Revue d'Evidence-Based Medicine



Quelle place pour les études avec permutation ?



Minerva 2013 Volume 12 Numéro 6 Page 77 - 77

Professions de santé


 

Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone


 

Les études avec permutation conviennent moins pour l’examen de critères de jugement permanents, tels qu’un décès ou un AVC. Nous les utiliserons donc de préférence pour étudier les interventions dont l’effet ne se maintient que le temps de l’intervention, en d’autres termes, lorsqu’à l’arrêt de l’intervention, le participant retrouve l’état qu’il présentait avant l’intervention. Dans les affections chroniques stables, les critères de jugement intermédiaires qui sont mesurables à relativement court terme, comme la pression artérielle, la douleur, la glycémie ou la fonction pulmonaire, conviennent donc bien pour un dessin d’étude avec permutation.

 

Les études avec permutation constituent une alternative aux études avec groupes parallèles. Leur avantage le plus important est qu’elles nécessitent l’inclusion d’un moins grand nombre de patients. Les règles concernant l’insu et la randomisation en vigueur dans les études avec groupes parallèles doivent s’appliquer ici également. Les principales sources de résultats non fiables sont l’effet de rémanence (carry over effect) et un nombre élevé de sorties d’étude.

 

 

Par exemple 

Le contrôle du rythme cardiaque est un objectif dans le traitement de la fibrillation auriculaire. Nous ne disposons cependant que de peu de données sur l’efficacité relative des agonistes du calcium et des bêtabloquants ainsi que celle des différents médicaments par classe pharmacothérapeutique. Pour évaluer ce sujet, un dessin d’étude avec permutation a été élaboré : 60 patients ont été randomisés pour être soumis à 4 traitements médicamenteux ayant une influence sur le rythme cardiaque (diltiazem 360 mg/j, vérapamil 240 mg/j, métoprolol 100 mg/j ou carvédilol 25 mg/j). Pour minimaliser l’influence d’un effet de rémanence, la randomisation a concerné autant le médicament de départ que l’ordre d’administration des différents traitements. Le critère de jugement choisi était le rythme cardiaque mesuré sur 24 heures par monitoring Holter. La proportion de sorties d’étude était de 25%, ce qui hypothèque la fiabilité des résultats. Les motifs de sortie sont commentés en détail dans la section traitant des résultats.

 

 

Le dessin

Le dessin le plus évident pour une étude avec permutation est le dessin AB/BA. Les participants sont randomisés non pas pour recevoir un traitement comme dans une étude avec groupes parallèles, mais bien pour recevoir une succession de différents traitements. Chaque participant recevra donc chaque traitement à évaluer pendant des périodes successives. Les critères de jugement sont alors mesurés à la fin de chaque période. Les critères de jugement sont comparés au niveau de chaque participant individuel et non entre les groupes de participants comme dans une étude avec groupes parallèles.

 

 

 

 

 

Lorsque quelqu’un participe à une étude avec groupes parallèles, il a une chance sur deux de recevoir un placebo ou un traitement standard. Lors du calcul de la puissance (la taille de la population à inclure pour pouvoir montrer une différence) dans une étude avec permutation, il n’est pas nécessaire de tenir compte de la variation entre les personnes incluses. Seule la variation par individu joue un rôle. Cette variation par individu est généralement plus petite que la variation au sein d’un groupe. Par conséquent, le nombre de patients nécessaires pour une étude avec permutation est presque toujours plus petit que pour une étude avec groupes parallèles dans laquelle il faut bien tenir compte de la variation au sein du groupe. Quelle est cette variation par individu ? Elle s’exprime comme étant la corrélation entre les mesures répétées chez un même individu. Plus la corrélation est forte, plus la variation est petite et plus le nombre de patients à inclure est faible. Le plus souvent, il y a cependant une bonne corrélation entre les mesures répétées chez un même individu (par exemple la pression artérielle, le rapport de Tiffenau, la cholestérolémie…). Dans ce cas aussi, la taille exacte de la population de l’étude se calcule sur la base d’études antérieures ou de données provenant d’une étude pilote.

 

Effet de rémanence

Dans une étude avec permutation, les patients sont exposés à deux traitements successifs. Il est donc bien possible que l’effet de la première intervention persiste au cours de la deuxième période. Cet effet de rémanence peut être neutralisé en séparant les deux interventions par une période dite de « lavage », donc sans traitement (wash out period). Pour déterminer la durée de cette période sans traitement, il faut de préférence tenir compte de la durée d’action du traitement. Si ce n’est pas possible (traitement nécessaire), il est possible d’allonger les périodes d’intervention afin de neutraliser l’effet de l’intervention antérieure. Un effet de rémanence est encore possible au début, mais il n’a plus aucun rôle lors de la mesure effectuée à la fin de la période.

 

Sorties d’étude

Les sorties d’étude des participants ont des conséquences plus importantes dans une étude avec permutation que dans une étude avec groupes parallèles. Comme la comparaison des interventions a lieu au niveau individuel, elle ne peut s’effectuer si un participant sort de l’étude avant d’avoir été soumis à toutes les interventions. Chaque participant contribue en effet à la précision de l’étude (fiabilité du résultat) ; chaque sujet constitue son propre témoin. Lorsque des participants sortent de l’étude, les conséquences sont rapidement importantes pour la fiabilité du résultat.

 

 

Référence

Bonten TN, Siegerinck B, van der Bom J. Cross-over studies. Ned Tijdschr Geneeskd 2013;157:309-5.

Quelle place pour les études avec permutation ?

Auteurs

Lemiengre M.
Huisartsenpraktijk De Wijngaard Roeselare; Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
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