Analyse
Asthme et exacerbations sévères : fluticasone ou fluticasone + vilantérol ?
15 06 2015
Professions de santé
La sécurité des bêta2-mimétiques à longue durée d’action (LABA), famille dont le vilantérol fait partie, a déjà été mise en doute dans une méta-analyse publiée en 2009 (1) et discutée dans Minerva (2) qui montrait un nombre faible d’évènements graves (exacerbations sévères, décès). Une méta-analyse publiée en 2007 précisait déjà que le risque semblait plus présent chez les asthmatiques ne prenant pas leurs corticostéroïdes inhalés (CSI) (3). Une troisième méta-analyse de la Cochrane Collaboration publiée en 2010 n’avait pas mis en évidence une augmentation des effets indésirables graves induits par l’association LABA-CSI (4). En 2013 cependant, une synthèse méthodique (5) restait prudente et ne concluait pas à l’absence de risque lors de l’utilisation de l’association LABA-CSI par rapport aux CSI seuls. En effet, 6 décès observés sous formotérol l’étaient chez des patients utilisant des CSI.
L’étude de Bateman (6) reprend ce débat incomplètement résolu sur la balance risques bénéfices de l’association LABA – CSI versus CSI seul dans l’asthme. 2019 patients âgés de plus de 12 ans et ayant présenté au moins une exacerbation sévère durant l’année précédant leur inclusion (définis par une prise de corticostéroïdes oraux (CO) pendant plus de 3 jours, admission aux urgences ou hospitalisé), ont été randomisés. La puissance de l’étude a été calculée pour se terminer après 330 évènements (première exacerbation sévère sous traitement) afin d’avoir une puissance statistique de 90% pour détecter une réduction de 30% du risque de présenter une exacerbation sévère (HR = 0,7) avec une erreur α de 5%. Le critère de jugement clinique primaire était la survenue de la première exacerbation d’asthme sévère parmi les sujets sous FF 100 μg versus FF/VI 100/25 μg administrés le soir en une prise par jour. La durée de suivi a été de 24 à 78 semaines. Des critères secondaires ont également été étudiés (valeurs du VEMS de fin de dose). Les analyses ont été réalisées en intention de traiter et par protocole.
La probabilité ajustée de développer une exacerbation sévère à 52 semaines a été de 15,9% dans le bras FF versus 12,8% dans le bras FF/VI (HR de 0,795 avec IC à 95% de 0,642 à 0,985) ; p = 0,036. Il faut signaler que le nombre de patients avec au moins une exacerbation sous traitement n’est pas statistiquement différent (154/1 009 dans le bras FF/VI et 186/1 010 sous FF seul, p = 0,0651). Le VEMS de fin de dose présentait une augmentation moyenne ajustée de 83 - 95 mL (p < 0,001) dans le bras FF/VI versus FF seul. Ceci est cependant sous le seuil de signification clinique accepté (100 – 140 mL).
Les points suivants sont à relever : nous n’avons pas la certitude, malgré la randomisation, que les doses moyennes de CSI prises par les patients avant l’entrée dans l’étude étaient similaires entre les 2 groupes. Certains participants ont reçu une majoration de leur dose de CSI après la randomisation, alors que d’autres ont reçu une dose similaire. Ceci pourrait avoir entrainé un biais dont le sens n’est pas détectable sans les données individuelles. Nous n’avons pas retrouvé d’article comparant l’association FF/VI avec une autre association ou avec un autre type de CSI seul pour des effecteurs cliniques pertinents.
La stratégie mise en place signe probablement la nécessité pour la firme de remplacer la perte du brevet de l’association salmétérol/fluticasone au sein d’un marché concurrentiel et rémunérateur.
Conclusion
L’utilisation en une prise par 24 heures de l’association furoate de fluticasone/vilantérol réduit légèrement la probabilité d’une exacerbation sévère à 52 semaines par rapport au furoate de fluticasone seul. Cependant, les données actuelles indiquent un surcroît d’effets indésirables avec la fluticasone par rapport à d’autres CSI (7). De plus, le vilantérol étant une nouvelle molécule sur le marché, il vaut mieux utiliser des LABA plus éprouvés et mieux connus.
- Ni Chroinin M, Greenstone I, Lasserson TJ, Ducharme FM. Addition of inhaled long-acting beta2-agonists to inhaled steroids as first line therapy for persistent asthma in steroid-naïve adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 4.
- Chevalier P. Asthme persistant: ajout d’un LABA aux CSI en traitement initial ? MinervaF 2010;9(4):44-5.
- Walters EH, Gibson PG, Lasserson TJ, Walters JA. Long acting beta2-agonists for chronic asthma in adults and children where background therapy contains varied or no inhaled corticosteroid. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 1.
- Ducharme FM, Ni Chroinin M, Greenstone I, Lasserson TJ. Addition of long-acting beta2-agonists to inhaled corticosteroids versus same dose inhaled corticosteroids for chronic asthma in adults and children. Cochrane Database Syst Rev 2010; Issue 5.
- Cates CJ, Jaeschke R, Schmidt S, Ferrer M, et al. Regular treatment with formoterol and inhaled steroids for chronic asthma: serious adverse events. Cochrane Database Syst Rev 2013, Issue 6.
- Bateman ED, O’Byrne WW, Busse WW, et al. Once-daily fluticasone furoate (FF)/vilanterol reduces risk of severe exacerbations in asthma versus FF alone. Thorax 2014;69:312-9.
- Comparer pour décider. L’asthme persistant. Rev Presc 2013; 33:331.
Nom de marque
fluticasone furoate + vilantérol (trifénatate) : Relvar®
Auteurs
Van Meerhaeghe A.
Service de Pneumologie et GERHPAC, Hôpital Vésale, CHU-Charleroi ; Laboratoire de Médecine Factuelle, ULB
COI :
Mots-clés
asthme, corticostéroïde inhalé, CSI, exacerbation, fluticasone, vilantérol, volume expiratoire forcéGlossaire
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