En 2007, nous avons analysé dans la revue Minerva (1) une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration réalisée par Jefferson et coll. évaluant le bénéfice et le risque des inhibiteurs de la neuraminidase en cas d’influenza chez des adultes par ailleurs sains. L’oseltamivir et le zanamivir semblaient avoir une efficacité limitée sur la sévérité et la durée des symptômes (en moyenne un jour de moins) s’ils étaient initiés rapidement, c’est-à-dire dans les 48 heures de début des symptômes. Nous concluions qu’il n’était pas utile d’utiliser à grande échelle les inhibiteurs de la neuraminidase (à titre prophylactique et thérapeutique) durant une grippe saisonnière, au vu du risque de surtraitement, du coût élevé et des effets indésirables potentiels. Aucune conclusion n’était possible quant à leur intérêt dans des populations à haut risque ni en cas de pandémie. Les vaccinations et mesures d’hygiène restent les principales mesures de prévention.

Une mise à jour de cette synthèse par les mêmes auteurs (2) ne trouve aucune nouvelle RCT mais élimine par contre une méta-analyse financée par la firme Roche (3) qui montrait un effet favorable de l’oseltamivir en termes de complications et de recours à des antibiotiques. Cette méta-analyse éliminée comportait d’importants problèmes méthodologiques : sur les dix études incluses, seules deux étaient publiées et soumises donc à une revue par les pairs. La population incluse était constituée d’un mélange d’adultes et de personnes âgées, de personnes saines et de patients à haut risque. Les chercheurs de la Cochrane n’ont pas pu obtenir les données originales des études non publiées de la firme Roche. Leur conclusion actuelle est donc réservée quant à l’efficacité des inhibiteurs de la neuraminidase en termes de prévention des complications de l’influenza : « en prenant en considération les études publiées, les preuves sont insuffisantes quant à une efficacité des inhibiteurs de la neuraminidase en termes de complications (pneumonie, bronchite, otite moyenne et sinusite), recours à des antibiotiques et hospitalisations ».

Cette synthèse Cochrane cible aussi les effets indésirables. Les études évaluant le zanamivir ne mentionnent pas d’effets indésirables. Pour l’oseltamivir, ce sont principalement des nausées et des effets indésirables neuropsychiatriques qui sont décrits (également signalés par d’autres sources, par exemple (4)). Le suivi et l’enregistrement des effets indésirables durant les études et ensuite (pharmacovigilance) a laissé à désirer. La Revue Prescrire a ainsi montré que de nouveaux effets indésirables observés entre avril 2005 et septembre 2006 après utilisation de l’oseltamivir, tels que troubles du rythme et diplopie, ont été connus de l’Agence européenne du Médicament, mais que ces informations n’ont pas été rendues publiques (5).

Conclusion

En cas d’influenza chez des adultes sains, les inhibiteurs de la neuraminidase (oseltamivir et zanamivir) ont une efficacité limitée sur la sévérité et la durée des symptômes (un jour en moins) s’ils sont initiés dans les 48 heures de début des symptômes, sans preuve d’une prévention des complications, avec des effets indésirables possibles pour l’oseltamivir.

Il n’est pas utile de les utiliser à grande échelle (prophylactique et thérapeutique) en cas de grippe saisonnière.

Références

1. Michiels B. Médicaments contre l’influenza chez les adultes en bonne santé. MinervaF 2007;6(2):18-20.
2. Jefferson T, Jones M, Doshi P, Del Mar C. Neuraminidase inhibitors for preventing and treating influenza in healthy adults: systematic review and meta-analysis. BMJ 2009;339:b5106.
3. Kaiser L, Wat C, Mills T, et al. Impact of oseltamivir treatment on influenza-related lower respiratory tract complications and hospitalizations. Arch Intern Med 2003;163:1667-72.
4. Oseltamivir: gare aux effets neuropsychiques chez les jeunes. Rev Prescr 2010;30:23.
5. Oseltamivir: troubles visuels et cardiaques. Rev Prescr 2009;29:107.