Analyse


Le risque de pancréatite aiguë est-il accru avec les analogues du GLP-1 ou les inhibiteurs de la DPP-4 ?


15 12 2017

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
1) Azoulay L, Filion KB, Platt RW, et al; Canadian Network for Observational Drug Effect Studies (CNODES) Investigators. Association between incretin-based drugs and the risk of acute pancreatitis. JAMA Intern Med 2016;176:1464-73. DOI: 10.1001/jamainternmed.2016.1522 et 2) Faillie JL, Yu OH, Yin H, et al. Association of bile duct and gallbladder diseases with the use of incretin-based drugs in patients with type 2 diabetes mellitus. JAMA Intern Med 2016;176:1474-81. DOI: 10.1001/jamainternmed.2016.1531


Conclusion
Cette vaste étude de cohorte prospective nous permet de conclure que l’utilisation des incrétinomimétiques et des gliptines en cas de diabète de type 2 n’est pas associée à une augmentation du nombre de cas de pancréatite. Une autre étude de cohorte rétrospective suggère que les incrétinomimétiques, mais pas les gliptines, sont associés à des pathologies de la vésicule biliaire. Une recherche plus approfondie est toutefois nécessaire pour confirmer ces résultats.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Si, chez les patients ayant un diabète de type 2, la valeur cible de l’HbA1c n’est pas atteinte avec un traitement par metformine, il est conseillé d’ajouter un deuxième antidiabétique oral, et éventuellement un troisième. Pour cela, on envisage respectivement les inhibiteurs de la DPP4 (alias gliptines) et les analogues du GLP-1 (alias incrétinomimétiques). Ces deux types de médicaments peuvent être associés à des effets indésirables gastro-intestinaux. Si, sur base d'une étude de cohorte prospective, le risque de pancréatite semble exclu, des affections de la vésicule biliaire au sens large semblent eux pouvoir être mis en lien avec les incrétinomimétiques sur base d'une étude de cohorte rétrospective.



Nous avons déjà attiré l’attention sur le risque potentiel de pancréatite et de cancer du pancréas avec les traitements agissant via les incrétines tels que les inhibiteurs de la DPP-4 (alias gliptines) (1,2) et l’exénatide (un analogue du GLP-1 alias incrétinomimétique) (3,4). Une méta-analyse d’études randomisées contrôlées (RCTs) a montré que les incrétinomimétiques et les gliptines étaient associés à un risque accru d’augmentation des concentrations plasmatiques des enzymes pancréatiques, mais on n’a pas pu montrer de rapport avec la pancréatite aiguë (5). Par ailleurs, on a également constaté que les incrétinomimétiques stimulaient l’activité des cholangiocytes (6), ce qui conforte l’hypothèse selon laquelle ces dernières augmentent le risque de cholangite, de cholécystite et éventuellement de cancer des voies biliaires. Deux récentes études de cohorte apportent quelques éclaircissements sur la sécurité de ces molécules (7,8).

 

La première étude (7) est une vaste étude internationale, multicentrique menée au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni dans une cohorte de 1532513 patients (âge moyen de 56,6 ans, 51% d’hommes) ayant un diabète sucré de type 2 et ayant commencé un traitement par antidiabétiques entre le 1er janvier 2007 et le 30 juin 2013. Le suivi s’est déroulé jusqu’au 30 juin 2014. Un groupe de patients traités avec des incrétinomimétiques et/ou des gliptines a été comparé à un groupe contrôle de patients qui prenaient au moins deux antidiabétiques oraux. Durant le suivi de 3464659 patients-années, 5165 patients ont été hospitalisés pour une pancréatite aiguë. Cela correspond à une incidence de 1,49 par 1000 patients-années. On n’a toutefois pas constaté d’augmentation du risque de pancréatite dans le groupe prenant des incrétinomimétiques et/ou des gliptines par comparaison avec le groupe contrôle (rapport de hasards (hazard ratio, HR) 1,03 avec IC à 95% de 0,87 à 1,22). Une analyse de sous-groupe a montré que cela valait tant pour les inhibiteurs de la DPP-4 que pour les agonistes du GLP-1.

 

La deuxième étude, menée par le même groupe de recherche (8), est une étude de cohorte rétrospective où les données du Clinical Practice Research Datalink (CPRD) du Royaume-Uni ont été couplées à celles de la banque de données de l’Hospital Episodes Statistics (HES). Cela a permis de constituer une cohorte de 71369 patients âgés d’au moins 18 ans ayant un diabète sucré de type 2 chez qui avait été instauré un traitement antidiabétique entre le 1er janvier 2007 et le 31 mars 2014. Ici aussi, on a comparé un groupe de patients traités par incrétinomimétiques et/ou gliptines et un groupe contrôle de patients qui utilisaient au moins deux antidiabétiques oraux. Durant le suivi de 227994 patients-années, 853 patients ont été hospitalisés pour une affection de voies biliaires ou de la vésicule biliaire. Cela correspond à une incidence de 3,7 événements par 1000 patients-années (IC à 95% de 3,5 à 4,0). Les gliptines n’étaient pas associés à une augmentation de l’incidence des affections de la vésicule biliaire et des voies biliaires. Une augmentation de l’incidence a toutefois été observée avec les incrétinomimétiques : 6,1 événements versus 3,3 par 1000 patients-années (HR 1,79 avec IC à 95% de 1,21 à 2,67). Une analyse secondaire a également montré un risque accru de cholecystectomie associé aux incrétinomimétiques (HR 2,08 avec IC à 95% de 1,08 à 4,02). C’est un résultat relativement nouveau qui incite à une plus grande vigilance lors de la prescription de médicaments de cette classe pharmacothérapeutique. Même si les affections de la vésicule biliaire et des voies biliaires ne sont pas mortelles (sauf les cancers), elles peuvent tout de même entraîner de violentes douleurs et nécessiter une intervention chirurgicale. Ce manque de précision dans les critères évalués est une première faiblesse importante de cette étude de cohorte rétrospective. Elle cumule en effet pas moins de 29 codes ICD-10. Il est donc impossible de savoir à quel diagnostic précis sont associés les incrétinomimétiques. Un deuxième point faible est l’absence de correction pour tenir compte de la perte de poids, même si des corrections ont été effectuées pour tenir compte du poids, de l’HbA1c et de diverses comorbidités. Une perte de poids rapide est pourtant un facteur de risque de calcul biliaire (9), l’affection la plus fréquente de la vésicule biliaire et des voies biliaires. A ce propos, les auteurs citent deux études (10,11) dans lesquelles une perte de poids est survenue sous liraglutide et qui montraient également une augmentation de l’incidence des calculs biliaires et de l’inflammation de la vésicule biliaire. La perte de poids peut donc avoir un rôle dans l’apparition des calculs biliaires, mais la recherche doit se poursuivre pour exclure d’autres causes, comme un ralentissement de la vidange de la vésicule biliaire avec les incrétinomimétiques.

 

Conclusion

Cette vaste étude de cohorte prospective nous permet de conclure que l’utilisation des incrétinomimétiques et des gliptines en cas de diabète de type 2 n’est pas associée à une augmentation du nombre de cas de pancréatite. Une autre étude de cohorte rétrospective suggère que les incrétinomimétiques, mais pas les gliptines, sont associés à des pathologies de la vésicule biliaire. Une recherche plus approfondie est toutefois nécessaire pour confirmer ces résultats.

 

Pour la pratique

Si, chez les patients ayant un diabète de type 2, la valeur cible de l’HbA1c n’est pas atteinte avec un traitement par metformine, il est conseillé d’ajouter un deuxième antidiabétique oral, et éventuellement un troisième. Pour cela, on envisage respectivement les inhibiteurs de la DPP4 (alias gliptines) et les analogues du GLP-1 (alias incrétinomimétiques) (12). Ces deux types de médicaments peuvent être associés à des effets indésirables gastro-intestinaux (13). Si, sur base d'une étude de cohorte prospective, le risque de pancréatite semble exclu, des affections de la vésicule biliaire au sens large semblent eux pouvoir être mis en lien avec les incrétinomimétiques sur base d'une étude de cohorte rétrospective.

 

Références 

  1. Wens J. Les gliptines ont-elles un effet cardioprotecteur ? MinervaF 2013;12(2):21-2.
  2. Patil HR, Al Badarin FJ, Al Shami HA, et al. Meta-analysis of effect of dipeptidyl peptidase-4 inhibitos on cardiovascular risk in type 2 diabetes mellitus. Am J Cardiol 2012;110:826-33. DOI: 10.1016/j.amjcard.2012.04.061
  3. Ruige J. Exénatide en ajout à un antidiabétique oral ? MinervaF 2008;7(3):38-9.
  4. Zinman B, Hoogwerf BJ, Duran Garcia SD, et al. The effect of adding exenatide to a thiazolidinedione in suboptimally controlled type 2 diabetes. Ann Intern Med 2007;146:477-85. DOI: 10.7326/0003-4819-146-7-200704030-00003
  5. Shihab HM, Akande T, Armstrong K, et al. Risk of pancreatic adverse events associated with the use of glucagon-like peptide-1 receptor agonist and dipeptidyl peptidase-4 inhibitor drugs: a systematic review and meta-analysis of randomized trials. World J Meta-Anal 2015;3:254-83. DOI: 10.13105/wjma.v3.i6.254
  6. Marzioni M, Alpini G, Saccomanno S, et al. Glucagon-like peptide-1 and its receptor agonist exendin-4 modulate cholangiocyte adaptive response to cholestasis. Gastroenterology 2007;133:244-55. DOI: 10.1053/j.gastro.2007.04.007
  7. Azoulay L, Filion KB, Platt RW, et al; Canadian Network for Observational Drug Effect Studies (CNODES) Investigators. Association between incretin-based drugs and the risk of acute pancreatitis. JAMA Intern Med 2016;176:1464-73. DOI: 10.1001/jamainternmed.2016.1522
  8. Faillie JL, Yu OH, Yin H, et al. Association of bile duct and gallbladder diseases with the use of incretin-based drugs in patients with type 2 diabetes mellitus. JAMA Intern Med 2016;176:1474-81. DOI: 10.1001/jamainternmed.2016.1531
  9. Shaffer EA. Gallstone disease : epidemiology of gallbladder stone disease. Best Pract Res Clin Gastroenterol 2006;20:981-96. DOI: 10.1016/j.bpg.2006.05.004
  10. Davies MJ, Bergenstal R, Bode B, et al. Efficacy of liraglutide for weight loss among patients with type 2 diabetes. JAMA 2015;314:687-99. DOI: 10.1001/jama.2015.9676
  11. Pi-Sunyer X, Astrup A, Fujioka K, et al; SCALE Obesity and Prediabetes NN8022-1839 Study Group. A randomized, controlled trial of 3.0 mg of liraglutide in weight management. N Engl J Med 2015;373:11-22. DOI: 10.1056/NEJMoa1411892
  12. Wens J, Sunaert P, Nobels F, et al. Diabète sucré de type 2. Recommandations de bonne pratique SSMG/EBMPracticeNet. Dernière mise à jour : 01/01/2007.
  13. Incrétinomimétiques (analogues du GLP-1). Gliptines (inhibiteurs de la DPP-4). Répertoire Commenté des Médicaments. CBIP, novembre 2017.

 

 




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