Analyse
Les lactobacilles en prévention des infections récidivantes des voies urinaires ?
28 04 2013
Professions de santé
Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone
Plusieurs options thérapeutiques existent pour les femmes présentant des infections récidivantes des voies urinaires. En commentant les résultats de la méta-analyse de Jepson (Cochrane 2008), nous avons conclu que les préparations à base de canneberge réduisaient probablement le nombre d’infections des voies urinaires récidivantes chez les femmes (1). Nous avons également commenté les résultats d’une étude contrôlée randomisée de non infériorité qui montrait que le jus de canneberge est moins efficace qu’une association de triméthoprime et de sulfaméthoxazole (TMP-SMX) pour la prévention des infections récidivantes des voies urinaires chez les femmes non ménopausées. Cependant, un tel traitement prophylactique peut entraîner des résistances bactériennes non seulement pour les germes pathologiques responsables des infections mais aussi au niveau de la flore commensale de l’intestin (2).
Une étude d’observation a montré que la flore vaginale des femmes ménopausées contenait moins de lactobacilles que celle des femmes non ménopausées et que, par ailleurs, le degré de colonisation par E. coli était inversement proportionnel à la présence de lactobacilles dans la flore vaginale (3). Une étude clinique randomisée contrôlée versus placebo chez 64 femmes (âge moyen de 35 ans) présentant une vaginose bactérienne asymptomatique a montré que la prise de lactobacilles par voie orale restaurait la flore vaginale et diminuait la colonisation par des germes pathogènes (4).
La question de l’intérêt de lactobacilles en traitement prophylactique chez les femmes ménopausées présentant des infections récidivantes des voies urinaires était donc posée.
Une étude randomisée en double aveugle, de non infériorité, a comparé une préparation de Lactobacillus rhamnosus GR-1 et de Lactobacillus reuteri RC-14 (109 unités formant colonies (CFU) par jour) à un traitement prophylactique par l’association de triméthoprime et de sulfaméthoxazole (480 mg par jour) chez 252 femmes ménopausées ayant fait au moins trois infections des voies urinaires au cours de l’année précédant le début de l’étude, aux Pays-Bas (5). Après 12 mois, aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes quant à la diminution du nombre d’infections symptomatiques des voies urinaires (dysurie, fréquence, urgence) (critère de jugement primaire). L’analyse en intention de traiter a montré une diminution du nombre d’épisodes par an, passant en moyenne de 7 (ET 4,9) à 2,9 (IC à 95% de 2,3 à 3,6) dans le groupe traité par TMP-SMX et de 6,8 (ET 3,4) à 3,3 (IC à 95% de 2,7 à 4,0) dans le groupe prenant les lactobacilles. Cette différence absolue de 0,4 épisode par an (IC à 95% de -0,4 à 1,5), soit une diminution relative du risque de 13,8% (IC à 95% de -13,8% à 51,7% ; p=0,42), dépasse toutefois le seuil des bornes de non-infériorité préalablement déterminées, qui étaient de 10%. Les résultats de cette étude montrent qu’une non infériorité entre le traitement par l’association TMP-SMX et le traitement par lactobacilles n’est pas observée. Par contre, la résistance à l’association TMP-SMX, au triméthoprime et à l’amoxicilline de l’E. Coli dans les urines et dans les selles a fortement augmenté dans le groupe sous TMP-SMX (passant de 20-40% à 80-95% en un mois de traitement prophylactique) par comparaison avec le groupe prenant les lactobacilles. Le nombre de patientes présentant une infection des voies urinaires compliquée était significativement moins important après 12 mois dans le groupe prenant les lactobacilles versus TMP-SMX (3,4 avec IC à 95% de 2,6 à 4,5) versus 4,4 avec IC à 95% de 3,4 à 5,7) et p<0,001). Enfin, la flore vaginale ne s’est pas modifiée dans le groupe lactobacilles. Ce dernier critère de jugement remet donc en question l’hypothèse de travail relative à la physiopathologie selon laquelle les lactobacilles protègeraient contre la colonisation par des pathogènes et, par extension, contre les infections des voies urinaires.
Conclusion de Minerva
Cette étude randomisée, en double aveugle, de non infériorité, montre que pour la prévention des infections récidivantes des voies urinaires chez les femmes ménopausées, une non infériorité entre le traitement par l’association TMP-SMX et le traitement par deux souches de lactobacilles, qui ne sont pas enregistrées en Belgique, n’est pas observée. Elle montre également que le nombre d’infections compliquées et que la résistance aux différents antibiotiques étaient nettement plus élevés dans le groupe sous antibiotique.
Références
- Laekeman G. Canneberges et prévention des infections urinaires. MinervaF 2009;8(2):22.
- Heytens S, Christiaens T. Jus de canneberges en prévention des infections urinaires récidivantes ? MinervaF 2012;11(1):10-11.
- Pabich WL, Fihn SD, Stamm WE, et al. Prevalence and determinants of vaginal flora alterations in postmenopausal women. J Infect Dis 2003;188:1054-8.
- Reid G, Charbonneau D, Erb J, et al. Oral use of Lactobacillus rhamnosus GR-1 and L. fermentum RC-14 significantly alters vaginal flora: randomized, placebo-controlled trial in 64 healthy women. FEMS Immunol Med Microbiol 2003;35:131-4.
- Beerepoot MA, ter Riet G, Nys S, et al. Lactobacilli vs Antibiotics to Prevent Urinary Tract Infections. Arch Intern Med 2012;172:704-12.
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