Revue d'Evidence-Based Medicine
Epicondylite: kinésithérapie préférable à une infiltration?
Minerva 2007 Volume 6 Numéro 6 Page 94 - 96
Professions de santé
Résumé
Contexte
L’épicondylite affecte, annuellement, 1 à 3% de la population adulte. L’incidence de l’épicondylite, prise en charge en majorité par le généraliste, est évaluée de 4 à 7 pour 1000 patients par an. Peu de preuves sont disponibles concernant la supériorité d’un traitement par rapport à un autre ou par rapport à une temporisation 1.
Population étudiée
Sont inclus dans l’étude, 198 Australiens adultes d’un âge moyen de 47,6 ans, dont 35% de femmes, présentant, depuis au moins six semaines, un diagnostic clinique d’épicondylite.
Les critères d’exclusion sont, entre autres : traitement médical spécifique dans les six mois précédents, symptômes d’atteinte bilatérale, radiculopathie cervicale, anamnèse de luxation ou fracture, chirurgie du coude, rupture de tendon.
Protocole d’étude
Cette étude est randomisée, contrôlée, en simple aveugle. Un groupe (n = 66) reçoit huit séances (de 30 minutes) de kinésithérapie, réparties sur six semaines (manipulation du coude, exercice thérapeutique ainsi qu’un apprentissage d’une manipulation et d’exercices à réaliser seul). Un deuxième groupe (n = 65) reçoit une (voire une 2ème après 2 semaines) infiltration(s) de lidocaïne 1% (1ml) et 10 mg d’acétonide de triaminolone (1 ml) et le conseil de reprendre progressivement les activités normales. Un troisième groupe (n = 67) ne reçoit que des instructions spécifiques d’adaptation des activités quotidiennes et l’autorisation d’utiliser des antalgiques, de la chaleur, du froid ou une écharpe.
Mesure des résultats
Les critères de jugement primaires sont l’amélioration globale (mesurée sur échelle de type Likert, en pourcentage de taux de succès et de récidive à six semaines), la force de préhension indolore et l’appréciation par un examinateur de la sévérité des plaintes. Une réussite pour le traitement est définie comme une guérison complète ou une forte amélioration obtenue sur l’échelle de l’amélioration globale. Les critères de jugement secondaires sont : la sévérité de la douleur durant la semaine précédente (EVA) et l’incapacité fonctionnelle du coude. Mesures au départ, à 3, 6, 12, 26 et 52 semaines. L’analyse est faite en intention de traiter et par protocole.
Résultats
Pour les critères de jugement primaires à six semaines, les infiltrations présentent un résultat significativement supérieur versus kinésithérapie (excepté pour l’amélioration globale), elle-même supérieure à la temporisation : taux de réussite de respectivement 78 %, 65 % et 27%. A 52 semaines, les infiltrations présentent des résultats significativement inférieurs versus kinésithérapie pour tous les critères de jugement, et versus temporisation pour deux critères sur trois (amélioration globale et appréciation de la sévérité des plaintes) : taux de réussite respectivement de 68 %, 94 % et 90 %. A ce terme, aucune différence significative n’est donc observée entre kinésithérapie et temporisation pour tous les critères de jugement primaires (voir tableau). Les récidives trois à six semaines après infiltrations (72%) sont supérieures versus kinésithérapie (8%) ou temporisation (9%). Les différences ne sont cependant pas significatives pour un intevalle de confiance à 99%.
Moindre recours à des antalgiques (AINS) dans le groupe kinésithérapie (21%) versus temporisation (55%) ou infiltrations (49%).
Tableau : Différences moyennes de réussite : Réduction Relative de Risque (RRR) avec Intervalle de Confiance à 99% (IC 99%) et Nombre de Sujets à Traiter (NST). |
|
RRR (IC 99%) |
NST |
Après 6 semaines |
|
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Infiltrations versus temporisation |
0,7 (0,4 tot 0,9)* |
2 |
Kinésithérapie versus temporisation |
0,5 (0,2 tot 0,8)** |
3 |
Infiltrations versus kinésithérapie |
0,4 (-0,2 tot 0,9) |
NA |
Après 52 semaines |
|
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Infiltrations versus temporisation |
0,3 (0,04 tot 0,4)*** |
4 |
Kinésithérapie versus temporisation |
0,04 (-0,1 tot 0,2) |
NA |
Infiltrations versus kinésithérapie |
0,3 (0,1 tot 0,5)** |
4 |
*en faveur infiltrations ; ** en faveur kinésithérapie; *** en faveur temporisation |
NA : NST ne pouvant être estimé au vu de l’IC à 99% non significatif |
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent qu’une approche thérapeutique associant manipulation du coude et exercice est supérieure à une temporisation à six semaines, et à des infiltrations de corticostéroïdes à long terme, pourtant plus efficaces à court terme mais avec des taux élevés de récidives. La majorité des épicondylites s’améliorent à long terme par simple information et conseils ergonomiques.
Financement
University of Queensland et National Health and Medical Research Council, Primary Health Care Project Grant, Australia.
Conflits d’intérêt
Les auteurs déclarent l’absence de conflits d’intérêt.
Discussion
Considérations sur la méthodologie
Cette étude est méthodologiquement bien construite (randomisation, critères de jugement,…) et l’analyse par protocole montre peu de différences pour les résultats par rapport à l’analyse en intention de traiter. Cette étude est importante car elle concerne la première ligne de soins. Plusieurs faiblesses sont cependant présentes. Bien que les six kinésithérapeutes aient reçu une formation afin d’uniformiser le traitement, huit patients n’ont pas reçu le traitement correct et sept ne l’ont pas terminé. Un effet placebo non spécifique pour la kinésithérapie ou les infiltrations n’est pas testé. Un recours deux fois supérieur aux analgésiques ou AINS dans les groupes temporisation et infiltrations versus kinésithérapie est à souligner. Le fait d’inclure les patients souffrant d’une épicondylite depuis au moins six semaines a pu influencer négativement le pourcentage de guérison dans le groupe temporisation. L’importance économique de l’incapacité fonctionnelle professionnelle n’est pas étudiée.
Résultats et autres études
Les infiltrations sont, dans cette étude, plus efficaces à court terme, mais avec davantage de récidives et des résultats moins bons à long terme. Une synthèse méthodique 2 évaluant différentes interventions de physiothérapie montre de faibles preuves concernant une efficacité moindre de la kinésithérapie versus infiltrations de corticostéroïdes pour l’amélioration des symptômes à court terme avec, par contre, une efficacité supérieure à long terme. Versus temporisation ou médications, des études récentes montrent, à court terme (3 à 6 semaines), une supériorité thérapeutique des infiltrations mais, à moyen et long terme (3 à 12 mois), elles ne montrent pas de différence d’efficacité entre les infiltrations et la temporisation 1. Une étude avec kinésithérapie comprenant massages, ultrasons et exercices (9 séances) ne montre aucun bénéfice significatif versus temporisation 1. Une RCT 3 (n = 62) montre une amélioration de la douleur et de l’incapacité fonctionnelle jusqu’à 11 mois après des exercices, versus placebo. Une étude récente 4 met en évidence le bénéfice d’une injection locale de toxine botulinique A versus placebo jusqu’à dix-huit semaines.
Pour la pratique
Cette première étude à long terme montre un effet bénéfique global de la kinésithérapie pour le traitement de l’épicondylite radiale, mais elle rappelle aussi que la majorité des épicondylites s’améliorent à long terme par simple information et conseils ergonomiques. Le NHG-Standaard 5 recommande d’attendre la guérison spontanée (neuf mois), en limitant les activités si douleur insupportable et de recourir aux antalgiques à visée symptomatique (paracétamol voire AINS) ainsi qu’à des infiltrations locales d’acétate de triamcinolone (+ lidocaïne) en présence d’une gêne importante de longue durée pour les activités quotidiennes ; la kinésithérapie ou la chirurgie ne sont pas recommandées. Nous avions déjà précédemment conclu, dans Minerva 1, qu’à long terme (52 semaines), une temporisation ou la kinésithérapie montrent un meilleur résultat que les infiltrations avec un corticostéroïde, et que les infiltrations ont un effet bénéfique uniquement à court terme (6 semaines).
Conclusion
Cette étude montre que la kinésithérapie et les infiltrations de corticostéroïdes sont plus efficaces à court terme (après six semaines) qu’une temporisation en cas d’épicondylite radiale, les infiltrations étant plus efficaces que la kinésithérapie à ce terme. A long terme cependant (52 semaines), la kinésithérapie n’est pas plus efficace qu’une temporisation qui est, elle-même, supérieure à des infiltrations. Le nombre élevé de récidives appelle donc à des réserves vis-à-vis des infiltrations. Ces résultats semblent donc justifier une attitude attentiste dans le traitement de l’épicondylite. En cas de douleur et/ou de limites importantes des activités, un traitement de kinésithérapie pourrait être envisagé pour son efficacité à court terme.
Références
- Dewachter J. Traitement de l’épicondylite. MinervaF 2003;2(3):41-3.
- Bisset L, Paungmali A, Vicenzino B, et al. A systematic review and meta-analysis of clinical trials on physical interventions for lateral epicondylalgia. Br J Sports Med 2005;39:411-22.
- Selvanetti A, Barrucci A, Antonaci A, et al. L’esercisio eccentrico melia rieducazione funzionale dell’epicondilite. Med Sport 2003;56:103-13.
- Placzek R, Drescher W, Deuretzbacker G, et al. Treatment of chronic radial epicondylitis with botulinum toxin A. A double-blind, placebo-controlled, randomized multicenter study. J Bone Joint Surg Am 2007;89:255-60.
- Assendelft WJJ, Rikken SAJJ, Mel M, et al. NHG-Standaard Epicondylitis. Huisarts Wet 1997;40:21-6.
Auteurs
Vanwelde C.
Centre Académique de Médecine Générale, Université Catholique de Louvain
COI :
Glossaire
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