Analyse


Prostatectomie radicale ou temporisation en cas de cancer de la prostate localisé dépisté par dosage du PSA


28 04 2013

Professions de santé

Analyse de
Wilt TJ, Brawer MK, Jones KM, et al.; Prostate Cancer Intervention versus Observation Trial (PIVOT) Study Group. Radical prostatectomy versus observation for localized prostate cancer. N Engl J Med 2012;367:203-13.


Conclusion
Cette étude montre qu’en cas de cancer de la prostate localisé à faible risque, la prostatectomie ne conduit pas à une diminution de la mortalité totale et de la mortalité liée au cancer de la prostate. Une surveillance active en cas de cancer de la prostate localisé à faible risque est donc une option acceptable permettant d’éviter les complications peropératoires et postopératoires de la prostatectomie.



Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone

 

Il existe plusieurs options thérapeutiques en cas de cancer de la prostate localisé (T1-2NxM0) : prostatectomie radicale, radiothérapie, surveillance active (traitement en cas de progression de la maladie) et « watchful waiting » ou temporisation (traitement en cas d’apparition de symptômes). Dans une analyse que nous avons récemment publiée, nous sommes arrivés à la conclusion que la définition des concepts de surveillance active et de temporisation prêtait souvent à confusion (1).

En cas de cancer modérément à bien différencié diagnostiqué à partir de symptômes cliniques chez les hommes de moins de 65 ans, l’étude randomisée SPCG-4 a montré qu’à long terme (15 ans), le choix d’une temporisation, versus prostatectomie, entrainait une augmentation de la mortalité liée au cancer de la prostate ainsi que de la mortalité totale (2,3). Étant donné que plus de la moitié des tumeurs dépistées par dosage du PSA sont à risque faible, on peut donc se demander quel est l’avantage de la prostatectomie dans ces cas.

Entre 1994 et 2002, l’étude PIVOT (Prostate Cancer Intervention versus Observation Trial) (4), multicentrique, a inclus 731 Américains âgés de moins de 75 ans (âge moyen de 67 ans) qui présentaient un cancer de la prostate localisé dépisté par dosage du PSA et dont l’espérance de vie était d’au moins dix ans. Le taux de PSA médian était de 7,8 ng/ml et il n’y avait pas de tumeur palpable chez 50% des participants. 52% avaient un score de Gleason <7, et 34% se situaient dans la catégorie à risque faible (PSA ≤10 ng/ml, score de Gleason <7, stade <T2bNxM0). Les participants ont été randomisés en deux groupes : un groupe temporisation et un groupe prostatectomie radicale immédiate. Un biais de sélection n’est pas exclu car seulement 15% des 5 000 candidats potentiels ont pris part à l’étude. Les problèmes de recrutement s’expliquent peut-être par un stress psychologique à l’idée de différer un traitement potentiellement curatif une fois posé le diagnostic histologique de tumeur. Il y a eu 10 à 20% de permutation entre les deux groupes, ce qui pourrait conduire à une sous-estimation du résultat dans l’analyse en intention de traiter.

Après un suivi médian de dix ans, il n’y avait globalement aucune différence significative entre les deux groupes tant pour la mortalité liée au cancer de la prostate que pour la mortalité globale. Ni l’âge ni le score de Gleason n’ont eu d’influence sur les résultats. En cas de PSA >10 ng/ml, la mortalité globale et la mortalité liée au cancer sont significativement plus faibles après prostatectomie. Ce résultat s’est traduit par une mortalité significativement plus faible dans le groupe à risque intermédiaire et par une mortalité liée au cancer significativement plus faible dans le groupe à risque élevé. Une augmentation non significative de la mortalité a été observée dans le groupe à faible risque. Des métastases osseuses ont été observées chez 4,7% des patients après prostatectomie contre 10,6% après temporisation (p<0,001), mais cet avantage ne se retrouve pas dans le groupe à faible risque. La prostatectomie était associée à significativement plus de troubles de l’érection (81% contre 44%) et d’incontinence (17% contre 6%) après 2 ans.

Cette étude montre donc qu’une prostatectomie radicale immédiate n’est pas indiquée en cas de tumeur à faible risque. Ces résultats confirment les conclusions de discussions déjà publiées par Minerva sur ce sujet (5,6). En cas de tumeur à faible risque, il est donc justifié de proposer une surveillance active (contrôles réguliers du taux de PSA et biopsies régulières, avec traitement en cas d’augmentation importante du taux de PSA ou en cas de score de Gleason ≥7). La surveillance active a pour but d’éviter ou de différer un traitement actif sans laisser passer l’occasion d’effectuer un traitement potentiellement curatif. Il est certainement nécessaire de mener d’autres études sur l’effet de la surveillance active par comparaison avec la prostatectomie.

 

Conclusion de Minerva

Cette étude montre qu’en cas de cancer de la prostate localisé à faible risque, la prostatectomie ne conduit pas à une diminution de la mortalité totale et de la mortalité liée au cancer de la prostate. Une surveillance active en cas de cancer de la prostate localisé à faible risque est donc une option acceptable permettant d’éviter les complications peropératoires et postopératoires de la prostatectomie.

 

Références

  1. Leunckens I. Quelle est la place d’une surveillance active d’un cancer localisé de la prostate ? MinervaF 2012;11(9):114-5.
  2. Chevalier P. Prostatectomie radicale versus temporisation (traitement conservateur). Minerva online 28/1/2012.
  3. Bill-Axelson A, Holmberg L, Ruutu M, et al; SPCG-4 Investigators. Radical prostatectomy versus watchful waiting in early prostate cancer. N Engl J Med 2011;364:1708-17.
  4. Wilt TJ, Brawer MK, Jones KM, et al.; Prostate Cancer Intervention versus Observation Trial (PIVOT) Study Group. Radical prostatectomy versus observation for localized prostate cancer. N Engl J Med 2012;367:203-13.
  5. Van Poppel H. De behandeling van prostaatkanker. Minerva 1999;28(5):208-11.
  6. Chevalier P. Traitement conservateur versus traitement immédiat du cancer de la prostate. Minerva online 28/1/2011.
Prostatectomie radicale ou temporisation en cas de cancer de la prostate localisé dépisté par dosage du PSA

Auteurs

Claessens F.
Laboratorium voor Moleculaire Endocrinologie, KU Leuven
COI :

Joniau S.
Dienst Urologie, UZ Leuven
COI :

Laurent M.
Laboratorium voor Moleculaire Endocrinologie, KU Leuven; Dienst Inwendige Geneeskunde, UZ Leuven
COI :

Van Poppel H.
Leuvens Kankerinstituut; Dienst Urologie, UZ Leuven
COI :

Glossaire

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