Analyse


La dapagliflozine pour le traitement du diabète de type 2 ?


15 02 2016

Professions de santé

Analyse de
(1) Orme M, Fenici P, Lomon ID, et al. A systematic review and mixed-treatment comparison of dapagliflozin with existing anti-diabetes treatments for those with type 2 diabetes mellitus inadequately controlled by sulfonylurea monotherapy. Diabetol Metab Syndr 2014;6:73. (2) Goring S, Hawkins N, Wygant G, et al. Dapagliflozin compared with other oral anti-diabetes treatments when added to metformin monotherapy: a systematic review and network meta-analysis. Diabetes Obes Metab 2014;16:433-42.


Conclusion
Contrairement aux conclusions des auteurs, ces deux méta-analyses concernant la dapagliflozine n’apportent aucune information pertinente nouvelle pour le clinicien en charge de patients diabétiques de type 2 et n’abordent pas la balance bénéfices-risques. On est en droit de continuer à s’interroger sur la pertinence de la prescription des molécules de type gliflozines.


 

Après une première étude analysée et publiée en juin 2015 dans Minerva (1,2) sur la sécurité et l’efficacité des gliflozines, nous avions conclu que le rapport bénéfices/risques de ces molécules est défavorable. Cependant, la littérature concernant la dapagliflozine, une gliflozine non (encore) disponible en ce début 2016 en Belgique, est impressionnante (303 articles dans la base de données PUBMED, consultée à la date du 24/09/2015). Les 2 méta-analyses sous référence sont donc soumises à analyse.

 

Orme et al. (3) comparent la dapagliflozine aux molécules indiquées en Europe pour le traitement des patients diabétiques de type 2 insuffisamment équilibrés par une sulfonylurée en première ligne, la metformine étant par ailleurs jugée inappropriée. Ils sélectionnent 5 RCTs - au départ de 1901 résumés - dont ils font une méta-analyse par trois techniques différentes : comparaison directe, indirecte (4) et en réseau bayésien (5). Outre la dapagliflozine (N = 1), les molécules étudiées sont les inhibiteurs de la DDP-4 (alias gliptines) (N = 3) et un analogue du GLP-1 (exénatide) (N = 1) versus placebo. Les critères de jugement sont l’HbA1c, le poids, les hypoglycémies et les modifications de la pression artérielle systolique. La durée des études est de 18 à 30 semaines. Ils concluent que seule la dapagliflozine associée à un sulfamidé hypoglycémiant a un effet favorable sur les deux critères intermédiaires que sont l’HbA1c et le poids, sans excès d’hypoglycémies versus sulfamidés hypoglycémiants seuls ou associés aux autres molécules étudiées.

 

Goring et al. (6) comparent la dapagliflozine aux molécules indiquées en Europe et aux USA pour le traitement des patients diabétiques de type 2 insuffisamment équilibrés par la metformine seule en première ligne. Ils sélectionnent 8 RCTs (au départ de 2882 résumés) dont ils réalisent une méta-analyse en réseau bayésien de 6 RCTs (2 sont utilisées uniquement en analyse de sensibilité). Outre la dapagliflozine (N = 1), les molécules étudiées sont les thiazolidinediones (alias glitazones) (N = 1) et les inhibiteurs de la DPP-4 (N = 4) versus sulfamidés hypoglycémiants. Les critères de jugement analysés sont l’HbA1c, le poids et les hypoglycémies. La durée des études est de 52 (+/- 6) semaines. Les auteurs concluent - sur la base de leurs intervalles de crédibilité calculés - que la dapagliflozine a un effet similaire sur l’HbA1c aux inhibiteurs de la DDP-4, aux thiazolidinediones et aux sulfamidés hypoglycémiants, avec un gain sur le poids et un risque d’hypoglycémie inchangé lorsque ces molécules sont associées à la metformine.

 

Ces deux articles tendent à faire passer le même message : la dapagliflozine associée à la metformine ou à un sulfamidé hypoglycémiant a un effet sur l’HbA1c à court terme identique aux autres molécules testées, avec un meilleur effet sur le poids et sans excès d’hypoglycémies. Ce message doit être mis en perspective.

 

Il convient d’abord de rappeler le drame actuel du traitement du diabète de type 2 (7). Le point fondamental est la pauvreté des preuves portant sur des critères cliniques forts. Les critères de jugement des études d’intervention portent en effet sur des critères intermédiaires. Seule la metformine a un effet probable sur la mortalité, et le niveau de preuve pour la microangiopathie est faible (8).

Les auteurs appliquent donc ici des méthodes mathématiques sophistiquées à des données dont la pertinence clinique (comparaison sur la base de critères intermédiaires d’une molécule versus autres molécules dont aucune n’a un effet solidement démontré sur un critère fort) est nulle dans l’état actuel de notre connaissance. De plus le problème de la balance bénéfices/risques n’est pas abordé. Notons encore l’affiliation des auteurs : tous sauf un sont employés par l’industrie pharmaceutique ou des sociétés de services à l’industrie pharmaceutique.

 

Ajoutons enfin une donnée inquiétante. La FDA a émis le 15/05/2015 un avis important de pharmacovigilance comportant un risque anormalement élevé d’acidocétose, curieusement à glycémies peu élevées, chez les patients exposés aux gliflozines (9). En Europe également, suite à la notification après commercialisation d’une centaine de cas d’acidocétose survenus chez des patients traités par une gliflozine, le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a également entamé une réévaluation des gliflozines (10), nonobstant un article rassurant publié également en 2015 (11). Ces observations sont peut-être à rapprocher d’un effet inattendu des gliflozines : une augmentation de la sécrétion de glucagon, hormone impliquée dans l’acidocétose (12).

 

Conclusion de Minerva

Contrairement aux conclusions des auteurs, ces deux méta-analyses concernant la dapagliflozine n’apportent aucune information pertinente nouvelle pour le clinicien en charge de patients diabétiques de type 2 et n’abordent pas la balance bénéfices-risques. On est en droit de continuer à s’interroger sur la pertinence de la prescription des molécules de type gliflozines.

 

 

 

Références

  1. Vanhaeverbeek M. Efficacité et sécurité des gliflozines chez les patients diabétiques de type 2. MinervaF 2015;14(5);53-4.
  2. Monami M, Nardini C, Mannucci E. Efficacy and safety of sodium glucose co-transport-2 inhibitors in type 2 diabetes: a meta-analysis of randomized clinical trials. Diabetes Obes Metab 2014,16:457-66.
  3. Orme M, Fenici P, Lomon ID, et al. A systematic review and mixed-treatment comparison of dapagliflozin with existing anti-diabetes treatments for those with type 2 diabetes mellitus inadequately controlled by sulfonylurea monotherapy. Diabetol Metab Syndr 2014;6:73.
  4. Bucher HC, Guyatt GH, Griffith LE, Walter SD. The results of direct and indirect treatment comparisons in meta-analysis of randomized controlled trials. J Clin Epidemiol. 1997;50:683-91.
  5. Mills EJ, Thorlund K, Ioannidis JP. Demystifying trial networks and network meta-analysis. BMJ 2013;346:f2914.
  6. Goring S, Hawkins N, Wygant G, et al. Dapagliflozin compared with other oral anti-diabetes treatments when added to metformin monotherapy: a systematic review and network meta-analysis. Diabetes Obes Metab 2014;16:433-42.
  7. Richard T, Vanhaeverbeek M. Le traitement oral du diabète de type 2 en question(s). [Editorial] MinervaF 2013;12(3):27.
  8. Prescrire Rédaction. Traitement hypoglycémiant du diabète de type 2 (suite) - première partie. Rev Prescrire 2014:34:911-3.
  9. FDA drug safety communication : FDA warns that SGLT2 inhibitors for diabetes may result in a serious condition of too much acid in the blood. FDA 05/05/2015. (Site consulté le 23/09/2015.)
  10. EMA/390062/2015 via www.ema.europa.eu.
  11. Erondu N, Desai M, Ways K, Meininger G. Diabetic ketoacidosis and related events in the canagliflozin type 2 diabetes clinical program. Diabetes Care 2015;38:1680-6.
  12. Hattersley AT, Thorens B. Type 2 diabetes, SGLT2 inhibitors, and glucose secretion. N Engl J Med 2015;373:974-6.

 




Ajoutez un commentaire

Commentaires