Revue d'Evidence-Based Medicine



Galantamine



Minerva 2002 Volume 1 Numéro 8 Page 6 - 7

Professions de santé


Analyse de
Wilcock GK, Lilienfeld S, Gaens E, et al. Efficacy and safety of galantamine in patients with mild to moderate Alzheimer’s disease: multicentre randomised controlled trial. BMJ 2000;321:1445-9.


Conclusion
Les preuves sont actuellement insuffisantes pour recommander une prescription systématique de galantamine aux patients atteints de démence liée à la maladie d’Alzheimer. L’effet minime de la galantamine observé dans cette étude n’a pas une pertinence clinique et sociale évidente.


 

Résumé  

Dans cette étude randomisée, en double aveugle et multicentrique, on étudie l’efficacité et la sécurité de la galantamine dans la prise en charge de la démence d’Alzheimer. La galantamine inhibe l’acétylcholinestérase et améliore aussi — contrairement aux autres inhibiteurs de la cholinestérase — la réponse des récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine. Cette étude englobe 653 patients atteints de démence d’Alzheimer légère à modérée et dont l’âge moyen est de 72 ans. Le critère d’inclusion est un score de 11 à 24 au test MMSE est un instrument de dépistage de la démence qui prend principalement en compte les fonctions cognitives. Le MMSE évalue les items suivants : orientation dans le temps et l’espace, mémorisation et reproduction de 3 mots, attention (par exemple, épeler le mot « monde » ou l’isoler 7 fois parmi 100 mots), langage (nommer des objets, construire une phrase, accomplir une tache, écrire une phrase), et praxie constructive (faire un dessin). Le score peut varier de 0 à 30 points.">MMSE et un score supérieur ou égal à 12 sur l’ADAS-cog Alzheimer’s Disease Assessment Scale) comporte 10 items qui évaluent les fonctions non cognitives (ADAS-Noncog) et 11 items qui évaluent les fonctions cognitives (ADAS-Cog: Cognitive subscale ). L’orientation, la mémoire, le langage et les praxies sont testés. Le score ADAS-Cog varie entre 0 et 70. Plus il y a d’erreurs, plus le score est élevé. Un individu sain aura un score entre 5 et 10. Un score de 70 indique une démence sévère.">ADAScog/ 11.Ont été exclus les patients souffrant d’une autre affection neurologique dégénérative, d’une démence sur infarctus multiples ou d’une maladie cérébrovasculaire. Les caractéristiques de base ont été uniformément réparties dans les différents groupes étudiés. Après une première phase de quatre semaines de traitement avec un placebo, les patients ont été traités pendant les six mois suivants avec soit un placebo (n = 215), soit 24 mg de galantamine (n = 220), soit 32 mg de galantamine (n = 218). Les critères primaires d’évaluation étaient l’amélioration du score ADAS-cog/11, ainsi que la modification du score CIBIC-plus. Les critères secondaires d’évaluation reposent sur la modification du score de la version étendue de l’ADAS-cog et de la DAD. Après six mois de traitement, le score ADAS-cog/11 s’est amélioré chez les patients qui ont reçu de la galantamine et s’est détérioré chez les patients qui ont reçu le placebo : l’amélioration par rapport au placebo était de 2,9 points (I.C. à 95%: 1,6-4,1 ; p < 0,001) pour le groupe sous 24 mg de galantamine et de 3,1 points (I.C. à 95%: 1,7-4,5 ; p < 0,001) pour le groupe sous 32 mg. De même, après 6 mois, le score CIBIC-plus montrait une amélioration significativement supérieure (p < 0,05) dans les deux groupes sous galantamine comparés au groupe sous placebo. Le score ADAS-cog étendu s’est également amélioré dans les deux groupes sous galantamine : l’amélioration par rapport au placebo est de 3,1 points (p < 0,001) pour le groupe sous 24 mg et de 4 points (p < 0,001) pour le groupe sous 32 mg. Dans tous les groupes, le score DAD s’est détérioré. La régression n’a été moindre que dans le seul groupe sous galantamine 32 mg. Dans les groupes recevant de la galantamine, plus de patients rapportèrent des effets secondaires tels que nausées, vomissements, diarrhées, vertiges, céphalées, anorexie et perte de poids (83-89% versus 77% dans le groupe placebo). Des effets secondaires sérieux furent constatés aussi fréquemment dans tous les groupes (12- 13%). Le traitement fut suspendu pour cause d’effets indésirables chez 18% des patients sous galantamine (dont 2/3 appartenaient au groupe recevant 32 mg) contre 9% des patients sous placebo. Les auteurs concluent que la galantamine est efficace et sûre dans le traitement de la maladie d’Alzheimer. Elle ralentit tant la dégradation cognitive que fonctionnelle.  

 

Discussion

L’étude a été bien menée d’un point de vue méthodologique. Le fait que, comme dans la plupart des études sur les inhibiteurs des cholinestérases, on inclut uniquement des patients présentant un score satisfaisant au test MMSE (en moyenne 19,3/30) et au test ADAS-cog/11 (en moyenne 25,4/70) ainsi qu’une situation cardiovasculaire correcte, nous amène à nous interroger sur la représentativité des participants. Dans une synthèse de la Cochrane Collaboration qui, en plus de l’étude présentée ici a inclus six autres études, on observe une amélioration de l’ADAS-cog/11 dans quatre études et de l’échelle CIBIC-plus dans six études, et ce en faveur du traitement par galantamine. Seule la dose de 8 mg n’est pas efficace dans ces résultats. La différence d’effet entre les doses de 16 mg, 24 mg et 32 mg de galantamine n’est pas significative. Une amélioration des activités de la vie quotidienne n’est pas observée sous galantamine 1. Du fait que la maladie d’Alzheimer soit souvent difficile à distinguer des démences vasculaires, une étude récente a inclus des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer présentant des arguments plaidant pour une maladie cérébrovasculaire et des patients présentant une démence vasculaire. Les effets sur les fonctions cognitives et sur les activités de la vie quotidienne n’étaient pas différents de ceux des études dans lesquels étaient exclus les patients présentant des troubles cérébrovasculaires 2.   Selon les recommandations de la Food and Drug Administration (FDA) américaine et de l’Agence Européenne pour le Médicament (EMEA), on ne peut parler de réponse clinique que lors d’une amélioration minimale de 4 points de l’ADAS-cog, sans aggravation sur l’échelle CIBIC-plus ni sur l’échelle DAD. Si ce principe est appliqué à toutes les études sur la galantamine, seuls 5 à 13 % des patients sous traitement de galantamine en retireront un intérêt clinique. Un pourcentage identique est observé avec le donépézil et la rivastigmine. Comme il n’existe pas encore d’étude comparant la galantamine au donépézil ou à la rivastigmine, ceci est une constatation importante qui ne plaide pas en faveur de la galantamine au niveau clinique 3.   Dans cette étude, les effets secondaires, essentiellement nausées et vomissements, sont observés dans les mêmes proportions que dans les autres études concernant les autres inhibiteurs de cholinestérases. À partir de l’étude présentée ici, on peut conclure qu’une dose plus élevée provoque plus d’effets secondaires et d’abandon de traitement à imputer à ces mêmes effets secondaires. La plupart des abandons dus aux effets secondaires ont eu lieu pendant le premier mois, aucune différence n’étant constatée en phase d’entretien entre la fréquence d’abandons dans le groupe sous traitement et dans le groupe placebo. Ceci serait dû, selon les chercheurs, à une titration trop rapide. Dans une étude équivalente, dans laquelle la dose a été augmentée sur huit semaines, aucune différence d’abandon n’a été observée par rapport au placebo et ce, pendant toute la durée de l’étude 4.

Conclusion

Les preuves sont actuellement insuffisantes pour recommander une prescription systématique de galantamine aux patients atteints de démence liée à la maladie d’Alzheimer. L’effet minime de la galantamine observé dans cette étude n’a pas une pertinence clinique et sociale évidente.

 

Conflit d’intérêts/financement

L’étude a été sponsorisée par la Janssen Research Foundation, Beerse, Belgique. Un des auteurs a reçu un soutien financier de la firme Janssen, co-productrice de la galantamine.

 

Références

 

  1. Olin J, Schneider L. Galantamine for Alzheimer’s disease (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 4, 2001. Oxford: Update Software.
  2. Erkinjuntii T, Kurz A, Gauthier S, et al. Efficacy of galantamine in probable vascular dementia and Alzheimer’s disease combined with cerebrovascular disease: a randomised trial. Lancet 2002;359:1283-90.
  3. Galantamine, quatrième anticholinestéraraique dans la maladie d’Alzheimer. Revue Prescrire 2001;21:574-6.
  4. Tariot PN, Solomon PR, Morris JC, et al. A 5-month, randomized, placebo-controlled trial of galantamine in AD. Neurology 2000;54:2269-76.
Galantamine



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Commentaires

Diane Couture 07/10/2017 01:14

La galantamine en 1990 dans antidépresseur. Puis 1991 dans problème érectile. Maintenant dans Alzheimer et Parkinson. Depuis toutes ces années des patients vulnérables cobayes pour enrichir les pharmaceutiques.. non pour guérir...

Réaction de la rédaction
Vous faites référence à la disease mongering, discutée précédemment dans Minerva (Editorial: Prévention ou façonnage de maladie ? Minerva 2008;7(7):97. http://www.minerva-ebm.be/FR/Article/504). Ce que nous voyons avec la galantamine, nous le constatons également pour la gabapentine, la prégabaline et la bupropione, pour n'en nommer que quelques-unes. De nouvelles indications sont recherchées pour obtenir de meilleures ventes. Une indignation justifiée. - La rédaction