Revue d'Evidence-Based Medicine



Une immunothérapie homéopathique pour l'asthme?



Minerva 2003 Volume 2 Numéro 5 Page 82 - 83

Professions de santé


Analyse de
Lewith GT, Watkins AD, Hyland ME, et al. Use of ultramolecular potencies of allergen to treat asthmatic people allergic to house dust mite: double blind randomised controlled clinical trial. BMJ 2002;324:520-4.


Conclusion
Cette étude n’apporte aucune preuve d’efficacité d’un traitement homéopathique chez des patients asthmatiques allergiques.


 

Minerva « en bref » vous propose de brefs commentaires sur des publications sélectionnées par le comité de rédaction de Minerva. Des études intéressantes et pertinentes pour les médecins généralistes qui ne doivent pas ou ne peuvent pas être discutées dans un cadre plus large trouvent leur place dans cette rubrique. Chaque sélection est brièvement résumée et accompagnée de quelques commentaires faits par un référent. La rédaction de Minerva vous en souhaite une agréable lecture.  

 

Résumé

Certaines études ont été récemment publiées montrant un effet positif (supérieur au placebo) de produits homéopathiques 1. Ce serait également le cas pour des patients présentant de l’asthme ou de l’allergie. Il s’agit cependant en majorité d’études avec peu de patients et avec des résultats souvent peu évidents, comme le montre une synthèse méthodique (systematic review) 2. Cette étude, bien menée, est randomisée, en double aveugle, versus placebo. Les auteurs y étudient l’efficacité d’un vaccin homéopathique chez des patients asthmatiques allergiques aux acariens. Les critères de jugement sont des paramètres cliniques et le bien-être du patient. Les patients sont recrutés dans 38 pratiques de médecine générale en Angleterre. Les patients sont étiquetés asthmatiques en fonction de plusieurs critères : à la randomisation, nécessité d’une amélioration de 15% de leur VEMS 15 minutes après l’inhalation de 200 microgrammes de salbutamol, de deux des trois critères d’un score d’asthme quotidien, ou d’une variation nycthémérale du débit expiratoire de pointe de plus de 15%, ou de recours nécessaires à du salbutamol pendant au moins 7 jours durant les 2 semaines de préinclusion. Les sujets présentant une réaction cutanée positive (de plus de 3 mm supérieure à celle de contrôle) étaient déclarés positifs pour les acariens. Sont inclus, randomisés et répartis dans l’étude, 242 patients asthmatiques et allergiques aux acariens. Un groupe reçoit un vaccin homéopathique, l’autre un placebo. À la fin de l’étude, il reste 101 patients dans chacun des 2 groupes, dont les résultats sont analysés. Les critères de jugement primaires sont le VEMS et la qualité de vie. Cette évaluation se déroule toutes les quatre semaines jusqu’à et y compris la 16e semaine. Aucune différence n’est observée pour ces critères entre les deux groupes. Les auteurs concluent que cette étude ne démontre aucun effet positif de ce traitement homéopathique versus placebo chez des patients asthmatiques allergiques aux acariens.

 

Discussion

Cette étude se déroule suivant les règles de l’art. Une période de wash-out de quatre semaines est respectée et les résultats sont analysés suivant la méthode en intention de traiter. Seuls sont inclus des patients asthmatiques allergiques aux acariens. Les définitions utilisées sont clairement décrites. Les patients sont randomisés mais la technique précise n’est cependant pas décrite. Les 10 premiers patients ont été randomisés suivant un système d’enveloppes fermées et les patients suivants ont été répartis en fonction de l’âge, du sexe, du tabagisme, de la sévérité de l’asthme, etc. (quasi-randomisation). Le traitement est en double aveugle avec évaluation de l’exactitude du pronostic du médecin et du patient sur la nature du traitement reçu (placebo ou homéopathie). Les critères de jugement secondaires montrent une aggravation par rapport au placebo (sur une échelle analogique pour l’asthme et l’humeur) durant les premières semaines de traitement avec le produit homéopathique, mais cette différence disparaît ensuite en cours d’étude. Ceci amène une discussion sur la possibilité d’une probabilité d’erreur de type I (α) est fixée par le chercheur. Le plus souvent on utilise α = 0,05; cela signifie que l’on accepte 5% de risque que la différence observée soit à tort déclarée « significative ». L’erreur de type I est donc en relation avec le seuil de signification choisi (valeur p).">erreur de type 1 (l’affirmation inexacte qu’une différence existe entre les deux interventions). Jusqu’ici, c’est un protocole d’étude classique. Les réactions à cet article ont illustré, une fois encore, le fossé important entre les médecins homéopathes et «classiques». Cette étude ne tient pas compte des patients individuels (les auteurs auraient dû donner 242 traitements différents, individualisés), a été faite en médecine générale et non dans un contexte homéopathique, les définitions employées ne sont pas correctes, etc. Une recherche dans la littérature n’apporte pas d’information complémentaire. Ceci résume l’ensemble du débat et toutes les autres questions restent posées. La discussion entre «partisans» et «non partisans» reste actuelle. Les épidémiologistes «classiques» ont mis sur pied un canevas permettant d’élaborer de bonnes études cliniques pour la médecine classique, mais, selon les homéopathes, cette technique n’est pas transposable sur leur terrain. En tant que médecins, nous devons nous interroger sur nos traitements, que nous soyons «classiques » ou «homéopathes» de formation. Apporter la preuve qu’un traitement est efficace ou non et que cet effet est cliniquement pertinent fait partie intégrante d’une bonne pratique médicale, pour les homéopathes également 3.

Conflits d’intérêts/financement

Cette étude est sponsorisée par le Smith’s Charity et le Maurice Laing Foundation. Aucun conflit d’intérêt n’est mentionné.

Conclusion

Cette étude n’apporte aucune preuve d’efficacité d’un traitement homéopathique chez des patients asthmatiques allergiques.

 

Références

  1. Linde K, Clausius N, Ramirez G, et al. Are the clinical effects of homeopathy placebo effects? A meta-analysis of placebo- controlled trials. Lancet 1997;350:834-43.
  2. Linde K, Jobst KA. Homeopathy for chronic asthma (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 1, 2003. Oxford: Update Software.
  3. Feder G, Katz T. Randomised controlled trials for homeopathy.Who wants to know the results? BMJ 2002;324:498-9.
Une immunothérapie homéopathique pour l'asthme?

Auteurs

Aertgeerts B.
Academisch Centrum voor Huisartsgeneeskunde, KU Leuven,CEBAM
COI :

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