Revue d'Evidence-Based Medicine
Effet de la perte de poids sur la pression artérielle
Minerva 2003 Volume 2 Numéro 4 Page 65 - 66
Professions de santé
Minerva « en bref » vous propose de brefs commentaires sur des publications sélectionnées par le comité de rédaction de Minerva. Des études intéressantes et pertinentes pour les médecins généralistes qui ne doivent pas ou ne peuvent pas être discutées dans un cadre plus large trouvent leur place dans cette rubrique. Chaque sélection est brièvement résumée et accompagnée de quelques commentaires faits par un référent. La rédaction de Minerva vous en souhaite une agréable lecture.
Résumé
Cette étude examine l’efficacité à long terme (sur 3 ans) d’un régime amaigrissant sur la PA Il s’agit d’une RCT multicentrique comprenant 1191 personnes obèses saines (BMI en moyenne de 31 pour les hommes comme pour les femmes) normotensives (!). Les personnes observées ont un âge moyen de 43 ans. Le groupe contrôle reçoit uniquement des soins courants. Pour les participants du groupe intervention, la correction de la surcharge pondérale a été encouragée par une initiation à des règles diététiques, par l’apprentissage de modifications de comportement et par la mise en place progressive d’activités physiques. Un pourcentage de suivi de plus de 90 % après 3 ans, est une garantie que cette étude d’intervention prospective est méthodologiquement correcte.
Pour les participants normotensifs, la réduction pondérale la plus importante (en moyenne 8,8 kg), s’accompagne après 6 mois d’une diminution sensible de la PA (systolique 7 mm Hg et diastolique 5 mm Hg). Ensuite, le programme d’intervention pour le contrôle de l’obésité est moins intensif. Il en résulte une prise de poids progressive, si bien que dans le groupe d’intervention, la diminution de poids initialement obtenue est entièrement annulée après 3 ans. Les participants à ce bras de l’étude ont repris leur poids initial, mais chez les personnes du groupe contrôle, le poids de départ a augmenté entre-temps de 2 kg en moyenne. Ceci n’entraîne pas uniquement une différence de PA entre les deux groupes étudiés, mais surtout une augmentation significative du risque de développer une hypertension (presque deux fois plus importante dans le groupe contrôle que chez les personnes avec, au départ, la réduction pondérale la plus importante).
Discussion
Cette étude est d’autant plus passionnante que l’effet à long terme d’un régime amaigrissant sur la PA n’était pas encore connu. Des études à court terme existent dans lesquelles un contrôle performant de la PA, en cas d’hypertension légère ou modérée, est atteint uniquement avec des mesures thérapeutiques nonmédicamenteuses 1. Mais la courte durée d’observation et le recours indispensable à des techniques d’implantation importantes sont les limites de ces études. Une publication récente confirme encore les résultats spectaculaires à court terme d’une intervention diététique sur la diminution de la PA: 30 jours de régime intensif aboutissent à une diminution moyenne de 6 mm Hg de systolique et 3 mm Hg de diastolique 2. Ces diminutions de PA sont au moins aussi importantes qu’après une monothérapie médicamenteuse. Mais dans cette étude également, l’impact de l’intervention (et les efforts de l’équipe de chercheurs) est très lourd : les personnes testées ne peuvent manger rien d’autre que les plats et snacks spécialement préparés pour l’étude ! L’exclusion de patients hypertendus (PA de 127/86 mm Hg en moyenne) est à première vue assez curieuse, mais la raison en est probablement la volonté d’éliminer ainsi fort habilement le biais de traitements médicamenteux.
Que nous apprend cette étude ?
En premier lieu, nous constatons que même une étude scientifique bénéficiant d’un important soutien logistique (et financier) n’est pas en mesure d’accompagner intensivement un groupe d’intervention de 595 personnes obèses pendant plus de 6 mois avec, pour conséquence, que la perte de poids moyenne acquise disparaît ensuite. Une fois encore, se confirme le fait que la compliance thérapeutique dans des stratégies de traitements non-médicamenteux est un problème difficile. Il est clair que ceci n’est réalisable en 1re ligne que si le médecin généraliste y consacre beaucoup de temps et a acquis personnellement des techniques spécifiques de counseling. D’autres éléments complémentaires indispensables sont la reconnaissance et le remboursement de prestations de diététiciens, de psychologues comportementalistes, et de thérapeutes pour les activités physiques. Sans leur collaboration, les résultats obtenus dans l’étude n’auraient pas été possibles. En deuxième lieu, nous pouvons constater qu’une diminution initiale importante du poids permet une réduction importante du risque cardiovasculaire même à moyen terme (3 ans), particulièrement sur la survenue d’hypertension. Finalement, nous voyons que l’effet bénéfique d’une diminution pondérale momentanée disparaît avec le temps mais qu’inversement, le maintien d’un poids idéal va probablement de pair avec un effet bénéfique persistant sur la PA. Mais des études à long terme doivent encore être menées. Il est très improbable que l’augmentation de la PA liée à l’âge, qui est indépendante d’autres facteurs, soit neutralisée par ce moyen.
Conflits d’intérêt/financement
Cette étude a été financée, entre autres, par le «National Heart and Blood Institute, National Institutes of Health » (USA). Les conflits d’intérêt ne sont pas mentionnés.
Conclusion
La recherche d’un poids corporel idéal est et reste la première et la plus importante des mesures, dans le traitement de l’hypertension en 1re ligne.Ceci est complexe et demande un travail intense qui ne peut être réalisé dans l’organisation actuelle des soins de santé.
Références
- P. De Cort Het effect van gewichtsverlies en zoutbeperking op hypertensie bij ouderen. Huisarts Nu (Minerva) 1998;27:329-31.
- F. Sacks, L Svetkey, W Vollmer, et al. Effects on blood pressure of reduced dietary sodium and the dietary approaches to stop hypertension (DASH) diet. N Engl J Med 2001;344:3-10.
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