Analyse


La vertébroplastie au ciment acrylique garde-t-elle un intérêt en cas de tassement vertébral ostéoporotique ?


01 04 2019

Professions de santé

Kinésithérapeute, Médecin généraliste
Analyse de
Firanescu CE, de Vries J, Lodder P, et al. Vertebroplasty versus sham procedure for painful acute osteoporotic vertebral compression fracture (VERTOS IV) : randomised sham controlled trial. BMJ 2018;361:k1551. DOI: 10.1136/bmj.k1551. Erratum in: BMJ 2018;362:k2937.


Conclusion
Les auteurs concluent que la vertébroplastie comme traitement des fractures ostéoporotiques par compression des corps vertébraux n’apporte pas un soulagement clinique significatif des douleurs plus important qu’une simulation d’intervention comportant uniquement l’injection de produits anesthésiants locaux et cela avec un suivi de 12 mois. Cependant, la question qui reste en suspens est le bénéfice éventuel à long terme de la vertébroplastie au ciment sur la statique avec ses répercussions esthétiques, sur la fonction respiratoire et sur la fonction locomotrice. Des études complémentaires sont nécessaires.


Que disent les guides de pratique clinique ?
La vertébroplastie au ciment acrylique est un moyen thérapeutique qui peut être considéré dans certaines situations mais la vertébroplastie ne peut certes devenir le traitement standard de tous les tassements vertébraux ostéoporotiques. Le guide de pratique clinique du NHG-Standaard concernant l’ostéoporose recommande au médecin généraliste de référer en seconde ligne les patients victimes d’une fracture vertébrale avec compression en cas de soulagement insuffisant de la douleur sous traitement médicamenteux et repos couché. L’étude analysée ici n’apporte pas d’élément probant remettant cette recommandation en cause.



Les fractures ostéoporotiques par compression des corps vertébraux peuvent entraîner des douleurs importantes en phase aiguë et une déformation du rachis, généralement en cyphose, avec des conséquences significatives sur la statique et l’équilibre du tronc.

Le traitement classique est le repos au lit pendant quelques jours puis le lever généralement avec le support d’un appareillage anti-cyphose. Les douleurs sont contrôlées par des analgésiques (1,2).

La vertébroplastie au ciment acrylique percutanée consiste à injecter du ciment dans le corps vertébral fracturé par voie trans-pédiculaire.

Cette technique a été proposée pour traiter des angiomes vertébraux dès la fin des années 1980 (3). L’utilisation pour les tassements ostéoporotiques s’est développée à partir du début des années 2000 (4). Le bénéfice est principalement d’ordre antalgique.

La valeur de ce traitement a été évaluée par des études contrôlées à partir de 2009. Les deux premières études n’ont pas confirmé l’intérêt de cette technique (5,6). Minerva a commenté en 2011 l’étude VERTOS II, comparant la vertébroplastie au traitement conservateur qui a montré un bénéfice sur l’intensité et la durée des douleurs ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie (7,8)) chez des patients avec fracture vertébrale récente et un score sur une échelle visuelle analogique (EVA) 5. L’effet positif a été confirmé en 2016 par l’étude VAPOUR (9).

 

Les auteurs de la présente étude réalisée aux Pays-Bas ont tâché, à partir de 2009, de préciser les indications et les bénéfices de la technique. Ils présentent aujourd’hui cette RCT (10) incluant 180 patients âgés de plus de 50 ans (âge moyen de 76 ans) présentant une fracture ostéoporotique vertébrale par compression traités soit par vertébroplastie (n = 91) (anesthésie locale par lidocaïne et bupivacaïne dans chaque pédicule suivie par injection de ciment) ou un procédé de simulation (n = 89) (comportant la même injection mais sans introduire de ciment). L’évaluation des résultats a été faite sur base d’une appréciation de la douleur sur une échelle visuelle analogique (EVA) à 1 jour, 1 semaine, et 1, 3, 6 et 12 mois après le traitement. Une diminution significative des douleurs était retenue en cas d’écart de 1,5 point sur l’échelle analogique.

Une réduction significative de la douleur sur l’échelle visuelle analogique a été constatée dans les deux groupes à toutes les évaluations. À 12 mois par exemple, par rapport à la douleur de départ, la différence moyenne du score EVA est de 5,00 points (avec IC à 95% de 4,31 à 5,70) en cas de vertébroplastie et de 4,75 points (avec IC à 95% de 3,93 à 5,57) dans le groupe contrôle. Néanmoins, les modifications moyennes dans les scores des EVA ne sont pas statistiquement différentes entre les deux groupes quel que soit le moment des différents temps d’évaluation au cours des 12 mois de suivi.

Les auteurs regrettent de ne pas avoir suivi un troisième groupe de patients qui auraient reçu un traitement conservateur sans intervention simulée. Ils considèrent également que le protocole d’étude ne permet pas d’apprécier les douleurs qui seraient dues à d’autres facteurs que la fracture ostéoporotique (problème discal par exemple). Enfin, ils déplorent ne pas avoir suivi les patients qui ont refusé d’être enrôlés dans l’étude.

La principale critique de ces études est l’absence d’évaluation de l’effet de la vertébroplastie sur les troubles statiques induits par le tassement vertébral. La cyphose peut avoir des conséquences sur l’esthétique, la taille, la fonction respiratoire et la fonction locomotrice (11).

Les complications de la vertébroplastie sont exceptionnelles mais elles peuvent être très graves (atteinte médullaire, embole de ciment).

L’introduction de la vertébroplastie au ciment a fait espérer un effet sur la statique. Cet effet devrait être confirmé ou infirmé, ce qui n’a pas encore été fait (11). La question qui reste en suspens est donc le bénéfice éventuel à long terme sur la statique.

 

Conclusion

Les auteurs concluent que la vertébroplastie comme traitement des fractures ostéoporotiques par compression des corps vertébraux n’apporte pas un soulagement clinique significatif des douleurs plus important qu’une simulation d’intervention comportant uniquement l’injection de produits anesthésiants locaux et cela avec un suivi de 12 mois. Cependant, la question qui reste en suspens est le bénéfice éventuel à long terme de la vertébroplastie au ciment sur la statique avec ses répercussions esthétiques, sur la fonction respiratoire et sur la fonction locomotrice. Des études complémentaires sont nécessaires.

 

Pour la pratique 

La vertébroplastie au ciment acrylique est un moyen thérapeutique qui peut être considéré dans certaines situations (12,13) mais la vertébroplastie ne peut certes devenir le traitement standard de tous les tassements vertébraux ostéoporotiques. Le guide de pratique clinique du NHG-Standaard concernant l’ostéoporose (14) recommande au médecin généraliste de référer en seconde ligne les patients victimes d’une fracture vertébrale avec compression en cas de soulagement insuffisant de la douleur sous traitement médicamenteux et repos couché. L’étude analysée ici n’apporte pas d’élément probant remettant cette recommandation en cause.

 

 

Références 

  1. McCarthy JDavis A. Diagnosis and management of vertebral compression fractures. Am Fam Physician 2016;94:44-50.
  2. Jenis LG. Osteoporosis and spinal fractures. Last reviewed 2016. Orthoinfo from the American Academy of Orthopaedic Surgeons. URL: https://orthoinfo.aaos.org/en/diseases--conditions/osteoporosis-and-spinal-fractures (site visité le 21/03/2019).
  3. Galibert P, Deramond H, Rosat P, Le Gars D. [Preliminary note on the treatment of vertebral angioma by percutaneous acrylic vertebroplasty]. [Article in French ] Neurochirurgie 1987;33:166-8.
  4. Zoarski GH, Snow P, Olan WJ, et al. Percutaneous vertebroplasty for osteoporotic compression fractures: quantitative prospective evaluation of long-term outcomes. J Vasc Interv Radiol 2002;13 (2 Pt 1):139-48. DOI: 10.1016/S1051-0443(07)61930-7
  5. Kallmes DF, Comstock BA, Heagerty PJ, et al. A randomized trial of vertebroplasty for osteoporotic spinal fractures. N Engl J Med 2009;361:569–579. DOI: 10.1056/NEJMoa0900563
  6. Buchbinder R, Osborne RH, Ebeling PR, et al. A randomized trial of vertebroplasty for painful osteoporotic vertebral fractures. N Engl J Med 2009;361:557-68. DOI: 10.1056/NEJMoa0900429
  7. Klazen CA, Lohle PN, de Vries J, et al. Vertebroplasty versus conservative treatment in acute osteoporotic vertebral compression fractures (Vertos II): an open-label randomised trial. Lancet 2010;376:1085-92. DOI: 10.1016/S0140-6736(10)60954-3
  8. de Geeter K. Fracture vertébrale ostéoporotique compressive : vertébroplastie ou traitement conservateur ? MinervaF 2011;10(5):56-7
  9. Clark W, Bird P, Gonski P, et al. Safety and efficacy of vertebroplasty for acute painful osteoporotic fractures (VAPOUR): a multicentre, randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2016;388:1408-16. DOI: 10.1016/S0140-6736(16)31341-1. Erratum in: Lancet 2017;389:602.
  10. Firanescu CE, de Vries J, Lodder P, et al. Vertebroplasty versus sham procedure for painful acute osteoporotic vertebral compression fracture (VERTOS IV) : randomised sham controlled trial. BMJ 2018;361:k1551. DOI: 10.1136/bmj.k1551. Erratum in: BMJ 2018;362:k2937.
  11. Davies E. No more vertebroplasty for acute vertebral compression fractures ? Fresh evidence shows no benefit for fractures under 9 weeks old. BMJ 2018;361:k1756. DOI: 10.1136/bmj.k1756
  12. National Institute for Health and Care Excellence. Metastatic spinal cord compression in adults: risk assessment, diagnosis and management. Clinical guideline [CG75]. Published date: November 2008. 
  13. Chen AT, Cohen DB, Skolasky RL. Impact of nonoperative treatment, vertebroplasty, and kyphoplasty on survival and morbidity after vertebral compression fracture in the medicare population. J Bone Joint Surg Am 2013;95:1729-36. DOI: 10.2106/JBJS.K.01649
  14. Fractuurpreventie. M69. NHG-Standaard 2012.

 




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