Revue d'Evidence-Based Medicine
Varénicline et cytisine pour arrêter de fumer
Minerva 2007 Volume 6 Numéro 8 Page 120 - 121
Professions de santé
Résumé |
Contexte La cytisine et la varénicline sont des agonistes partiels des récepteurs nicotiniques, c’est-à-dire que ces substances provoquent la libération de dopamine (comme la nicotine) avec diminution des signes de sevrage en cas d’arrêt du tabagisme (effet agoniste). Par leur activité antagoniste, elles entraînent une diminution de la satisfaction liée au tabagisme. Ce sont donc des facilitateurs théoriques de l’arrêt du tabac.
Méthodologie Synthèse méthodique et méta-analyse
Sources consultées MEDLINE, EMBASE, PsycINFO, CINAHL et des auteurs de rapports d’étude.
Etudes sélectionnées
Population étudiée
Mesure des résultats Critère primaire : arrêt du tabagisme avec preuve biochimique (mesure du taux de CO dans l’air expiré) au moins six mois après le début du traitement.
Résultats
Conclusion des auteurs Les auteurs concluent que la varénicline, versus placebo, triple environ la chance d’un arrêt confirmé du tabac. Les données disponibles montrent une efficacité supérieure à celle du bupropion. Pas de donnée disponible quant à une activité préventive des rechutes pour la varénicline. Une supériorité de celle-ci sur les substituts nicotiniques n’est pas évaluée. Les données actuelles (une étude) sont insuffisantes pour montrer une efficacité de la cytisine.
Financement Cette méta-analyse n’a pas été financée par l’industrie pharmaceutique ni par un autre groupe d’intérêts.
Conflits d’intérêt Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien ni avec l’industrie pharmaceutique ni avec un autre groupe d’intérêts.
Discussion
Considérations sur la méthodologie La méta-analyse sur la varénicline inclut quatre études : un total de 1 082 participants reçoit de la varénicline pour 941 mis sous placebo. Ces études sont de bonne qualité méthodologique : en double aveugle avec randomisation correcte, suivi suffisant et arrêt du tabagisme confirmé par une mesure du CO dans l’air expiré. Le taux de sorties d’étude est plus important dans le groupe placebo que dans le groupe varénicline. Toutes les analyses sont faites en intention de traiter. Une analyse de sensibilité prenant en compte ce taux de sorties d’étude montre que la varénicline reste supérieure au placebo.
Un avantage pour la varénicline ? Persister dans son arrêt du tabac semble fort difficile. Malgré un accompagnement intensif, parmi des personnes fortement motivées, seule une seule sur treize maintiendra son arrêt (1). Les aides médicamenteuses étaient, à ce jour, limitées aux substituts nicotiniques et au bupropion. Ces deux produits sont d’une efficacité semblable avec un doublement environ de l’arrêt du tabagisme versus placebo (2,3). D’autres médicaments efficaces sont les bienvenus. Grâce à la varénicline 21,4% des participants arrêtent de fumer, pour 8% de ceux sous placebo. Avec les substituts nicotiniques, le pourcentage moyen est de 16,9% versus 8% avec un placebo (OR 1,59; IC à 95% de 1,15 à 2,19) (2), avec le bupropion de 19% versus 10,2% pour le placebo (OR 1,94; IC à 95% de 1,72 à 2,19) ( (3). La varénicline paraît donc supérieure ; les limites de l’intervalle de confiance des OR restent dans le champ de la validité. Cette différence n’est pas sans importance au vu du nombre important de fumeurs. L’interprétation de ces résultats doit cependant rester prudente. Toutes les études évaluant la varénicline sont financées par son producteur (Pfizer) et des synthèses méthodiques récentes indiquent combien, malgré une méthodologie d’étude correcte, des résultats sont souvent davantage en faveur du médicament du fabricant quand c’est lui qui finance l’étude plutôt qu’une autre instance (4).
Effets indésirables Des nausées légères ou modérées sont principalement déclarées ; d’autres effets indésirables liés à la varénicline sont la constipation, des troubles du sommeil, des céphalées et des rêves anormaux (5). Ces effets s’amenuisent généralement en cours de traitement. Les effets indésirables augmentent en cas de consommation simultanée de nicotine, problème survenant si le patient fume malgré tout. La varénicline est contre-indiquée durant la grossesse et la prudence est de mise en cas d’insuffisance rénale. En raison d’une légère incidence d’affections cardiaques lors de l’utilisation de varénicline, la FDA avertit qu’une cardiotoxicité ne peut être exclue (5). Des effets indésirables sont également observés avec le bupropion et les substituts nicotiniques. A l’heure actuelle, il n’est pas possible de déterminer si la varénicline est d’utilisation plus sûre ; des données post commercialisation, concernant davantage de sujets et sur une durée plus longue, sont nécessaires. La vigilance reste, entretemps, de mise.
Autres études Une nouvelle étude, relativement limitée (251 participants), en double aveugle, contrôlée versus placebo, évalue la sécurité de la varénicline sur un an de suivi. Les effets indésirables sont les nausées (40%), les rêves anormaux (22,7%) et les troubles du sommeil (19,1%). Ils n’ont cependant pas, pour la plupart des participants, motivé un arrêt du traitement. Dans cette étude également, davantage de participants arrêtent leur traitement dans le groupe varénicline que dans le groupe placebo : après sept jours, 37,7% sous varénicline versus 7,9% sous placebo (6). Concernant la cytisine : en 2006, une méta-analyse, sur base de dix études (se déroulant dans les années 1967 à 2005 en Bulgarie, Allemagne, Pologne et Russie) a montré son efficacité dans l’arrêt du tabac. Seules quatre de ces études sont contrôlées et elles sont toutes de piètre qualité7.
Pour la pratique Fumer représente une sévère menace pour la santé et tout médicament augmentant les chances d’arrêt, même dans une mesure limitée, peut représenter une contribution dans la réussite de cet arrêt pour des milliers de personnes. La condition est cependant l’efficacité et une sécurité suffisante de ce produit. Les résultats des premières études avec la varénicline sont prometteurs, mais le nombre d’études reste trop limité pour préciser sa place dans l’arsenal des moyens pharmacothérapeutiques destinés à l’arrêt du tabagisme. Il est nécessaire de pouvoir disposer de plus d’études, financées de manière indépendante, pour déterminer la valeur de ce médicament, études comparant ce médicament au coût manifestement plus élevé (3,18€ par jour) aux thérapies existantes moins onéreuses (à titre de comparaison : le bupropion 300 mg/jour coûte 1,96€ et le patch nicotinique le plus dosé 2,38€).
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Conclusion |
Cette méta-analyse montre que la varénicline triple, par rapport à un placebo, la chance d’un arrêt du tabagisme persistant après un an. La varénicline est plus efficace que le bupropion dans des études comparatives. Il n’y a pas d’étude versus substituts nicotiniques. Les nausées sont l’effet indésirable principal. Seules quatre études, toutes financées par le fabricant sont incluses dans cette méta-analyse ; l’expérience avec ce médicament est de courte durée et son coût est élevé. Dans l’attente de données complémentaires quant à sa sécurité, une grande vigilance reste de mise. Cette méta-analyse ne permet pas de conclusion quant à la cytisine (une seule étude). |
Références
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Auteurs
De Sutter A.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :
Glossaire
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