Analyse


Pharmacien partenaire du patient BPCO ?


17 12 2015

Professions de santé

Analyse de
Tommelein E, Mehuys E, Van Hees T, et al. Effectiveness of pharmaceutical care for patients with chronic obstructive pulmonary disease (PHARMACOP): a randomized controlled trial. Br J Clin Pharmacol 2013;77:756-66.


Conclusion
Cette étude clinique randomisée menée en simple aveugle, qui présente des limites méthodologiques importantes, montre que l’engagement du pharmacien comme prestataire de soins dans le cadre d’une prise en charge intensifiée et structurée des patients BPCO sur une durée de 3 mois conduit à une meilleure utilisation des médicaments inhalés, à une meilleure observance du traitement et peut-être aussi à une diminution des hospitalisations pour exacerbations.


 

Minerva a commenté en 2014 (1) une synthèse méthodique (2) qui montrait qu’un programme de soins intégrés (multidimensionnel et multidisciplinaire) chez les patients BPCO pouvait conduire à une amélioration cliniquement pertinente de la qualité de vie et réduire le risque d’hospitalisation ainsi que la durée des séjours en milieu hospitalier. Nous avons aussi plusieurs fois relevé que la coopération entre le médecin généraliste et le pharmacien peut avoir une influence positive sur le traitement de différentes affections chroniques (3).

PHARMACOP est une étude clinique randomisée d’une durée de 3 mois menée en simple aveugle (l’insu ne concernant que les patients) dans 170 pharmacies publiques belges  dispersées géographiquement (4). Elle a inclus 734 patients âgés de plus de 50 ans prenant quotidiennement des médicaments pour une BPCO et qui avaient fumé plus de 10 paquets-années. Tous étaient suivis par des pharmaciens qui avaient suivi une séance de formation approfondie sur la BPCO et sur les recommandations GOLD (Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease). Les patients randomisés dans le groupe intervention (n = 371) ont reçu des explications à propos de l’affection, des médicaments utilisés, de la bonne technique d’inhalation, des mesures d’hygiène et de l’arrêt du tabagisme, lors de 2 séances éducatives données par leur pharmacien (à l’inclusion et un mois après). Les patients du groupe témoin (n = 363) ont bénéficié quant à eux d’une prise en charge habituelle. Après 3 mois, la technique d’inhalation et l’observance du traitement s’étaient améliorées de façon significativement plus importante dans le groupe intervention versus le groupe témoin : score d’inhalation meilleur (différence moyenne estimée de 13,5% (avec IC à 95% de 10,8 à 16,1% ; p < 0,0001) et adhérence améliorée de 8,5% (avec IC à 95% de 4,6 à 12,4% ; p < 0,0001). A la fin de l’étude, 3 fois plus de patients utilisaient une bonne technique d’inhalation (OR de 3,03 avec IC à 95% de 2,12 à 4,34) et il y avait 2 fois plus de patients respectant le traitement de manière satisfaisante (OR de 2,15 avec IC à 95% de 1,46 à 3,14). Il n’y avait pas de différence entre les 2 groupes quant au nombre d’exacerbations (450 exacerbations recensées pour 302 patients). Le taux d’hospitalisation était plus faible dans le groupe intervention versus le groupe témoin, mais ceci n’était ni un critère de jugement primaire ni secondaire. Le taux d’hospitalisation était plus faible dans le groupe intervention versus le groupe témoin : 9 versus 35 ; RR de 0,28 (avec IC à 95% de 0,12 à 0,64), p = 0,003). La proportion de sorties d’étude, identique dans les 2 groupes, était de 5,7% (principalement pour cause d’hospitalisation ou de décès).

Cette étude randomisée présente cependant quelques limites importantes sur le plan méthodologique. Il n’y a pas eu de randomisation en grappes. Chaque pharmacie a recruté  des patients du groupe intervention ainsi que des patients du groupe témoin. La prise en charge habituelle n’a en outre pas été définie. Nous ne pouvons pas évaluer dans quelle mesure les pharmaciens participants avaient tendance à accorder plus ou moins d’attention aux patients du groupe témoin. Ceci peut avoir fortement affecté les résultats. Une liste de contrôle en 10 points pour la technique d’inhalation a été utilisée, mais par le pharmacien lui-même, ce qui représente bien une limite méthodologique. Enfin, les principaux critères de jugement étaient seulement des critères de jugement intermédiaires.

On peut aussi se demander comment faire pour consolider ces résultats favorables dans un modèle de soins structurel (interdisciplinaire) (5). Un tel modèle nécessite une rémunération pour la prestation des soins prodigués. Le fait de maintenir des patients atteints de BPCO en dehors de l’hôpital devrait permettre d’allouer des fonds au secteur des soins ambulatoires. Il est à espérer que le pharmacien sera intégré dans l’accompagnement à titre de partenaire à part entière, car il est pénible de constater que les mots « pharmacien » et « pharmacie » sont absents de la dernière version des recommandations GOLD (6).

 

Conclusion

Cette étude clinique randomisée menée en simple aveugle, qui présente des limites méthodologiques importantes, montre que l’engagement du pharmacien comme prestataire de soins dans le cadre d’une prise en charge intensifiée et structurée des patients BPCO sur une durée de 3 mois conduit à une meilleure utilisation des médicaments inhalés, à une meilleure observance du traitement et peut-être aussi à une diminution des hospitalisations pour exacerbations.

 

 

Références

  1. Van Meerhaeghe A. Les programmes de soins intégrés, multidisciplinaires, améliorent-ils la prise en charge du patient atteint de BPCO ? MinervaF 2014;13(7):88-9.
  2. Kruis AL, Smidt N, Assendelft WJ, et al. Integrated disease management interventions for patients with chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2013, Issue 10.
  3. Chevalier P, Laekeman G. Modification de comportement du patient : impact du médecin généraliste et du pharmacien. MinervaF 2012;11(3):27.
  4. Tommelein E, Mehuys E, Van Hees T, et al. Effectiveness of pharmaceutical care for patients with chronic obstructive pulmonary disease (PHARMACOP): a randomized controlled trial. Br J Clin Pharmacol 2013;77:756-66.
  5. INAMI. Concertation médico-pharmaceutique. Dernière mise à jour 13 juillet 2015. Url http://www.inami.fgov.be/fr/themes/qualite-soins/medicaments/concertation-medico-pharmaceutique/Pages/default.aspx#.VkYGi7_p6K8 : site consulté le 2 septembre 2015.
  6. Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease. Pocket Guide to COPD Diagnosis, Management and Prevention. A guide for health care professionals. Updated 2015. 

 

 


Auteurs

Laekeman G.
em. Klinische Farmacologie en Farmacotherapie, KU Leuven
COI :

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