Analyse
Dabigatran pour prolonger un traitement préventif secondaire d’une thromboembolie veineuse
28 05 2013
Professions de santé
Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone
Dans la pléthore des publications concernant les nouveaux anticoagulants oraux (NAOs), la revue Minerva vous a déjà présenté les publications concernant le traitement aigu et préventif initial d’une thromboembolie veineuse (TEV) par des NAOs (EINSTEIN avec le rivaroxaban (1,2) et RE-COVER avec le dabigatran (3,4)).
Après l’arrêt d’un traitement anticoagulant, une récidive thromboembolique est fréquente : une incidence cumulative sur 2 à 8 ans de 19% à 30% est décrite dans des suivis de cohorte (5). Chez des patients sans facteur de risque réversible, une incidence de 6 à 10% par an (6) ou de 40% à 5 ans (7) est observée.
Plusieurs études récentes concernent une extension de traitement préventif après la période initiale recommandée dans les TEV, de 6 à 12 mois souvent. Ces études, que nous avons présentées dans la revue Minerva, évaluent un NAO (EINSTEIN-extension avec le rivaroxaban (1,2), AMPLIFY-extent avec l’apixaban (8,9)) ou l’aspirine (ASPIRE et WARFASA (10,11)).
Deux dernières études viennent d’être publiées, dans ce domaine précis avec le dabigatran (12).
Dans l’étude RE-MEDY, 1 430 patients reçoivent du dabigatran 150 mg 2x/j et 1 426 reçoivent de la warfarine (INR cible de 2-3) pendant 6 à 34 mois. Pour le critère primaire (récidive de TEV symptomatique et documentée ou décès lié à une TEV), le dabigatran est déclaré non inférieur à la warfarine (HR de 1,44 avec IC de 0,78 à 2,64, p= 0,01). Soulignons que la borne de non infériorité est de 2,85 ce qui semble bien large et de pertinence clinique discutable. L’hypothèse de concordance entre l’efficacité du comparateur (la warfarine) dans cette étude et dans les études versus placebo qui servent de référence pour le calcul de la borne d’infériorité semble également incertaine. Une non infériorité reste donc à confirmer (13). Il n’y a pas de différence significative pour les saignements majeurs (critère de jugement de sécurité 1) mais significativement moins de saignements majeurs et cliniquement pertinents (critère de jugement de sécurité 2) sous dabigatran. Il y a significativement davantage de syndromes coronariens aigus sous dabigatran (comme dans l’étude RE-LY).
Dans l’étude RE-SONATE, 681 patients reçoivent du dabigatran 2 x 150 mg/j et 662 patients reçoivent un placebo sur une durée de 18 mois. Pour le même critère primaire, le dabigatran est plus efficace que le placebo (HR de 0,08 avec IC à 95% de 0,02 à 0,25 ; p<0,001). Il y a plus d’hémorragies majeures et d’hémorragies majeures ou cliniquement pertinentes sous dabigatran, sans différence pour les syndromes coronariens aigus (1 dans chaque bras).
Les patients inclus dans ces études avec les NAOs sont en moyenne moins âgés (56 ans), souffrent de moins de comorbidités et présentent un moindre risque de saignements que les patients vus au quotidien, et ils ne présentent pas d’indication franche de la poursuite d’une anticoagulation (cancer, syndrome antiphospholipidique, récidives de TEV) (14).
Dans cette indication, le bénéfice des différents NAOs l’un versus l’autre ou versus aspirine reste à comparer directement. Nous ne disposons toujours pas d’antidote pour les NAOs.
Conclusion
Si la poursuite du dabigatran en prévention d’une récidive de TEV post traitement anticoagulant recommandé est favorable versus placebo (au risque de davantage d’hémorragies), une non infériorité (en efficacité) versus warfarine reste à confirmer.
Références
- EINSTEIN Investigators, Bauersachs R, Berkowitz SD, Brenner B, et al. Oral rivaroxaban for symptomatic venous thromboembolism. N Engl J Med 2010;363:2499-510
- Chevalier P. TVP : rivaroxaban ? MinervaF 2011;10(3):36-7.
- Schulman S, Kearon C, Kakkar AK, et al; RE-COVER Study Group. Dabigatran versus warfarin in the treatment of acute venous thromboembolism. N Engl J Med 2009;361:2342-52.
- Chevalier P. Dabigatran pour la thromboembolie veineuse. Minerva online 28/08/2010.
- Middeldorp S. Duration of anticoagulation for venous thromboembolism. [Editorial] BMJ 2011;342:d2758.
- Becattini C, Agnelli G, Schenone A, et al; WARFASA Investigators. Aspirin for preventing the recurrence of venous thromboembolism. N Engl J Med 2012;366:1959-67.
- Prandoni P, Noventa F, Ghirarduzzi A, et al. The risk of recurrent venous thromboembolism after discontinuing anticoagulation in patients with acute proximal deep vein thrombosis or pulmonary embolism: a prospective cohort study in 1,626 patients. Haematologica 2007;92:199-205.
- Agnelli G, Buller HR, Cohen A, et al, AMPLIFY-EXT Investigators. Apixaban for extended treatment of venous thromboembolism. N Engl J Med 2013;368:699-708.
- Chevalier P. Apixaban pour prolonger un traitement préventif secondaire d’une TEV ? Minerva online 28/04/2013.
- Brighton TA, Eikelboom JW, Mann K, et al; ASPIRE Investigators. Low-dose aspirin for preventing recurrent venous thromboembolism. N Engl J Med 2012;367:1979-87.
- Larock AS, Spinewine A. L’aspirine en prévention secondaire des thromboembolies veineuses ? MinervaF 2013;12(5):54-5.
- Schulman S, Kearon C, Kakkar AK, et al; RE-MEDY Trial Investigators; RE-SONATE Trials Investigators. Extended use of dabigatran, warfarin, or placebo in venous thromboembolism. N Engl J Med 2013;368:709-18.
- Chevaler P. Les bornes de non infériorité. MinervaF 2013;12(5):64.
- Connors JM. Extended treatment of venous thromboembolism. N Engl J Med 2013;368:767-9.
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