Analyse
Espacer à plus de 5 ans les dépistages du cancer du col utérin grâce au test HPV ?
Le KCE rappelait en 2015 que la cytologie conventionnelle pour le dépistage du cancer du col de l’utérus est peu reproductible, modérément sensible et peu efficiente (1). Une méta-analyse de 2014 (2) reprenant entre autres une étude analysée par Minerva (3,4) et l’essai POBASCAM réalisé aux Pays-Bas (5) ont montré qu’un test HPV était plus sensible pour la détection des lésions précancéreuses (CIN2 et CIN3) qu’une cytologie et offrait une protection sur l’incidence des cancers invasifs à plus long terme en cas de négativité. Cet avantage n’était toutefois pas démontré chez les femmes de moins de 30 ans. La fréquence de dépistage actuellement recommandée par cytologie conventionnelle (1x/5 ans aux Pays-Bas, 1x/3 ans en Belgique) pourrait donc être allongée pour les ≥ 30 ans grâce à un algorithme de dépistage (organisé ou opportuniste) basé sur un triage en 2 étapes, avec l’utilisation du test HPV comme examen primaire (1,2). Avant 30 ans, l’utilisation du test HPV n’est pas recommandée parce que le risque de surdiagnostic est trop important, les infections par HPV étant particulièrement fréquentes et généralement transitoires dans cette population (1,2). Les Pays-Bas ont prévu d’utiliser le test HPV en triage et de l’espacer à 10 ans au lieu de 5 ans chez les femmes de ≥ 40 ans avec test HPV négatif sur base de modèles coûts-efficacité fondés sur des résultats d’une étude réalisée pour évaluer la meilleure stratégie de dépistage et la sécurité de cette extension (6).
Cette évaluation est basée sur une étude prospective, randomisée, portant sur 43339 femmes de la cohorte POBASCAM âgées de 29 à 61 ans (âge moyen de 42,8 ans) avec test HPV et/ou cytologie négatifs entre janvier 1999 et septembre 2002. Le suivi a été de 14 ans. Le groupe intervention a bénéficié du test combiné (HPV et cytologie) 1x/5 ans en cas de résultat doublement négatif, d’une prise en charge conventionnelle en cas de test cytologique positif, et d’un suivi spécifique en cas de test HPV+/cytologie -. Le groupe contrôle a bénéficié de la cytologie seule (+ 1 test HPV dont les résultats sont restés cachés), d’un suivi de 1x/5 ans en cas de cytologie négative, et d’un suivi conventionnel en cas de résultat positif. Les suivis à 5 et 10 ans étaient identiques dans les 2 groupes et ont suivi un protocole prédéfini.
Le critère de jugement principal est l’incidence cumulée (i.c.) de CIN3+ (cervical intraepithelial neoplasia) et de cancer du col après 14 ans (et donc 3 dépistages séparés d’un intervalle de 5 ans chacun). Les autres critères de jugement sont : l’i.c. de cancer du col et de CIN3+ en cas de test HPV négatif (cytologie négative) dans le groupe contrôle versus test combiné négatif (double négatif) dans le groupe intervention; l’i.c. de CIN3+ et de cancer du col chez les femmes de ≥ 40 ans et de < 40 ans avec dépistage négatif ; l’i.c. de ces mêmes lésions après virage HPV en utilisant 4 algorithmes de suivi (cytologie immédiate, cytologie à 0 et 6 mois, génotypage HPV, cytologie à 0 et 6 mois + génotypage).
Les résultats observés sont les suivants :
- pour le critère de jugement principal, l’i.c. au 3ème épisode de dépistage (soit 14 ans de suivi) pour les femmes avec un test HPV négatif dans le groupe intervention était similaire à celle du groupe contrôle au 2ème épisode (soit 9 ans de suivi) pour les femmes avec cytologie négative :
- l’incidence du CIN3+ est 72,2% (avec IC à 95% de 61,6% à 79,9% ; p < 0,001) inférieure pour les femmes ≥ 40 ans avec test HPV négatif versus femmes plus jeunes ; aucune association significative entre l’incidence du cancer du col et l’âge n’a pu être montrée ; l’incidence de CIN3+ parmi les femmes avec HPV+/cytologie-, génotypage HPV 16/18, et/ou cytologies répétées, a été de 10,4 (avec IC à 95% de 5,9 à 18,4) fois supérieure versus femmes avec test HPV-
- les résultats de l’incidence du cancer du col ne permettent pas aux auteurs de conclure avec sécurité.
L’algorithme de suivi le plus discriminant en cas de test HPV positif est ici l’association de cytologies à 0 et 6 mois avec génotypage HPV sur le 1er prélèvement, ce qui précise la recommandation du KCE et de l’attitude choisie aux Pays-Bas (1,5). Quel que soit l’algorithme, l’intervalle de dépistage ne peut être allongé au-delà de 5 ans car l’i.c. de CIN3+ est au minimum quintuplée versus patientes HPV négatives (p < 0,001).
Conclusion
Cette étude de cohorte, randomisée, de bonne qualité méthodologique, conclut que dans le cadre du dépistage du cancer du col de l’utérus, le test HPV en triage, combiné ou non à la cytologie, autorise un allongement au-delà de 5 ans de l’intervalle de dépistage chez les patientes de ≥ 40 ans HPV négatives. Après un virage HPV, ce délai ne peut pas excéder 5 ans.
Pour la pratique
En Belgique, le rapport du KCE (1) de 2015 affirme que la seule détection de l’HPV 1x/5 ans (avec répétition d’une cytologie à 0 et 6 mois en cas d’anomalie) est plus efficiente qu’une cytologie 1x/3 ans. Cette étude de bonne qualité méthodologique montre qu’un allongement au-delà de 5 ans de l’intervalle de dépistage chez les patientes ≥ 40 ans HPV négatives est acceptable. Les auteurs eux-mêmes recommandent cependant de bien surveiller l’incidence des cancers dans cette population si l’intervalle de dépistage devait passer à 10 ans. Des données quant à l’impact sur le taux de couverture et le nombre de colposcopies ainsi que l’effet du vaccin sur le test HPV manquent encore.
- Arbyn M, Haelens A, Desomer A, et al. Quel dépistage pour le cancer du col ? – Synthèse. Health Technology Assessment (HTA). Bruxelles: Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE). 2015. KCE Reports 238Bs. D/2015/10.273/15.
- Ronco G, Dillner J, Elfström KM, et al. Efficacy of HPV-based screening for prevention of invasive cervical cancer: follow-up of four European randomised controlled trials. Lancet 2014;383:524-32. DOI: 10.1016/S0140-6736(13)62218-7
- Ronco G, Giorgi-Rossi P, Carozzi F, et al. Efficacy of human papillomavirus testing for the detection of invasive cervical cancers and cervical intraepithelial neoplasia: a randomised controlled trial. Lancet Oncol 2010;11:249-57. DOI: 10.1016/S1470-2045(09)70360-2
- Baay M, Verhoeven V. Dépistage du cancer du col : recherche du HPV plus efficace que la cytologie conventionnelle ? MinervaF 2011;10(2);21-2.
- Rijkaart DC, Berkhof J, Rozendaal L, et al. Human papillomavirus testing for the detection of high-grade cervical intraepithelial neoplasia and cancer: final results of the POBASCAM randomised controlled trial. Lancet Oncol 2012;13:78-88. DOI: 10.1016/S1470-2045(11)70296-0
- Dijkstra MG, van Zummeren M, Rozendaal L, et al. Safety of extending screening intervals beyond five years in cervical screening programmes with testing for high risk human papillomavirus : 14 year follow-up of population based randomised cohort in the Netherlands. BMJ 2016;355:i4924. DOI: 10.1136/bmj.i4924
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