Revue d'Evidence-Based Medicine
Le millepertuis est-il efficace dans la dépression majeure?
Minerva 2002 Volume 1 Numéro 10 Page 35 - 36
Professions de santé
Minerva « en bref » vous propose de brefs commentaires sur des publications sélectionnées par le comité de rédaction de Minerva. Des études intéressantes et pertinentes pour les médecins généralistes qui ne doivent pas ou ne peuvent pas être discutées dans un cadre plus large trouvent leur place dans cette rubrique. Chaque sélection est brièvement résumée et accompagnée de quelques commentaires faits par un référent. La rédaction de Minerva vous en souhaite une agréable lecture.
Résumé
Les auteurs affirment que le millepertuis est fréquemment utilisé pour toutes les formes de dépression mais que son efficacité dans la dépression majeure n’est pas établie. Pour étudier cette question, ils ont mis sur pied une RCT en aveugle si tant les sujets étudiés que les chercheurs ou thérapeutes ignorent le contenu exact du traitement administré. Une évaluation en aveugle des résultats signifie que les résultats sont classés et analysés par des personnes qui ne savent pas à quel groupe les patients appartiennent.">double aveugle dans 12 centres universitaires et de première ligne. Ont été inclus 340 adultes présentant une dépression majeure et devant atteindre un score d’au moins 20 sur l’échelle de dépression de Hamilton (HAM-D). Les patients recevaient, durant 8 semaines, soit du millepertuis, soit de la sertraline, soit un placebo, à une dose respective de 900 à 1 500 mg pour le millepertuis et de 50 à 100 mg pour la sertraline. Les patients présentant un score supérieur à 2 pour l’item « suicide » du «HAM-D» n’étaient pas inclus dans l’étude. Le critère de jugement primaire est la modification du score HAM-D et du Clinical Global Impressions Scales for severity and improvement (CGI-S et CGI-I). La sécurité du traitement était appréciée par le patient sur une checklist et la compliance par un décompte des médicaments. Il n’y a pas de différence observée dans l’arrêt précoce du traitement. Assez curieusement, le score moyen sur l’échelle de Hamilton diminue pour les 3 groupes, mais il n’y a pas de différence significative dans la diminution linéaire sur une période de 8 semaines (réponse globale pour le millepertuis 38,1 %, pour le placebo 43,1 %, pour la sertraline 48,6 %). L’abaissement du score était meilleur, mais non significativement, pour la sertraline sur l’échelle CGI-I (p = 0,02). Les auteurs en tirent la conclusion que cette étude ne démontre aucune efficacité du millepertuis sur des patients présentant une dépression modérément sévère.
Discussion
La méthodologie de cette RCT est correcte. L’extrait de millepertuis (de 0,12 à 0,28% d’extrait d’hypericum) a été fourni par la firme elle-même, et c’est l’extrait le mieux documenté du point de vue des résultats. Cette étude peut donc supporter une comparaison avec d’autres extraits. Il reste curieux de constater que durant de telles études les doses puissent être augmentées en cours d’investigation (de 500 mg à 1 500 mg pour le millepertuis et de 50 mg à 100 mg pour la sertraline). Il n’est pas étonnant que le millepertuis ne soit pas efficace en cas de dépression majeure1, 2. Plus étonnante par contre est l’absence d’efficacité de la sertraline sur l’évolution de la dépression majeure. Les auteurs, par leur approche, insistent sur l’importance de la comparaison avec un placebo : sans groupe placebo, le millepertuis apparaîtrait aussi efficace que la sertraline dans cette étude ! Rappelons ici les études qui ne montrent aucune différence entre antidépresseurs et placebo1.
En complément, soulignons l’existence d’une différence significative dans les effets indésirables. Que la sertraline provoque plus de diarrhée, d’anorgasmie, de sudations n’est pas étonnant. Le millepertuis provoque également significativement plus d’anorgasmie mais également des rétentions urinaires et d’œdèmes. La vente libre de ce produit est, devant cette constatation, à remettre en question.
Cette étude montre bien que, non seulement le millepertuis n’est pas efficace pour la dépression majeure, mais qu’il présente également pas mal d’effets indésirables. Dans la dépression mineure, il semble efficace1, 3, 4 mais sa place dans le formulaire pharmaceutique du praticien n’est pas encore bien établie. D’autres études doivent être réalisées pour déterminer les doses exactes des extraits. Nous manquons d’une vision globale sur tous les effets indésirables, parfois sévères, sur sa sécurité en cas d’association avec l’alcool ou de conduite d’un véhicule, sur son utilisation pendant la grossesse et l’allaitement. En sus, de plus en plus d’interactions sont décrites, entre autres avec la ciclosporine et la warfarine 5. La conclusion du Nederlands Tijdschrift voor Geneeskunde est sans équivoque : « une conclusion bien fondée est que l’usage d’associations de plantes en vente libre n’est pas sans danger. En utilisation combinée avec d’autres moyens thérapeutiques métabolisés par les cytochromes (CYP3A4) et la glycoprotéine P, il y a un risque d’inefficacité thérapeutique de ces médicaments. L’arrêt de consommation de millepertuis après une utilisation prolongée peut entraîner une augmentation des taux sériques de médicaments simultanément employés, avec un risque connexe d’apparition d’effets indésirables »6. Le Répertoire Commenté des Médicaments lance un avertissement semblable 7. Dans cette Revue, nous plaidons pour une révision par le pouvoir de son attitude. Les arguments s’accumulent pour assimiler le millepertuis aux médicaments à part entière et à le réserver à une utilisation sur prescription 1, 4.
Conclusion
Cette étude confirme la non-efficacité du millepertuis dans la dépression majeure. Son utilisation dans la dépression mineure n’est pas encore bien établie parce que le titrage exact des extraits n’est pas connu et que ses effets indésirables, parfois graves, ses interactions, son utilisation chez des personnes à risques sont trop mal connus. Pour toutes ces raisons, il est plus que temps que toutes les formes de millepertuis soient enregistrées comme médicaments et uniquement délivrées sur prescription.
Conflits d’intérêt/financement
Deze studie werd gefinancierd door het ‘National Center for Complementary and Alternative Medicine’ en het ‘National Institute of Mental Health to Duke University Medical Center’ (V.S.). De studiemedicatie werd geleverd door de firma’s Lichwer Pharma en Pfizer. De auteurs van de studiegroep hebben financiële banden met verschillende farmaceutische bedrijven.
Références
- Geddes J, Butler R. Depressive disorders. Clin Evid 2002;7:867-82.
- Shelton R, Keller M, Gelenberg A, et al. Effectiveness of St. John’s Wort in major depression. JAMA 2001;285:1978-86.
- Philipp M, Kohner R, Hiller KO. Hypericum extract versus imipramine or placebo in patients with moderate depression: randomised multicentre study of treatment for eight weeks. BMJ 1999;319:1534-9.
- Stuer H. Sint-janskruid voor depressie: een veiliger alternatief? Huisarts Nu (Minerva) 2000;29:149-52.
- Interactions entre médicaments et millepertuis. Rev Prescr 2000;20:281.
- Baede-Van Dijk PA, Van Galen E, Lekkerkerker JFF. Combinaties van hypericum perforatum (sint-janskruid) met andere geneesmiddelen risicovol. Ned Tijdschr Geneeskd 2000;144:811-2.
- Bogaert M, Maloteaux JM. Gecommentarieerd Geneesmiddelenrepertorium. BCFI, 2001.
Auteurs
De Meyere M.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :
Mots-clés
antidépresseur, dépression, Hypericum perforatum, millepertuis, phytothérapie, placebo, sertralineGlossaire
double aveugleCode
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