Analyse


Célécoxib versus diclofénac + oméprazole : moins de risques gastro-intestinaux ?


24 11 2010

Professions de santé

Analyse de
Chan FK, Lanas A, Scheiman J, et al. Celecoxib versus omeprazole and diclofenac in patients with osteoarthritis and rheumatoid arthritis (CONDOR): a randomised trial. Lancet 2010;376:173-9.


Conclusion
Cette étude CONDOR semble montrer un avantage du célécoxib versus diclofénac + oméprazole en termes de prévention gastro-intestinale. Le bénéfice repose cependant essentiellement sur un critère intermédiaire (chute du taux d’Hb ou diminution de l’hématocrite) et non sur des événements cliniques. L’indispensabilité d’un traitement AINS (sélectif ou non) au long cours reste à bien évaluer versus risques potentiels.



 

Nous avons déjà commenté dans Minerva (1) les RCTs comparant un AINS inhibiteur sélectif de la cyclo-oxygénase 2 (COXIBs) versus AINS non sélectif + inhibiteur de la pompe à protons quant au risque respectif de survenue d’événement gastro-duodénal chez des patients ayant déjà présenté un ulcère gastro-duodénal ou à risque élevé (2-4). Ces études montraient que le risque de récidive d’ulcère ou d’ulcère hémorragique n’est pas mieux prévenu sous COXIBs que sous association d’un AINS non sélectif avec un IPP à dose standard.

Une nouvelle RCT (CONDOR (5)) évalue la valeur relative d’une dose quotidienne de célécoxib de 2 x 200 mg versus diclofénac retard 2 x 75 mg + oméprazole 1 x 20 mg en termes de prévention d’événements gastro-intestinaux supérieurs et inférieurs (= critère primaire). 4 484 patients sont randomisés dans cette étude de bonne qualité d’une durée de 6 mois, patients pour lesquels un traitement AINS régulier d’au moins 6 mois semblait nécessaire patients atteints d’arthrose ou d’arthrite rhumatoïde soit âgés d’au moins 60 ans avec ou sans anamnèse d’ulcère gastro-duodénal ou d’hémorragie gastro-intestinale ou âgés de 18 à 59 ans avec une anamnèse d’un tel événement remontant à plus de 90 jours. Les critères d’exclusion sont très nombreux, notamment ischémie coronarienne, insuffisance cardiaque, artérite périphérique, pathologie cérébrovasculaire, insuffisance rénale ou transaminases élevées. Malgré ces nombreuses exclusions, 65 à 69% des personnes incluses présentent une comorbidité (diabète, HTA, pathologie pulmonaire chronique, anamnèse d’anémie e.a.) et 19% des sujets ont présenté un ulcère gastro-duodénal ou un saignement d’ulcère.

En analyse ITT (incluant les 22% d’arrêts de traitement précoces sous célécoxib et les 27% sous diclofénac), les résultats sont de 0,9% pour le critère primaire (IC à 95% de 0,5 à 1,3) dans le groupe célécoxib et de 3,8% (2,9 à 4,3) dans le groupe diclofénac + oméprazole, soit un HR à 4,3 avec IC à 95% de 2,6 à 7,0 et p<0,0001, ce qui correspond, selon notre calcul, à un NST sur 6 mois de 34 (26 à 50). L’analyse des résultats pour les différentes composantes du critère primaire montre que la différence porte essentiellement sur une anémie « significative » d’origine gastro-intestinale identifiée (5 cas versus 24, prise en compte des érosions gastro-duodénales) ou supposée (10 cas versus 53). Une anémie significative est définie comme une chute d’hémoglobine d’au moins 20 g/L ou une diminution de l’hématocrite d’au moins 10%. Ce critère est repris d’un document de l’an 2000 de la FDA (6) qui mentionne, sans référence aucune, que de telles différences peuvent entraîner dans une population plus large que celle des études des événements cliniques (infarctus du myocarde, arythmies, insuffisance cardiaque congestive, syncope). La validité de ce critère demande confirmation.

Plusieurs éléments restent à prendre en considération pour interpréter les résultats de cette étude. Sa durée d’abord. Sur base de deux de ses précédentes études (2,7), CHAN estimait que l’incidence d’ulcère hémorragique avec le célécoxib augmente avec la durée du traitement. Une analyse des données complètes de l’étude CLASS (8), évoquait, en 2002 déjà, cette possibilité d’augmentation du risque après 6 mois. Le deuxième élément est un rappel : ni l’association AINS sélectif + IPP ni le COXIBs seul ne sont dénués de tout risque gastro-intestinal : ils diminuent le risque gastro-intestinal sans le supprimer. L’ajout d’un IPP au célécoxib en diminue encore le risque de récidive d’ulcère (1,7).

Dans le guide de pratique diffusé par NICE concernant l’arthrose (9), une association systématique d’un IPP à bas prix à un AINS (COXIBs ou non) est recommandée dans un contexte de coût/efficacité. Enfin, il ne faut pas oublier les effets indésirables non gastro-intestinaux de ces AINS. Une méta-analyse concernant le célécoxib (10) également analysée dans Minerva (11) montre une augmentation de risque de survenue d’un incident cardiovasculaire (décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde, AVC, insuffisance cardiaque, événement thromboembolique) chez des patients prenant du célécoxib au long cours.

 

Conclusion

Cette étude CONDOR semble montrer un avantage du célécoxib versus diclofénac + oméprazole en termes de prévention gastro-intestinale. Le bénéfice repose cependant essentiellement sur un critère intermédiaire (chute du taux d’Hb ou diminution de l’hématocrite) et non sur des événements cliniques. L’indispensabilité d’un traitement AINS (sélectif ou non) au long cours reste à bien évaluer versus risques potentiels. 

 

Références 

  1. Chevalier P. Prévention de l’ulcère récidivant : COXIBs + IPP ? MinervaF 2007;6(9):142-3.
  2. Chan FK, Hung LC, Suen BY, et al. Celecoxib versus diclofenac and omeprazole in reducing the risk of recurrent ulcer bleeding in patients with arthritis. N Engl J Med 2002;347:2104-10.
  3. Chan FK, Hung LC, Suen BY, et al. Celecoxib versus diclofenac plus omeprazole in high-risk arthritis patients: results of a randomized double-blind trial. Gastroenterology 2004;127:1038-43.
  4. Lai KC, Chu KM, Hui WM, et al. Celecoxib compared with lansoprazole and naproxen to prevent gastrointestinal ulcer complications. Am J Med 2005;118:1271-8.
  5. Chan F, Lanas A, Scheiman J, et al. Celecoxib versus omeprazole and diclofenac in patients with osteoarthritis and rheumatoid arthritis (CONDOR): a randomised trial. Lancet 2010;376:173-9.
  6. FDA Advisory Committee Briefing Document. Medical Officer’s Gastroenterology Advisory Committee Briefing. Division of Anti-Inflammatory, Analgesic and Ophthalmologic Drug. February 7, 2000. Products: HFD-550 http://www.fda.gov/ohrms/dockets/ac/01/briefing/3677b1_05_gi.pdf (consulté le 29 septembre 2010).
  7. Chan FK, Wong VW, Suen BY, et al. Combination of a cyclo-oxygenase-2 inhibitor and a proton-pump inhibitor for prevention of recurrent ulcer bleeding in patients at very high risk: a double-blind, randomised trial. Lancet 2007;369:1621-6.
  8. Jüni P, Rutjes AW, Dieppe PA. Are selective COX 2 inhibitors superior to traditional non steroidal anti-inflammatory drugs? BMJ 2002;324:1287-8.
  9. National Collaborating Centre for Chronic Conditions. Osteoarthritis: national clinical guideline for care and management in adults. London: Royal College of Physicians, 2008.
  10. Solomon SD, Wittes J, Finn PV, et al. Cardiovascular risk of celecoxib in 6 randomized placebo-controlled trials: the cross trial safety analysis. Circulation 2008;117:2104-13.
  11. Chevalier P. Risque cardiovasculaire du célécoxib. MinervaF 2008;7(9):136-7.
Célécoxib versus diclofénac + oméprazole : moins de risques gastro-intestinaux ?



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