Revue d'Evidence-Based Medicine



Utilité du vaccin contre le zona chez les personnes âgées ?



Minerva 2013 Volume 12 Numéro 5 Page 56 - 57

Professions de santé


Analyse de
Gagliardi AM, Gomes Silva BN, Torloni MR, Soares BG. Vaccines for preventing herpes zoster in older adults. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 10.


Question clinique
Quelle est l’efficacité du vaccin contre le zona chez les personnes âgées en termes de prévention du zona et de la névralgie post-herpétique ?


Conclusion
Cette fausse méta-analyse, basée en fait presque exclusivement sur les résultats d’une seule étude, confirme, sans surprise, les résultats proposés par les auteurs de cette RCT, résultats peu convaincants pour le praticien et n’apportant pas de réponse pour les situations particulières dans lesquelles un zona devrait être prévenu.


 

 

Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone


 

Contexte

Le zona résulte de la réactivation du virus herpétique varicelle zona suite à la diminution de l’immunité cellulaire spécifique et/ou à un déficit immunitaire acquis. Il est plus fréquent chez les sujets diabétiques, immunodéprimés, les caucasiens ou les personnes âgées. Les différentes définitions de neuropathie post-zostérienne vont de « toute douleur persistant après cicatrisation de l’éruption » à « la douleur qui persiste 6 semaines ou 3 mois après le début de l’éruption » (1). Une distinction est proposée et généralement admise (2) : névralgie aigüe dans les 30 jours de la survenue de l’éruption, névralgie subaigüe dans les 30 à 120 jours et neuropathie post-herpétique pour une douleur persistante après 120 jours. Aux Pays-Bas, une enquête en soins primaires rapporte 6,5% de douleur persistante à un mois (11,5% chez les personnes de plus de 55 ans), et 2,6% à 3 mois (3). En Islande, en médecine générale (4), pour des patients agés, 2% de douleurs sévères à 3 mois mais plus aucun cas de douleur sévère à 12 mois. Une étude étatsunienne montrait l’intérêt potentiel d’une vaccination de certaines personnes âgées (5). L’ensemble de la littérature confirme-t-elle ces données ?

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyse

 

Sources consultées

  • bases de données MEDLINE (1948 à juillet 2012), EMBASE (2010 à juillet 2012), Cochrane Central register of Controlled Trials 2012, Issue 7, LILACS (1982 à juillet 2012), CINAHL (1981 à juillet 2012)
  • listes de référence des articles trouvés
  • auteurs des études originales
  • recherche de données non publiées (thèses, actes de conférences).

 

Etudes sélectionnées

  • études contrôlées randomisées ou quasi-randomisées comparant le vaccin anti zona à un placebo ou à une absence de vaccin, en prévention du zona chez des adultes âgés d’au moins 60 ans
  • critères d’exclusion : études incluant des sujets présentant une immunosuppression
  • pas de restriction de langue
  • 8 RCTs retenues : 4 études versus placebo, 1 forte dose versus faible dose de vaccin, 1 vaccin réfrigéré versus congelé, 1 vaccin vivant versus atténué, 1 vaccin anti-zona versus anti-pneumocoque
  • durée des études : de 28 jours à 3,1 ans (5).

 

Population étudiée

  • 52 269 sujets âgés (moyenne d’au moins 60 ans)
  • pas d’autres détails donnés quant à la population.

 

Mesures des résultats

  • critère primaire : incidence de zona (sur critère(s) clinique et/ou biologique de l’étude originale)
  • critères secondaires : effets indésirables locaux ou systémiques (par ex douleur, prurit, gonflement, céphalée) survenant post vaccination (tout délai) ; durée moyenne de protection vaccinale.

 

Résultats

  • critère primaire : nombre de zonas (1 étude) : RR de 0,49 (IC à 95% de 0,43 à 0,56) ; différence de risque de 2%, NST de 50
  • en fonction de l’âge (1 étude): meilleur bénéfice entre 60 et 69 ans : RR 0,36 (IC à 95% de 0,30 à 0,45) et après au moins 70 ans : RR 0,63 (IC à 95% de 0,53 à 0,75)
  • incidence de neuropathie post-herpétique (1 étude) : RR 0,34 (IC à 95% de 0,22 à 0,52) mais différence de risque non significative
  • nombre de sujets avec au moins 1 effet indésirable (3 études) : RR 1,86 (IC à 95% 1,44 à 2,4, NNN de 2,4 (IC à 95% de 2,8 à 5)
  • effets indésirables systémiques (2 études): RR 1,29 (IC à 95% de 1,05 à 1,57, NNN de 100)
  • effets indésirables locaux (3 études) : RR 4,51 (IC à 95% de 2,35 à 8,68 , NNN de 2,8 (IC à 95% de 2,3 à 3,4)
  • effets indésirables plus fréquents entre 60 et 69 ans qu’après 70 ans ou plus (1 étude) et après une 2ème injection vaccinale (42 jours après la première) (1 étude).

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le vaccin anti-zona est efficace pour prévenir cette pathologie. Le bénéfice est plus important chez les sujets plus jeunes (60 à 69 ans) mais c’est également le groupe d’âge avec davantage d’effets indésirables. Ce vaccin est en général bien toléré ; il provoque peu d’effets indésirables systémiques et des effets indésirables au site d’injection qui sont légers à modérés.

 

Financement de l’étude 

Aucune mention

 

Conflits d’intérêt des auteurs 

Aucun n’est connu.

 

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Cette synthèse méthodique avec méta-analyses est de bonne qualité. Les auteurs ont interrogé plusieurs bases de données et recherché les études non publiées. Ils ont analysé les risques de biais de séquence de randomisationrandomisation est un processus consistant à sélectionner et à répartir au hasard les sujets d’un échantillon. Dans une étude randomisée contrôlée (RCT), les sujets doivent être attribués au hasard dans les différents bras de traitement, par exemple un nouveau traitement médicamenteux versus son placebo. La séquence de randomisation est la suite ordonnée prévue dans le dessin d’étude pour attribuer les sujets inclus dans une étude dans un des bras d’étude. Pour être méthodologiquement valide, une étude doit avoir une séquence d’attribution non prévisible pour les chercheurs.">, secret d’attribution, d’insu des chercheurs, participants et évaluateurs, de données incomplètes et sélectivement rapportées ou autres. Seules 2 études présentent peu de risque de biais, toutes deux versus placebo. Les auteurs ont contacté les auteurs des études originales pour compléter les données manquantes, ont effectué les analyses en intention de traiter avec scénario du pire (worst case) pour les données restant manquantes. L’hétérogénéité statistique a été recherchée (test I2) avec analyse en modèle d’effets aléatoires si hétérogénéité.

L’appellation synthèse méthodique avec méta-analyses est cependant trompeuse (voir paragraphe suivant).

 

Interprétation des résultats et mise en perspective

Pour les critères d’efficacité avec résultats statistiquement significatifs, tous les chiffres de cette synthèse méthodique proviennent d’une seule étude, l’étude SPS (5). Cette importante RCT incluait 38 546 sujets avec antécédents de varicelle (ou ayant séjourné au moins 30 ans aux Etats-Unis), âgés d’au moins 60 ans (âge moyen 69 ans ; âgés >80 ans : 6,6% et 6,9%). Sur un suivi d’environ 4 ans, le vaccin se montre efficace, versus placebo, sur un score évaluant la diminution de la fréquence et de la durée des douleurs totales (aiguës et chroniques) et l'inconfort associés au zona, pour diminuer l’incidence de zona (mais moins après l’âge de 70 ans qu’entre 60 et 69 ans pour ce critère) et la fréquence des douleurs post-zostériennes (après 90 jours). Le bénéfice potentiel du vaccin peut être exprimé en Nombre de Sujets à Vacciner (NSV) : dans cette étude SPS, le NSV pour éviter un cas supplémentaire de zona est de 59 (IC à 95% de 50 à 72), le NSV est de 364 (259 à 577) pour une douleur post-herpétique à au moins 90 jours et de 805 pour une douleur post-herpétique à au moins 6 mois. La protection du vaccin n’est pas de 100% et l’incidence de douleur post-herpétique (NPH) à 120 jours est de 0,29/1 000 années-patients pour les personnes vaccinées ayant reçu des antiviraux en cas de zona malgré le vaccin.

Une étude étatsunienne rétrospective (6) montre pour 75 761 personnes âgées de plus de 60 ans immunocompétentes vaccinées, versus non vaccinées, une incidence moindre de survenue de zona : HR de 0,45 (IC à 95% de 0,42 à 0,48), bénéfice non différent selon l’âge, la race, la présence d’une maladie chronique.

Une publication ultérieure de l’étude SPS (7), post RCT, en ouvert, 89% des personnes issues du groupe placebo SPS étant vaccinées, analyse la persistance de l’efficacité après la fin de l’étude SPS, sur un terme de 7 ans post vaccination. Elle conclut à une persistance de l’efficacité vaccinale jusqu’à 5 ans post vaccination mais souligne que l’efficacité devient incertaine au-delà de ce délai.

 

Questions restées sans réponse

Le vaccin est contre-indiqué chez les patients ayant une immuno-dépression. Un traitement médicamenteux immunosuppresseur (méthotrexate, glucocorticoïdes, anti TNF) présent lors de la vaccination ou instauré dans les 42 jours post vaccination n’est pas associé à une incidence accrue de zona post-vaccination. Nous ne savons cependant pas si une vaccination contre le zona effectuée avant la survenue d’une immunodéficience garde son effet protecteur lors de la survenue d’une immunodéficience. La Revue Prescrire (8) conclut que ce vaccin est peu efficace pour ceux qui en ont le plus besoin.

Une efficacité du vaccin sur la prévention des récidives reste à évaluer. La fréquence des récidives de zona chez les personnes immunocompétentes fait aussi l’objet de publications contradictoires : soit jugée basse (9), soit relativement élevée (6,2% des sujets sur 8 ans (10)).

Les risques éventuels de transmission de ce vaccin vivant pour l’entourage reste à mieux évaluer.

Si la question des problèmes « aigus » liés à la survenue d’un zona, principalement la douleur, est à prendre en considération, c’est surtout la persistance d’une neuropathie post-herpétique qui handicape le patient et pose problème aux soignants. Le vaccin est-il efficace pour cette prévention ? Rien n’est moins certain. Une autre synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration (11), reprenant en fait uniquement l’étude SPS précitée (5) concluait à des preuves directes insuffisantes d’une efficacité de ce vaccin en termes de prévention de la neuropathie post-herpétique, tout en admettant que le vaccin réduit l’incidence de zona … réduisant ainsi l’incidence de neuropathie qui y est liée.

Une étude du rapport coût-utilité de ce vaccin en Belgique (12) conclut que, « au coût actuel du vaccin, la vaccination des adultes et des personnes âgées contre le zona ne peut pas être recommandée sur base des analyses coût-efficacité actuellement disponibles. »

 

Conclusion de Minerva

Cette fausse méta-analyse, basée en fait presque exclusivement sur les résultats d’une seule étude, confirme, sans surprise, les résultats proposés par les auteurs de cette RCT, résultats peu convaincants pour le praticien et n’apportant pas de réponse pour les situations particulières dans lesquelles un zona devrait être prévenu.

 

Pour la pratique

Si les guides de pratique étatsuniens (13), en général très pro-vaccinations, recommandent ce vaccin chez toute personne âgée d’au moins 60 ans, le vaccin n’est pas commercialisé à ce jour en Belgique et ne peut donc figurer dans les recommandations pour la pratique. La synthèse méthodique analysée ici n’apporte pas d’argument pratique convaincant pour encourager une vaccination systématique des personnes âgées (d’au moins 60 ans) étant donné, principalement, des doutes sur l’efficacité à plus long terme et chez les personnes devant à priori en bénéficier parce que plus à risque de présenter un zona.

 

 

 

Références

  1. Dworkin RH, Schmader KE. The epidemiology and natural history of herpes zoster and postherpetic neuralgia. In Watson CPN and Gershon AA. Pain Research and Clinical Management 2001; 11:39-64. Amsterdam, The Netherlands: Elsevier Science B.V.
  2. Johnson RW, Wasner G, Saddier P, Baron R. Postherpetic neuralgia: epidemiology, pathophysiology and management. Expert Rev Neurother 2007;7:1581-95.
  3. Opstelten W, Mauritz JW, de Wit NJ, et al. Herpes zoster and postherpetic neuralgia: incidence and risk indicators using a general practice research database. Fam Pract 2002;19:471-75.
  4. Helgason S, Petursson G, Gudmundsson S, Sigurdsson JA. Prevalence of postherpetic neuralgia after a first episode of herpes zoster: prospective study with long term follow up. BMJ 2000;321:794-6.
  5. Oxman MN, Levin MJ, Johnson GR, et al. A vaccine to prevent herpes zoster and postherpetic neuralgia in older adults. N Engl J Med 2005;352:2271-84.
  6. Tseng HF, Smith N, Harpaz R, et al. Herpes zoster vaccine in older adults and the isk of subsequent herpes zoster disease. JAMA 2011;305:160-6.
  7. Schmader KE, Oxman MN, Levin MJ, et al; Shingles Prevention Study Group. Persistence of the efficacy of zoster vaccine in the shingles prevention study and the short-term persistence substudy. Clin Infect Dis 2012;55:1320-8.
  8. Vaccin zona Zostavax : peu efficace pour ceux qui en ont le plus besoin. Revue Prescr 2012;32:178. Pages 178-1 à 178-4 dans la Bibliothèque éléctronique Prescrire.
  9. Tseng HF, Chi M, Smith N, et al. Herpes zoster vaccine and the incidence of recurrent herpes zoster in an immunocompetent elderly population. J Infect Dis 2012;206:190-6.
  10. Yawn BP, Wollan PC, Kurland MJ, et al. Herpes zoster recurrences more frequent than previously reported. Mayo Clin Proc 2011;86(2):88-93.
  11. Chen N, Li Q, Zhang Y, et al. Vaccination for preventing postherpetic neuralgia. Cochrane Database Syst Rev 2011, Issue 3.
  12. Bilcke J, Marais C, Ogunjimi B, et al. Rapport coût-utilité de la vaccination contre la varicelle chez les enfants, et de la vaccination contre le zona chez les adultes en Belgique. Health Technology Assessment (HTA). Bruxelles: Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE). 2010. KCE Reports 151B. D/2010/10.273/103.
  13. Harpaz R, Ortega-Sanchez IR, Seward JF. Prevention of Herpes Zoster. Recommendations of the Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP). MMWR 2008;57;1-30. http://www.cdc.gov/mmwr/preview/mmwrhtml/rr5705a1.htm (consulté le 20 décembre 2012).
Utilité du vaccin contre le zona chez les personnes âgées ?



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