Revue d'Evidence-Based Medicine



Un traitement empirique des cystites entraîne-t-il un surtraitement par antibiotique?



Minerva 2004 Volume 3 Numéro 6 Page 97 - 99

Professions de santé


Analyse de
McIsaac WJ, Low DE, Biringer A et al. The impact of empirical management of acute cystitis on unnecessary antibiotic use. Arch Intern Med 2002;162:600-5.


Question clinique
Un traitement empirique des cystites aiguës entraîne-t-il une utilisation exagérée d’antibiotiques? Existe-t-il une association de signes cliniques et de tests urinaires permettant une utilisation plus rationnelle des antibiotiques?


Conclusion
Les résultats de cette étude ne doivent pas amener de modifications dans la stratégie diagnostique proposée dans la recommandation de bonne pratique belge. Elle conforte même l’arbre décisionnel proposé. Celui-ci combine symptômes et test de recherche de nitrite, avec ou sans test pour la pyurie, pour poser le diagnostic d’infection des voies urinaires non compliquées.


 

Résumé

Contexte

Différents guidelines proposent un traitement empirique de la cystite aiguë par antibiotique. Cependant, étant donné que chez la moitié des femmes présentant des symptômes suggestifs de cystite, la bactériurie n’est pas significative lors d’une culture des urines, ce traitement empirique pourrait entraîner une consommation inutile d’antibiotiques.

Population de l’étude

Quatre centres académiques de médecine familiale à Toronto (Canada) ont recruté 231 femmes âgées de plus de 16 ans présentant des symptômes suggestifs d’infection urinaire, selon le médecin traitant. Les critères d’exclusion étaient: grossesse, déficience immunitaire, infection urinaire récente et prise récente d’un antibiotique.

Protocole d’étude

En plus du diagnostic clinique, un test par tigelle (recherche d’estérase leucocytaire (LE-test) et de nitrite) et une culture d’urine sont pratiqués. Rétrospectivement, les recommandations figurant dans trois stratégies de traitement empirique de cystite (voir encart) ont été comparées avec le traitement instauré par le médecin généraliste. Simultanément, un modèle original (modèle prédictif ) a été évalué. Les auteurs ne donnent aucune définition claire d’une stratégie empirique mais il semble qu’ils qualifient de ces termes une stratégie qui ne comporte pas de culture d’urines.

Mesure des résultats

Par rapport à chaque stratégie, le pourcentage de femmes présentant une dysurie traitées par antibiotique est calculé ainsi que le pourcentage de femmes présentant une culture d’urines se révélant négative mais déjà traitées par antibiotique (% d’antibiothérapies inutiles ou faux positifs) et le pourcentage de femmes présentant une culture positive mais qui n’avaient pas reçu d’antibiotique (% d’infections non diagnostiquées ou faux négatifs). Sont également évalués, le pourcentage de cultures positives avec prise d’antibiotique (sensibilité) et le pourcentage de culture négatives non traitées (spécificité).

 

Trois stratégies empiriques pour le traitement d’une cystite
A. Article de synthèse de Stamm en Hooton: traitement empirique par antibiotique si symptômes classiques (dysurie, pollakiurie, urgence mictionnelle) et pyurie (LE-test positif ).
B. The Group Health Cooperative (Puget Sound): les femmes présentant une dysurie ont le choix entre un traitement donné par téléphone ou une consultation. Le traitement donné par téléphone conduit automatiquement à la prescription d’un antibiotique.
C. Protocole du Protocol Steering Committee du BCMA (British Columbia Medical Association): pas de test urinaire en cas de symptômes “classiques” qui entraînent la prescription automatique d’un antibiotique.

 

Résultats       

Tableau: Résultats des différentes stratégies empiriques

 

Médecins

dans l’étude

Stamm (A)

Puget (B)

BCMA (C)

Modèle

prédictif (D)

% antibiothérapie

81

48

82

78

60

% antibiothérapie inutile

40

26

41

41

28

% infections non diagnostiquées

8

34

10

12

19

Sensibilité du traitement (%)

92

66

90

88

81

Spécificité du non-traitement (%)

31

73

28

31

64

 

Conclusions des auteurs

Les auteurs concluent que les stratégies ne comportant pas de recherche de la pyurie (B et C) entraînent une surprescription d’antibiotiques et que celles associant les signes cliniques et les tests urinaires (A et D) permettent de réduire les antibiothérapies inutiles. Financement L’étude est financée par les médecins de la province d’Ontario, Canada. Conflits d’intérêt Non mentionnés dans l’article.

 

Discussion

Un traitement empirique entraîne-t-il une surprescription d’antibiotique? La question est d’une actualité brûlante. Des auteurs de plus en plus nombreux plaident pour un traitement empirique des femmes, par ailleurs en bonne santé, qui présentent des plaintes suggestives, donc sans mise au point complémentaire 1-3. Les motifs avancés sont la probabilité pretest élevée et, d’autre part, la faible performance des tests disponibles 4. Cet article tente de répondre aux différentes questions.

Combien d’antibiotiques ont-ils été prescrits par les médecins participants?

C’est, en fait, la question la moins pertinente, étant donné que la stratégie suivie effectivement par les médecins n’est mentionnée nulle part. Comparer leur prise en charge avec celle qui est recommandée dans les guidelines est intéressante pour les médecins concernés, mais d’aucun apport scientifique, les données pouvant être totalement différentes pour d’autres groupes de médecins.

Combien d’antibiotiques auraient-ils dû prescrire en respectant les guidelines et combien de ceux-ci étaient-ils justifiés?

Les auteurs concluent que chaque approche comporte ses propres limites. Les stratégies B et C entraînent plus de surtraitement, l’approche A plus de sous-traitement. Cette dernière est la seule recommandant la recherche d’une pyurie. Les auteurs concluent également qu’avec les stratégies empiriques ne comportant pas cette recherche de pyurie, une surprescription importante a lieu. C’est une interprétation trop poussée étant donné que les stratégies diffèrent beaucoup plus que sur cette simple recherche de la pyurie.

Du point de vue de la méthodologie, quelques remarques encore dans la comparaison de ces stratégies. Les auteurs ne mentionnent pas sur quels critères ils ont choisi ces stratégies empiriques. Elles étaient probablement adaptées à la population-cible. L’article n’illustre la mise en oeuvre que de la seule stratégie B, mais en se limitant seulement à quelques considérations utiles pour une discussion. Notre recherche de la description complète (texte original) de la stratégie C nous apprend qu’elle concerne surtout l’approche diagnostique de la pyurie. La manière selon laquelle les auteurs de cette étude comparative tirent leurs directives thérapeutiques ne nous paraît pas évidente.

Existe-t-il une association de symptômes et de résultats de tests par tigelle qui permettent d’obtenir moins de diagnostics faux positifs et faux négatifs?

Les données les plus intéressantes proviennent d’une analyse (avec régression logistique multiple) des plaintes et tests sur tigelle chez un groupe de 231 femmes. Cette analyse donne quatre signes-clefs: plaintes datant d’un jour seulement, dysurie, test LE positif, test de nitrite positif. En cas de présence d’au moins deux de ces signes, un traitement empirique pourrait être recommandé. Mais, même dans ce cas, un risque de 35% de faux positifs et de 19% de faux négatifs persiste. Malheureusement aucun résultat n’est donné pour la présence de 3 ou 4 signes. Nous pourrions conclure des données que les scores seraient meilleurs. La mise en évidence d’une culture urinaire positive dans 78% des cas en présence de plaintes datant de moins d’un jour est probablement le résultat le plus intéressant de cette étude. Cette observation conforte l’observation de l’ab sence plus fréquente de cystite chez les femmes se présentant plus tardivement 5. Des plaintes très sévères amenant à une consultation du médecin auraient une bonne valeur prédictive de cystite réelle.

 

Recommandations pour la pratique

Les résultats de cette étude ne doivent pas amener de modifications dans la stratégie diagnostique proposée dans la recommandation de bonne pratique belge 6 . Elle conforte même l’arbre décisionnel proposé. Celui-ci combine symptômes et test de recherche de nitrite, avec ou sans test pour la pyurie, pour poser le diagnostic d’infection des voies urinaires non compliquées.

La rédaction

 

Références

  1. Flottorp S, Oxman AD, Cooper JG et al. Retningslinjer for diagnostikk og behandling av akutte vannlatingsplager hos kvinner (Guidelines for diagnosis and treatment of acute urinary tract problems in women). Tidsskr Nor Lægeforen 2000;120:1748-53.
  2. Baerheim A. Empirical treatment of uncomplicated cystitis. Keep it simple. BMJ 2001;323:1197-8.
  3. Bent S, Nallamothu BK, Simel DL, et al. Does this woman have an acute uncomplicated urinary tract infection? JAMA 2002;287:2701-10.
  4. Christiaens TCM, De Meyere M, Derese A. Dis appointing specificity of the LE-test for the diagnosis of urinary tract infection in general practice. Eur J Gen Pract 1998;4:144-8.
  5. Österberg E, Aspevall O, Grillner L, Persson E. Young women with symptoms of urinary tract infection. Prevalence and diagnosis of chlamydial infection and evaluation of rapid screening of bacteriuria. Scand J Prim Health Care 1996;14:43-9.
  6. Christiaens T, Callewaert L. Cystitis bij de vrouw. Aanbevelingen voor goede medische praktijkvoering. Huisarts Nu 2000;29:281-97.
Un traitement empirique des cystites entraîne-t-il un surtraitement par antibiotique?

Auteurs

Christiaens T.
Klinische Farmacologie, Vakgroep Farmacologie, UGentVakgroep Fundamentele en Toegepaste Medische Wetenschappen, UGent
COI :

De Backer D.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

Code





Ajoutez un commentaire

Commentaires