Analyse


Le test HPV par autoprélèvement est-il aussi fiable que le test HPV effectué par le médecin généraliste ?


01 10 2019

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Polman N, Ebisch R, Heideman D, et al. Performance of human papillomavirus testing on self-collected versus clinician-collected samples for the detection of cervical intraepithelial neoplasia of grade 2 or worse: a randomised, paired screen-positive, non-inferiority trial. Lancet Oncol 2019;20:229-38. DOI: 10.1016/S1470-2045(18)30763-0


Conclusion
Cette étude de non-infériorité, randomisée, contrôlée, qui a été correctement menée, montre qu’un test HPV primaire par autoprélèvement n’est pas inférieur à un test HPV primaire effectué par le médecin généraliste pour détecter les lésions précoces du cancer de col de l’utérus de haut grade.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Le guide de pratique clinique européen et celui de l’OMS recommandent d’effectuer un test de Papanicolaou tous les 3 à 5 ans entre 25 et 64 ans pour le dépistage du cancer du col de l’utérus. Depuis 2009, le test est remboursé en Belgique seulement une fois tous les trois ans. Les faits probants sont cependant nombreux pour proposer le test HPV comme premier test de dépistage du cancer du col de l’utérus chez les femmes à partir de l’âge de 30 ans. En cas de test HPV positif, un test de triage devrait alors avoir lieu par examen cytologique. Les femmes ne sont adressées à un spécialiste pour un diagnostic plus poussé qu’en cas d’anomalies à la cytologie (ASCUS+). Si les résultats du triage cytologique sont normaux, un nouvel examen cytologique doit être réalisé après six mois. Les femmes qui ont un test HPV positif et deux tests de triage négatifs se voient proposer chaque année un nouveau test HPV jusqu’à ce que le résultat soit négatif. Du fait du nombre élevé de faux positifs au test HPV, il est conseillé de continuer à réaliser le dépistage chez les femmes de moins de 30 ans par examen cytologique, certes suivi par un triage avec le test HPV. L’utilisation du test HPV peut en effet allonger à cinq ans l’intervalle entre les examens de dépistage (tant chez les femmes de moins de 30 ans que chez celles qui ont plus de 30 ans). Le test HPV n’est aujourd’hui utilisé et remboursé que comme test de suivi chez les femmes chez qui le résultat du test de Papanicolaou est anormal. Tout comme dans le cas du test de Papanicolaou, le test HPV s’effectue aussi à partir d’un frottis du col de l’utérus. Il ressort de l’étude décrite plus haut que le test HPV par autoprélèvement est un test valide que l’on peut utiliser comme outil de dépistage de substitution dans le cadre du dépistage primaire du HPV. Une bonne stratégie de mise en place et de communication serait cependant nécessaire pour faire réussir le test par autoprélèvement.



Une bonne alternative au test de Papanicolaou tous les trois ans entre 25 et 64 ans comme actuellement recommandé pour le dépistage du cancer du col de l’utérus est l’utilisation du test HPV en dépistage primaire. Cette approche est plus efficace que la cytologie classique pour prévenir le cancer du col de l’utérus et permet en outre de réduire la fréquence du dépistage à une fois tous les cinq ans (1-3). Comme nous en avons déjà discuté dans Minerva, le taux de participation au dépistage primaire du HPV peut augmenter grâce à un test par autoprélèvement comme alternative au frottis effectué par le médecin généraliste (4,5). Une condition importante est naturellement que cet autoprélèvement donne des résultats fiables par comparaison avec ceux que l’on obtient suite à un frottis classique (1).

 

En vue d’examiner ce point, une étude de non-infériorité, randomisée, contrôlée, qui a été menée dans le cadre du programme national néerlandais de dépistage du cancer du col de l’utérus (6), a comparé la précision d’un test HPV par autoprélèvement et celle d’un test HPV effectué par le médecin généraliste pour détecter les lésions CIN2+ ou CIN3+ (donc des lésions de haut grade et des carcinomes). Comme ces lésions sont relativement rares, les chercheurs avaient besoin d’un large groupe de participantes (> 14000 femmes). Celles-ci ont été invitées, après leur consentement éclairé, à retourner un autoprélèvement par la poste ou à se rendre chez le médecin généraliste pour un frottis. Il s’agit donc ici d’un dépistage primaire du HPV sans cytologie. Dans le groupe « autoprélèvement », 7,4% (569/7634) des femmes étaient positives pour le HPV, et dans le groupe « médecin généraliste », 7,2% (451/6282). Il n’y avait donc pas de différence significative dans la prévalence du HPV (risque relatif (RR) de 1,04 avec IC à 95% de 0,92 à 1,17). Il a été demandé aux femmes du groupe « autoprélèvement » dont le test HPV était positif d’aussi se rendre chez le médecin généraliste pour un frottis afin de dépister le HPV et de réaliser un examen cytologique. Les femmes du groupe « médecin généraliste » dont le test HPV était positif ont été invitées à effectuer également un test HPV par autoprélèvement. Le test croisé accroît la puissance pour montrer la non-infériorité quant à la sensibilité entre le test HPV par autoprélèvement initial et le test HPV effectué par le médecin généraliste.

Dans une étude diagnostique, les femmes négatives pour le HPV seraient idéalement aussi suivies, mais, comme on s’attendait à un faible taux de participation de leur part, cette option n’a pas été retenue. Dans la pratique, en cas de résultat normal au dépistage, les échantillons ne sont pas soumis à des examens complémentaires. Par ailleurs, on s’attendait à peu de faux négatifs, et le test HPV croisé ne s’est avéré contradictoire que dans de rares cas.

Un examen cytologique a été réalisé sur tous les frottis. Conformément aux guides de pratique clinique néerlandais, il a été demandé aux femmes dont l’examen cytologique était positif de refaire un examen cytologique après six mois. Les femmes avec un résultat anormal à l’examen cytologique du premier frottis ou du frottis après six mois étaient adressées à un spécialiste pour une colposcopie. Après un suivi médian de 20 mois (interquartile 17 à 22), aucune différence significative n’a pu être constatée quant à la précision pour la détection des lésions CIN2+ entre le groupe « autoprélèvement » et le groupe « médecin généraliste » (sensibilité relative de 0,96 avec IC à 95% de 0,90 à 1,03 et spécificité relative de 1,00 avec IC à 95% de 0,99 à 1,01). Pour les lésions CIN3+ également, la précision était très semblable (sensibilité relative de 0,99 avec IC à 95% de 0,91 à 1,08 et spécificité relative de 1,00 avec IC à 95% de 0,99 à 1,01). Tenant compte d’un seuil de non-infériorité (7) de 90%, établi par consensus pour les nouveaux tests HPV (8), la non-infériorité du test HPV par autoprélèvement est ici montrée.

Pour que la mise en œuvre du test HPV par autoprélèvement réussisse, il faut que le test possède de bonnes caractéristiques, en plus d’autres conditions également importantes, qui ne sont pas examinées ici. Le test doit être acceptable pour le groupe cible (ce que différentes études ont déjà montré), mais il faut aussi que les personnes chez qui le test HPV par autoprélèvement est anormal (positif pour le HPV) soient convaincues de se faire suivre, entre autres en ayant recours au frottis. Les femmes étaient largement prêtes à s’y soumettre dans cette étude, mais la recherche menée dans d’autres pays, comme la France et la Suède (9,10), ont montré que la compliance y était moins bonne.

 

Conclusion

Cette étude de non-infériorité, randomisée, contrôlée, qui a été correctement menée, montre qu’un test HPV primaire par autoprélèvement n’est pas inférieur à un test HPV primaire effectué par le médecin généraliste pour détecter les lésions précoces du cancer de col de l’utérus de haut grade.

 

Pour la pratique

Le guide de pratique clinique européen et celui de l’OMS recommandent d’effectuer un test de Papanicolaou tous les 3 à 5 ans entre 25 et 64 ans pour le dépistage du cancer du col de l’utérus (1). Depuis 2009, le test est remboursé en Belgique seulement une fois tous les trois ans. Les faits probants sont cependant nombreux pour proposer le test HPV comme premier test de dépistage du cancer du col de l’utérus chez les femmes à partir de l’âge de 30 ans (1-3). En cas de test HPV positif, un test de triage devrait alors avoir lieu par examen cytologique. Les femmes ne sont adressées à un spécialiste pour un diagnostic plus poussé qu’en cas d’anomalies à la cytologie (ASCUS+). Si les résultats du triage cytologique sont normaux, un nouvel examen cytologique doit être réalisé après six mois. Les femmes qui ont un test HPV positif et deux tests de triage négatifs se voient proposer chaque année un nouveau test HPV jusqu’à ce que le résultat soit négatif (1). Du fait du nombre élevé de faux positifs au test HPV, il est conseillé de continuer à réaliser le dépistage chez les femmes de moins de 30 ans par examen cytologique, certes suivi par un triage avec le test HPV. L’utilisation du test HPV peut en effet allonger à cinq ans l’intervalle entre les examens de dépistage (tant chez les femmes de moins de 30 ans que chez celles qui ont plus de 30 ans) (11-14). Le test HPV n’est aujourd’hui utilisé et remboursé que comme test de suivi chez les femmes chez qui le résultat du test de Papanicolaou est anormal. Tout comme dans le cas du test de Papanicolaou, le test HPV s’effectue aussi à partir d’un frottis du col de l’utérus. Il ressort de l’étude décrite plus haut que le test HPV par autoprélèvement est un test valide que l’on peut utiliser comme outil de dépistage de substitution dans le cadre du dépistage primaire du HPV. Une bonne stratégie de mise en place et de communication serait cependant nécessaire pour faire réussir le test par autoprélèvement.

 

 

Références 

  1. Arbyn M, Haelens A, Desomer A, et al. Cervical cancer screening program and Human Papillomavirus (HPV) testing, part II: Update on HPV primary screening. Health Technology Assessment (HTA) Brussels: Belgian Health Care Knowledge Centre (KCE). 2015. KCE Reports 238. D/2015/10.273/17.
  2. Baay M, Verhoeven V. Dépistage du cancer du col : recherche du HPV plus efficace que la cytologie conventionnelle ? MinervaF 2011;10(2):21-2.
  3. Ronco G, Giorgi-Rossi P, Carozzi F, et al. Efficacy of human papillomavirus testing for the detection of invasive cervical cancers and cervical intraepithelial neoplasia: a randomised controlled trial. Lancet Oncol 2010;11:249-57. DOI: 10.1016/S1470-2045(09)70360-2
  4. Verhoeven V, Autoprélèvement pour la détection de l’infection du col de l’utérus à HPV : une alternative crédible ? MinervaF 2015;14(10):122-3.
  5. Duke P, Godwin M, Ratnam S, et al. Effect of vaginal self-sampling on cervical cancer screening rates: a community-based study in Newfoundland. BMC Womens Health 2015;15:47. DOI: 10.1186/s12905-015-0206-1
  6. Polman N, Ebisch R, Heideman D, et al. Performance of human papillomavirus testing on self-collected versus clinician-collected samples for the detection of cervical intraepithelial neoplasia of grade 2 or worse: a randomised, paired screen-positive, non-inferiority trial. Lancet Oncol 2019;20:229-38. DOI: 10.1016/S1470-2045(18)30763-0
  7. Chevalier P. Etude de non infériorité : intérêt, limites et pièges. MinervaF 2009;8(7):100.
  8. Meijer CJ, Berkhof J, Castle PE, et al. Guidelines for human papillomavirus DNA test requirements for primary cervical cancer screening in women 30 years and older. Int J Cancer 2009;124:516-20. DOI: 10.1002/ijc.24010
  9. Sancho-Garnier H, Tamalet C, Halfon P, et al. HPV self-sampling or the Pap-smear: a randomized study among cervical screening nonattenders from lower socioeconomic groups in France. Int J Cancer 2013;133:2681-7. DOI: 10.1002/ijc.28283
  10. Broberg G, Gyrd-Hansen D, Miao Jonasson J, et al. Increasing participation in cervical cancer screening: offering a HPV self-test to long-term non-attendees as part of RACOMIP, a Swedish randomized controlled trial. Int J Cancer 2014;134: 2223-30. DOI: 10.1002/ijc.28545
  11. Joly L. Espacer à plus de 5 ans les dépistages du cancer du col utérin grâce au test HPV ? Minerva bref 15/09/2017.
  12. Dijkstra MG, van Zummeren M, Rozendaal L, et al. Safety of extending screening intervals beyond five years in cervical screening programmes with testing for high risk human papillomavirus : 14 year follow-up of population based randomised cohort in the Netherlands. BMJ 2016;355:i4924. DOI: 10.1136/bmj.i4924
  13. Baay M. , Verhoeven V. Intégrer un test HPV dans le dépistage du cancer du col ? MinervaF 2008;7(7):108-9.
  14. Bulkmans NW, Berkhof J, Rozendaal L, et al. Human papillomavirus DNA testing for the detection of cervical intraepithelial neoplasia grade 3 and cancer: 5-year follow-up of a randomised controlled implementation trial. Lancet 2007;370:1764-72. DOI: 10.1016/S0140-6736(07)61450-0

 


Auteurs

Verhoeven V.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Universiteit Antwerpen
COI :

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