Analyse
Programmation des soins en fonction de l’évolution pour les patients hospitalisés : la grande inconnue
15 12 2013
Professions de santé
Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone
Une programmation des soins en fonction de l’évolution s’est précédemment révélée plutôt décevante à l’hôpital en termes de résultats cliniques et de qualité des soins, principalement en raison d’un manque de communication et de problèmes dans la mise en œuvre pratique du plan de soins (1). Une analyse parue dans la revue Minerva en 2008 faisait le constat qu’il n’y avait pas beaucoup de preuves en faveur d’une programmation des soins en fonction de l’évolution, en cas de douleur, de dyspnée et de dépression (2). Cependant, des éléments indiquant un effet positif de la programmation des soins en fonction de l’évolution sur la qualité de vie du patient en phase terminale se sont multipliés au cours des dernières années (3,4).
Une récente étude (5) menée dans des hôpitaux au Canada a évalué dans quelle mesure les souhaits des patients et de leur famille étaient connus des prestataires de soins et quelle influence ils avaient sur la qualité de vie des patients. Au moyen d’un questionnaire, les patients en phase terminale ou pré-terminale (n = 278) et les membres de leur famille (n = 225) ont été interrogés dans le cadre d’un entretien direct (en face-à-face). La présence d’éventuelles instructions dans le dossier a également été évaluée. Cette étude montre que la plupart des patients et des membres de leurs familles (respectivement 76 % et 82 %) avaient déjà réfléchi, avant l’hospitalisation, aux soins ultérieurs La plupart d’entre eux (88 %) avaient communiqué ces souhaits à quelqu’un, mais ils étaient peu nombreux à en avoir parlé avec leur médecin de famille (30 % des patients et 23 % des membres des familles) ou avec le spécialiste concerné (respectivement 17 % et 18 %). Environ la moitié avait un plan de soins sur papier, mais, lors de l’admission dans un établissement, seuls 25 % des patients et 32 % des membres des familles avaient été interrogés sur l’existence d’un tel document. Chez environ 30 % des patients, aucune instruction (comme un ordre de ne pas réanimer - NPR) n’était mentionnée dans le dossier d’hospitalisation ; chez d’autres, un écart important entre les instructions et les souhaits réels était constaté. L’écart le plus important concernait le souhait de limiter les soins aux soins de confort. Ce souhait n’était documenté que pour 5 % des patients et 17 % des membres de leurs familles. Les résultats de cette étude suggèrent donc que, d’une part, les patients et leur famille communiquent trop peu leurs souhaits aux prestataires de soins et que, d’autre part, ces souhaits ne sont pas suffisamment colligés. Seul un petit pourcentage de patients (12 %) et des membres des familles (15 %) accordaient la préférence à des traitements prolongeant la vie. A ce jour, nous ignorons dans quelle mesure il est possible d’extrapoler ces résultats à la situation belge. Des études signalent qu’en Flandre également, la programmation des soins en fonction de l’évolution est peu pratiquée (10 à 20 % dans une population de maison de repos pour personnes atteintes de démence), mais cette carence est un tant soit peu compensée par une stratégie orientée des médecins généralistes (6-9).
Relativement peu d’études sérieuses ont précédemment évalué la programmation des soins en fonction de l’évolution chez les patients hospitalisés. L’étude randomisée contrôlée de Karen Detering en 2010 a marqué une étape décisive dans ce domaine (4). Cette étude montre que les patients pour lesquels une programmation des soins en fonction de l’évolution a été élaborée jouissent d’une meilleure qualité de vie. Les chercheurs dans ce domaine sont nombreux à considérer cette publication comme une référence. Il est donc intéressant de constater que les résultats de la présente étude correspondent à ceux que Detering a observés. En effet, dans le groupe témoin de son étude, les prestataires de soins ne connaissaient les souhaits des patients que dans 30 % des cas. Ce chiffre était de 86 % dans le groupe où les patients avaient fait l’objet d’une une programmation des soins en fonction de l’évolution, ce qui montre bien son importance.
Conclusion
Cette étude montre que même si les patients ont exprimé leurs souhaits concernant leur fin de vie, il n'en est pas tenu compte lors d'une hospitalisation urgente, principalement en raison de l'absence de documents. Les médecins généralistes ont un rôle important à jouer dans le respect des souhaits des patients. Pour remplir ce rôle, le médecin de famille peut demander à connaître les souhaits, les inquiétudes et les idées du patient concernant la fin de vie, les consigner dans un document clair, de préférence standardisé, et les communiquer aux autres prestataires de soins en cas de transfert ou d’admission dans un établissement. Les instances publiques, elles aussi, peuvent exercer un rôle en informant la population de l’existence et de l’importance de la planification anticipée des soins.
Références
- Collins LG, Parks SM, Winter L. The state of advance care planning: one decade after SUPPORT. Am J Hosp Palliat Care 2006;23:378-83.
- Tulsky JA. Beyond advance directives: importance of communication skills at the end of life. JAMA 2005;294:359-65.
- Sturtewagen JP, Chevalier P. Soins palliatifs en fin de vie : des preuves ? MinervaF 2008;7(10):148-51.
- Raes A, Bogaert H, De Lepeleire J. Implementatie van vroegtijdige zorgplanning in woon- en zorgcentra. Eerste ervaringen met het Brugse model. Huisarts Nu 2010;39:280-5.
- Detering KM, Hancock AD, Reade MC, Silvester W. The impact of advance care planning on end of life care in elderly patients: randomised controlled trial. BMJ 2010:340:c1345.
- Heyland DK, Barwich D, Pichora D, et al; ACCEPT (Advance Care Planning Evaluation in Elderly Patients) Study Team; Canadian Researchers at the End of Life Network (CARENET). Failure to engage hospitalized elderly patients and their families in advance care planning. JAMA Intern Med 2013;173:778-87.
- Vandervoort A, Houttekier D, Van den Block L, et al. Advance care planning and physician orders in nursing home residents with dementia: a nationwide retrospective study among professional caregivers and relatives. J Pain Symptom Manage 2013;pii:S0885-3924(13)00237-6.
- Vandervoort A, van den Block L, van der Steen JT, et al. Advance directives and physicians' orders in nursing home residents with dementia in Flanders, Belgium: prevalence and associated outcomes. Int Psychogeriatr 2012;24:1133-43.
- Meeussen K, Van den Block L, Echteld M, et al. Advance care planning in Belgium and The Netherlands: a nationwide retrospective study via sentinel networks of general practitioners. J Pain Symptom Manage 2011;42:565-77.
Auteurs
Van De Vijver E.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde, Vrije Universiteit Brussel
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