Analyse
Intérêt d’un dépistage systématique du risque de fracture chez les femmes âgées ?
Le rapport final du Consensus de l’INAMI de 2005 sur les traitements efficients pour la prévention des fractures liées à l’ostéoporose (1) reprenait les facteurs de risque de fracture de fragilité (liées à l’ostéoporose) permettant de cibler les personnes (case-finding) chez lesquelles un dépistage de l’ostéoporose par densitométrie osseuse (DMO) était indiqué.
Tableau. Facteurs de risque dans le cadre du case-finding avec une estimation du risque de fracture.
Facteur de risque de fracture |
Effet sur le risque total |
Fracture après 50 ans |
x 2,0 |
Fracture vertébrale existante |
x 4,0 |
Autres facteurs de risque |
Effet sur le risque total |
Anamnèse familiale positive (surtout fracture de la hanche chez la mère) |
x 1,5 |
Faible poids corporel (<67 kg) |
x 1,5 |
Faible poids corporel (<60 kg) |
x 2,0 |
Immobilité́ grave |
x 2,0 |
Consommation de corticostéroïdes (>7,5 mg prednisolone équivalent par jour) |
x 2,0 |
Plusieurs scores ont été développés pour identifier les personnes à risque de fracture ostéoporotique, notamment le score FRAX qui est donné (et peut être calculé) pour plusieurs pays dont la Belgique (2). Les facteurs de risque repris dans FRAX sont mentionnés en annexe *.
Nous avons précédemment analysé dans la revue Minerva (3) une étude prospective danoise (4) qui avait inclus plus de 3000 femmes âgées de 40 à 90 ans, sans diagnostic ni traitement pour l’ostéoporose, et comparant plusieurs scores de dépistage de risque. Nous avons conclu que cette étude ne montrait pas de bénéfice du modèle FRAX (sans DMO) versus autres modèles moins complexes, ou simplement versus l’âge, dans la prédiction du risque de fracture ostéoporotique.
Un rapport du KCE de 2011 (5) avait également souligné que le modèle FRAX ne présentait qu’une capacité modérée à prédire les fractures (particulièrement celle du col du fémur) probablement en raison de la non prise en compte du risque de chutes et d’une relation dose-dépendance de certains risques (alcool, nombre de fractures antérieures).
Le SCOOP Study Team publie fin 2017 une RCT (6) évaluant l’intérêt d’un dépistage basé sur le score FRAX (n = 6233) versus soins courants (n = 6250) dans une population de femmes âgées de 70 à 85 ans dans 7 régions du Royaume-Uni, en termes de prévention de fractures liées à l’ostéoporose. Après randomisation, le score FRAX est déterminé dans le groupe dépisté. Pour les femmes avec seuil de risque de fracture de hanche élevé pour leur âge, une DMO est réalisée (T score du col fémoral moyen de -2,6 dans ce groupe de 3064 femmes (49% des dépistées)). Les résultats sont alors communiqués aux patientes et à leur médecin traitant pour prise en charge. Un résultat de score FRAX bas est également communiqué. Sur les 5 ans d’étude, 24% des femmes dans le groupe dépisté (dont 78% dans le groupe à haut risque) et 16% des femmes dans le groupe soins courants ont reçu des prescriptions de médicaments anti-ostéoporotiques.
Sur les 5 ans, la proportion de femmes ayant présenté une fracture ostéoporotique (critère primaire) a été de 12,9% dans le groupe dépistage et de 13,6% dans le groupe soins courants, soit un HR de 0,94 (avec IC à 95% de 0,85 à 1,03 ; p = 0,178). Les fractures les plus fréquentes ont été celles du poignet, puis de la hanche, avec une incidence globale de 3,3 pour 100 années-patient (= sur un an, pour 100 patients observés dans l’étude) pour toute fracture, 1,1 pour 100 années-patient pour les fractures du poignet, 0,66 pour 100 années-patient pour les fractures de hanche.
Une analyse secondaire préspécifiée montre une réduction relative de risque de 28% avec le dépistage pour les fractures de hanche : 2,6% versus 3,5%, HR de 0,72 (avec IC à 95% de 0,59 à 0,89 ; p = 0,002). En l’absence de significativité pour le critère primaire, ceci n’a qu’une valeur exploratoire.
Les auteurs concluent à la faisabilité d’un programme de dépistage systématique chez les femmes âgées au Royaume-Uni avec un bénéfice possible en termes de réduction des fractures de hanche. Ils mentionnent qu’une évaluation coût-efficacité est en cours.
Conclusion
Cette RCT britannique ne montre pas de bénéfice d’un dépistage systématique du risque de fracture ostéoporotique basé sur le score FRAX dans une population de femmes âgées de 70 à 85 ans en termes de prévention des fractures ostéoporotiques de toutes localisations, tout en calculant un bénéfice potentiel en termes de prévention des fractures de hanche (à confirmer).
Pour la pratique
En matière de dépistage, NICE recommande en 2017 (7) d’établir un risque de fracture chez les personnes ayant un antécédent de fracture de fragilité, un antécédent de chute ou en cas d’utilisation de glucocorticoïdes systémiques. Dans son GPC publié auparavant, en 2012 (8), NICE mentionne de prendre en considération la détermination du risque de fracture chez toutes les femmes âgées d’au moins 65 ans, chez les hommes âgés d’au moins 75 ans et chez les personnes moins âgées qui présentent des facteurs de risque de fracture. Les outils recommandés sont les scores FRAX ou QFracture.
La RCT britannique ici analysée illustre l’absence actuelle de preuve robuste de l’intérêt d’un dépistage systématique en termes de réduction du risque de fracture chez des femmes âgées.
- INAMI. Les traitements efficients pour la prévention des fractures liées à l’ostéoporose. Réunion de consensus 26/05/2005. Rapport du jury - Texte court.
- Score FRAX pour la Belgique. University of Sheffield (UK). URL: https://www.sheffield.ac.uk/FRAX/tool.aspx?country=18
- La rédaction Minerva. Un score plus performant pour identifier les femmes à risque de fracture ostéoporotique ? Minerva bref 15/04/2014.
- Rubin KH, Abrahamsen B, Friis-Holmberg T, et al. Comparison of different screening tools (FRAX®, OST, ORAI, OSIRIS, SCORE and age alone) to identify women with increased risk of fracture. A population-based prospective study. Bone 2013;56:16-22. DOI: 10.1016/j.bone.2013.05.002
- Roberfroid D, Camberlin C, Dubois C. Prévention médicamenteuse des fractures ostéoporotiques. Good Clinical Practice (GCP). Bruxelles: Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE). 2011. KCE Reports 159B. D/2011/10.273/33.
- Shepstone L, Lenaghan E, Cooper C, et al; SCOOP Study Team. Screening in the community to reduce fractures in older women (SCOOP): a randomised controlled trial. Lancet 2018;391:741-7. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)32640-5
- National Institute for Health and Care Excellence. Osteoporosis. Quality standard [QS 149]. Published date: April 2017.
- National Institute for Health and Care Excellence. Osteoporosis: assessing the risk of fragility fracture. Clinical guideline [CG146]. Published date: August 2012. Last updated: February 2017.
* Annexe
Facteurs de risque repris dans le score FRAX (2)
Les facteurs de risques utilisés sont les suivants :
Âge |
Le modèle accepte les âges entre 40 et 90 ans. Si des âges inférieurs à 40 ans ou supérieurs à 90 ans sont entrés, le programme calculera les probabilités à 40 et 90 ans respectivement. |
Sexe |
Masculin ou Féminin. Entrer ce qui est approprié. |
Poids |
Le poids doit être entré en kg. |
Taille |
La taille doit être entrée en cm. |
Fracture antérieure |
Une fracture précédente signifie plus précisément une fracture antérieure à l’âge adulte survenue spontanément, ou une fracture résultant d’un traumatisme qui, chez un individu en bonne santé, n’aurait pas provoqué une fracture. Entrer oui ou non (voir aussi les notes sur les facteurs de risques). |
Parents ayant eu une fracture de la hanche |
Demander s’il y a eu une fracture de la hanche chez la mère ou le père du patient. Entrer oui ou non. |
Actuellement fumeur |
Entrez oui ou non selon que le patient fume actuellement du tabac. (voir aussi les notes sur les facteurs de risques) |
Glucocorticoïdes |
Entrer oui si le patient est exposé aux glucocorticoïdes oraux ou y a été exposé pendant plus de trois mois à une dose de prednisolone de 5 mg par jour ou plus (ou une dose équivalente d’autres glucocorticoïdes). (voir aussi les notes sur les facteurs de risques). |
Polyarthrite rhumatoide |
Entrez oui si le patient a un diagnostic confirmé de polyarthrite rhumatoide. Autrement entrez non (voir aussi les notes sur les facteurs de risques). |
Ostéoporose secondaire |
Entrez oui si le patient a des pathologies fortement associées à l’ostéoporose. Ceci inclut le diabète de type 1 (insulino-dépendant), l’ostéogenesis imperfecta chez l’adulte, l’hyperthyroïdisme de longue date non-traité, l’hypogonadisme ou la ménopause prématurée (inférieure à 45 ans), la malnutrition chronique, la malabsorption et les maladies chroniques du foie. |
Alcool trois unités par jour ou plus |
Entrez oui si le patient prend 3 unités d’alcool par jour ou plus. Une unité d’alcool varie légèrement d’un pays à l’autre de 8 à 10 g d’alcool. C’est équivalent à un verre standard de bière (285 ml), une mesure unitaire de spiritueux (30 ml), un verre de vin de taille moyenne (120 ml), ou une mesure d’apéritif (60 ml) (voir aussi les notes sur les facteurs de risques).
|
Densité minérale osseuse (DMO) |
La DMO du col fémoral est entrée soit en T-score, soit en Z-score. Chez les patients sans test DMO, le champ doit être laissé blanc (provided by Oregon Osteoporosis Center). |
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