Analyse
Les contraceptifs estroprogestatifs efficaces en cas d’obésité ?
15 06 2014
Professions de santé
Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone
Nous avons déjà abordé l’efficacité de la contraception orale dans la revue Minerva à propos de la drospirénone (1) et de la contraception d’urgence (2,3). Rappelons que celle-ci est communément évaluée par l’indice de Pearl et qu’il est utile de distinguer l’efficacité théorique (utilisation parfaite) de l’efficacité pratique (utilisation dans la vie courante). En France (4) (et probablement en Belgique aussi), les contraceptifs oraux combinés (COC) estroprogestatifs restent très largement le moyen contraceptif le plus prescrit. La RBP belge en cas de COC (5) recommande en premier choix chez la femme de moins de 35 ans une pilule combinée avec ≤ 35 μg d’éthinylestradiol et un progestagène de deuxième génération (GRADE 1A). En France (6), 33 % des grossesses sont des grossesses non prévues et 60 % de ces grossesses aboutissent à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Cette situation est liée à une mauvaise utilisation (oubli, etc..) mais peut-être aussi à une efficacité intrinsèque imparfaite du moyen contraceptif utilisé. Une étude cas-contrôle (7) a suggéré un risque accru de grossesse sous contraception orale en cas d’obésité. Au vu de ce constat et de « l’épidémie » d’obésité actuelle, étudier l’efficacité des contraceptifs estroprogestatifs en cas d’IMC élevé est pertinent.
Une étude étatsunienne récente se penche sur la question (8). 1523 femmes ayant opté pour une contraception orale combinée (COC), un patch ou un anneau, ont été suivies prospectivement pendant 2 à 3 ans. 128 grossesses non prévues (définies comme survenues à un moment où la patiente déclarait être sous contraception évaluée) ont été constatées. Le taux d’échec contraceptif à 3 ans était similaire dans les différentes « tranches » d’IMC : IMC < 25 (n = 1476) 8,44 % avec IC à 95 % de 6,1 à 11,5 ; IMC de 25–30 (n = 817) 11,03 % avec IC à 95 % de 7,5 à 16,0 ; IMC de 30-40 (n = 702) 8,92 % avec IC à 95 % de 7,6 à 11,5 ; IMC > 40 (n = 171) 10,84 % avec IC à 95 % de 3,8 à 29,1.
Les différences entre tranches d’IMC sont non significatives (p = 0,34). Le niveau d’éducation et le status socio-économique n’étaient pas associés au taux d’échec contraceptif. Par contre, un nombre élevé de grossesses antérieures et des antécédents de grossesses non prévues y étaient positivement associés et l’âge négativement associé. Aucune différence significative n’était observée entre COC, patch et anneaux. Les points forts de cette étude résident certainement dans la pertinence de sa question clinique, sa méthodologie sérieuse (notamment avec un IMC mesuré initialement), sa puissance (sauf pour le groupe IMC > 40), le fait d’inclure des patientes avec obésité morbide et des conditions se rapprochant d’un usage courant. Même si les contraceptifs étaient gratuits, les patientes recevaient une information de départ standardisée, 10 dollars par contact téléphonique de suivi. Les patientes incapables de signer un consentement éclairé en anglais ou en espagnol étaient cependant écartées de l’étude. Dans les points faibles de cette étude, relevons son caractère observationnel, le fait qu’elle n’aborde pas la question d’une éventuelle différence d’efficacité en fonction des dosages d’éthinylestradiol (entre 20 à 35 microgrammes pour les COC), ni la question de la sécurité du médicament (pas de collecte d’éventuels effets indésirables dont ceux potentiellement liés à l’IMC comme les TVP ou les évènements cardiovasculaires) alors que certains guides de pratique évoquent une contre-indication (9) des contraceptifs hormonaux combinés en cas d’IMC élevé (risque de TVP et d’infarctus du myocarde, sur base d’études expérimentales non RCTs ou d’études d’observation (GRADE B).
Conclusion
Cette étude de cohorte prospective sur 3 ans montre que pour des patientes en surpoids ou obèses ayant opté pour un moyen contraceptif estroprogestatif (contraception orale, patch transdermique ou anneau vaginal) le risque de grossesse n’est pas différent de celui des patientes avec un IMC< 25.
Références
- Peremans L. Intérêt de la drospirénone et/ou de 24 jours de contraception orale versus 21 ? MinervaF 2011;10(9):108-9.
- Peremans L. Contraception d'urgence: mifépristone versus lévonorgestrel. MinervaF 2003;2(10):164-5.
- Chevalier P. Contraception d’urgence : plus efficace si une provision de médicaments est délivrée ? MinervaF 2007;6(10):154-5.
- Bajos N, Bohet A, Le GuenM, et coll ; équipe de l’enquête Fecond. La contraception en France : nouveau contexte, nouvelles pratiques ? Population & Sociétés 2012;492.
- Peremans L, van Leeuwen E, Delvaux N, et al. Richtlijn voor goede medische praktijkvoering: Hormonale anticonceptie. Huisarts Nu 2012;41:S1-S32.
- Moreau C, Bouyer J, Bajos N, et al. Frequency of discontinuation of contraceptive use: results from a French population-based cohort. Hum Reprod 2009;24:1387–92.
- Holt VL, Scholes D, Wicklund KG, et al. Body mass index, weight, and oral contraceptive failure risk. Obstet Gynecol 2005;105:46-52.
- McNicholas C, Zhao Q, Secura G, et al. Contraceptive failures in overweight and obese combined hormonal contraceptive users. Obstet Gynecol 2013;121:585-92.
- Faculty of Sexual and Reproductive Healthcare. Combined Hormonal Contraception. FSRH Guidance (October 2011- Updated August 2012).
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