Revue d'Evidence-Based Medicine
Dysfonctionnement sexuel après résection prostatique transurétrale (TURP)
Minerva 2002 Volume 1 Numéro 9 Page 30 - 31
Professions de santé
Minerva « en bref » vous propose de brefs commentaires sur des publications sélectionnées par le comité de rédaction de Minerva. Des études intéressantes et pertinentes pour les médecins généralistes qui ne doivent pas ou ne peuvent pas être discutées dans un cadre plus large trouvent leur place dans cette rubrique. Chaque sélection est brièvement résumée et accompagnée de quelques commentaires faits par un référent. La rédaction de Minerva vous en souhaite une agréable lecture.
Résumé
Cette étude aborde le dysfonctionnement sexuel après résection transurétrale de la prostate (TURP) ou une technique invasive minimale, la vaporisation visuelle au laser de la prostate. De ces nouvelles techniques dites invasives à minimum pour le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP), il est à nouveau avancé que, si elles ne sont pas plus efficaces, elles engendreraient moins d’effets secondaires. Au cours d’une étude multicentrique et prospective, 320 hommes entre 48 et 90 ans, présentant des troubles urinaires légers (International Prostate Symptom Score IPSS ≥8) ont été répartis aléatoirement en 3 groupes : TURP, vaporisation au laser ou traitement conservatoire (en fait, des conseils généraux et des exercices vésicaux). Dans chaque groupe, 100 patients ont été inclus et ont été suivis en moyenne 7,5 mois, à l’aide d’un questionnaire relatif à leur vie sexuelle. La TURP, toujours le gold standard dans le traitement de l’HBP, sortait du lot. Chez 15 % des patients, le dysfonctionnement de l’érection a été rétabli et seulement 4 nouveaux cas de dysfonctionnement ont été observés après la TURP.
La douleur et les difficultés d’éjaculation ont également disparu après la TURP dans 19% des cas. Comparé à la TURP, moins de patients voient leurs difficultés/douleurs lors de l’éjaculation diminuer de manière significative avec le traitement au laser, alors que le nombre de patients qui deviennent impuissants après l’intervention n’est pas significativement plus grand. Avec des thérapies conservatoires, il n’y a pas d’amélioration des troubles de l’érection ni de l’éjaculation. Comme prévu, des éjaculations rétrogrades apparaissent après la TURP et le traitement au laser. Cependant, ce fait n’est pas évoqué en tant que problème par le patient.
Dans leur conclusion, les auteurs signalent que dans la comparaison TURP versus vaporisation au laser, une des techniques invasives minimales, la TURP obtient de meilleurs résultats sur le plan des fonctions sexuelles.
Tableau : prévalence exprimée en % de dysfonctionnements sexuels avant et après intervention dans les trois groupes |
|
Résection transurétrale |
Vaporisation au laser |
Thérapie conservatoire |
||||||
|
Avant |
après |
dif. |
Avant |
après |
dif. |
Avant |
après |
dif. |
Dysfonction érectile |
70 |
55 |
-15* |
71 |
66 |
-5 |
67 |
72 |
+5 |
Dysfonction éjaculatoire |
70 |
83 |
+13* |
76 |
86 |
+10* |
64 |
73 |
+9* |
Douleur/inconfort à l’éjaculation |
17 |
2 |
-15* |
18 |
20 |
+2 |
+19 |
27 |
+8 |
Vie sexuelle perturbée à cause des symptômes |
43 |
46 |
+3* |
33 |
44 |
+1 |
42 |
51 |
+9 |
* La différence en prévalence de dysfonction sexuelle avant et après l’intervention est significative. |
Discussion
Des troubles ou des douleurs lors de l’érection, ainsi qu’un inconfort à l’éjaculation surviennent fréquemment dans le groupe des patients pour lesquels un traitement chirurgical de l’HBP est indiqué. Chez un certain nombre de patients, la fonction sexuelle est améliorée de manière probante après intervention chirurgicale, finalement parce qu’ils ne connaissent plus de problème de miction nocturne et qu’ils passent à nouveau des nuits reposantes. Ce fait a déjà été mesuré et décrit dans des recherches antérieures 1. La mauvaise réputation de la TURP est principalement basée sur d’anciens résultats, pour lesquels les indications, les techniques opératoires et les soins post-opératoires divergent de la réalité actuelle.
Des cas d’impuissance sont également observés après TURP. On peut se poser la question de savoir si ceci est corrélé à la technique elle-même ou lié au fait que l’on opère une population souffrant de dysfonctions érectiles fréquentes. Il y a quelques dizaines d’années, il a été établi que la dysfonction érectile survenait aussi bien chez des hommes opérés de l’estomac que chez ceux opérés de la prostate. Ceci suggère fortement une origine plus générale que locale.
Les nouvelles techniques dites invasives à minimum pour le traitement de la HBP sont conformes aux attentes. Les avis enthousiastes initiaux étaient influencés par des intérêts commerciaux. En effet, il s’agit toujours d’appareillages fort onéreux. Mais ces traitements n’ont jamais égalé l’efficacité de la TURP. Les effets secondaires n’étaient pas significativement inférieurs, excepté pour les pertes de sang pré et post-opératoires 2,3.
L’article analysé concerne la fonction sexuelle, mais des publications récentes illustrent clairement le fait que l’incontinence urinaire associée à la TURP est beaucoup moins fréquente. La thérapie conservatoire donne en effet autant d’incontinence que la TURP. Les raisons en sont des dysfonctionnements vésicaux qui se développent parallèlement à l’hypertrophie bénigne de la prostate 4.
Conclusion
Message fondamental pour le médecin généraliste: la crainte que la TURP, dans le traitement d’une hypertrophie prostatique bénigne n’engendre des dysfonctions érectiles n’est pas fondée. Au contraire, un grand nombre de patients pourront recouvrer cette fonction grâce à une amélioration de leur qualité de vie. Le patient devra être bien informé qu’une éjaculation rétrograde survient couramment après une telle intervention. Des techniques invasives minimales ne donnent pas de meilleurs résultats dans ce domaine.
Conflits d’intérêt/financement
Cette recherche a été financièrement soutenue par une section régionale du « NHS Research and Development Directorates ». Un des auteurs a reçu des indemnités de Sanofi-Synthelabo pour sa participation à un symposium.
Références
- Emberton M, Neal DE, Black N, et al. The effect of prostatectomy on symptom severity and quality of life. Br J Urol 1996;77:233-47.
- Wheelahan J, Scott NA, Cartmill R, et al. Minimally invasive laser techniques for prostatectomy : a systematic review. BJU Int 2000;86:805-15.
- Wheelahan J, Scott NA, Cartmill R, et al. Minimally invasive non-laser thermal techniques for prostatectomy : a systematic review. NJU Int 2000;86:977-88.
- Flanigan RC, Reda DC, Wasson JH, et al. Five year outcome of surgical resection and watchful waiting for men with moderately symptomatic benign prostatic hyperplasia : a Department of Veterans’ Affairs cooperative study. J Urol 1998;160:12-7.
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