux positifs), les effets indésirables possibles, la survenue possible d’une résistance et, enfin, le prix très élevé. La vaccination contre l’influenza des personnes âgées et des sujets à risque reste la mesure la plus importante.
La rédaction
Références
- De Meyere M. Influenza: Wat hebben neuraminidase-remmers te bieden? Huisarts Nu (Minerva) 2000;29(8):362-5.
- MMWR. Morb Mortal Wkly Rep 1999;48/RR14/1-9.
- Cox N, Hughes J. New options for the prevention of influenza. [Editorial] N Engl J Med 1999;18:1387-8.
- Matheson NJ, Symmonds-Abrahams M, Sheikh A et al. Neuraminidase inhibitors for preventing and treating influenza in children. The Cochrane Database of Systematic Reviews 2003, Issue 3.
- Hayden FG, Belshe R, Villanueva C et al. Management of influenza in households: A prospective, randomized comparison of oseltamivir treatment with of without postexposure prophylaxis. J Infect Dis 2004;189:440-9.
- Michiels B. Kan oseltamivir de verspreiding van griep voorkomen binnen een huisgezin? Huisarts Nu (Minerva) 2001;30(8):381-3.
- National Institute of Clinical Excellence: Guidance on the use of zanamivir, oseltamivir and amantadine for the treatment of influenza. Febr 2003
- Hansen L. Influenza. Clin Evid 2004;11:995-1001.
Noms de marque
Amantadine: Amantan®
Oseltamivir: Tamiflu®
Zanamivir: Relenza®
Auteurs
De Meyere M.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :
Govaerts F.
Kennisdomein preventie Domus Medica
COI :
Glossaire
modèle d’effets aléatoiresCode
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