Analyse


Quelle est l’utilité des antibiotiques dans les exacerbations de BPCO ?


15 10 2019

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Vollenweider DJ, Frei A, Steurer-Stey CA, et al. Antibiotics for exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2018, Issue 10. DOI: 10.1002/14651858.CD010257.pub2


Conclusion
Cette synthèse méthodique Cochrane nous permet de conclure que l’avantage des antibiotiques dans le traitement des exacerbations aiguës de BPCO chez les patients ambulants est faible et incertain.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Le guide de pratique clinique de Duodecim recommande d’utiliser les antibiotiques chez les patients ayant une exacerbation de BPCO avec aggravation de la dyspnée, augmentation des expectorations et présence d’expectorations purulentes. Cette synthèse méthodique Cochrane nous permet de conclure que l’avantage des antibiotiques dans le traitement des exacerbations aiguës de BPCO chez les patients ambulants est faible et incertain (GRADE faible). De nouvelles études sont nécessaires pour identifier les signes cliniques et les biomarqueurs qui peuvent aider à estimer l’avantage éventuel des antibiotiques dans une exacerbation de BPCO.



En 2014, Minerva a pu conclure (1), sur la base d’une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration (2), que les antibiotiques n’avaient pas d’effet statistiquement significatif sur l’évolution clinique des exacerbations aiguës de BPCO en première ligne.

 

Une mise à jour de cette synthèse méthodique Cochrane a récemment été publiée (3). Chez des patients présentant une exacerbation de BPCO, on a examiné l’effet des antibiotiques, versus placebo, sur les échecs du traitement d’un point de vue clinique (persistance ou aggravation des symptômes ; décès (suite à l’exacerbation) ; cure complémentaire d’antibiotiques ou nécessité d’autres médicaments) dans les 7 à 30 jours. Les auteurs ont sélectionné 19 études contrôlées par placebo, totalisant 2663 patients inclus, dont 11 études chez des patients ambulants, 7 chez des patients hospitalisés et 1 chez des patients dans un service de soins intensifs. Pour 70% des études, la randomisation a été réalisée correctement et en aveugle, et une analyse en intention de traiter a été effectuée.

En milieu ambulatoire, les résultats montrent une diminution statistiquement significative des échecs du traitement d’un point de vue clinique entre 7 jours et 1 mois en cas d’exacerbation légère à modérée de la BPCO (RR de 0,72 avec IC à 95% de 0,56 à 0,94 ; N = 7 études ; I² = 31% ; GRADE faible).

En ambulatoire également, les antibiotiques n’ont toutefois pas d’effet sur la mortalité (N = 1 étude avec de la doxycycline ; GRADE faible), ni sur les nouvelles exacerbations entre 2 et 6 semaines après le traitement initial (N = 1 étude), ni sur la qualité de vie (N = 1 étude).

L’utilisation des antibiotiques actuels chez les patients hospitalisés avec des exacerbations sévères n’a pas permis d’observer de diminution statistiquement significative des échecs du traitement (RR de 0,65 avec IC à 95% de 0,38 à 1,12 ; N = 4 études ; I² = 50% ; GRADE modéré, mais les données restent incertaines), ni de la mortalité (N = 2 études ; GRADE modéré) ni de la durée de l’hospitalisation (N = 3 études ; GRADE élevé).

Dans la seule étude menée dans un service de soins intensifs, on a observé, avec les antibiotiques, versus placebo, une diminution impressionnante, statistiquement significative, des échecs du traitement (RR de 0,19 avec IC à 95% de 0,08 à 0,45 ; GRADE modéré) ainsi qu’une diminution statistiquement significative de la mortalité (rapport de cote Peto de 0,21 avec IC à 95% de 0,06 à 0,72 ; GRADE modéré) et de la durée des hospitalisations (différence moyenne de -9,60 jours avec IC à 95% de -12,84 à -6,36 ; GRADE modéré). Devant cet effet positif, nous devons cependant bien remarquer que cette étude a été menée il y a une vingtaine d’années et que, depuis, les possibilités thérapeutiques se sont nettement améliorées pour les patients présentant une exacerbation grave de la BPCO qui se retrouvent en soins intensifs. Mais, au vu de l’ampleur de l’effet, il n’est plus possible, pour des raisons éthiques, de refaire cette étude. Dans l’ensemble, on n’a pas pu montrer de différence entre les antibiotiques et le placebo quant à l’incidence des effets indésirables (N = 6 études, GRADE modéré) ou de la diarrhée (N = 5 études, GRADE modéré).

 

Devant l’incohérence des résultats de cette synthèse méthodique en ce qui concerne les échecs thérapeutiques, on est appelé à rechercher des signes cliniques et des biomarqueurs qui soient utiles pour identifier les patients à qui des antibiotiques pourraient être bénéfiques en cas d’exacerbation de BPCO. L’utilité des « crachats purulents » comme signe clinique en cas d’exacerbation de BPCO n’a pas été suffisamment étudiée. Il est vrai que quatre études de cette synthèse méthodique incluaient des patients avec des expectorations purulentes et que seulement une étude a pu montrer un résultat positif des antibiotiques. Plusieurs études ont examiné l’utilité des biomarqueurs tels que la protéine C réactive (CRP) et la procalcitonine pour savoir quels patients ayant une exacerbation de BPCO tireraient profit d’une cure d’antibiotiques (4-7). Bien que les résultats vont dans cette direction (8) et que l’utilisation de la CRP est même mentionnée dans le guide de pratique clinique de l’association néerlandaise des médecins de famille (Nederlands Huisartsengenootschap, NHG) concernant la BPCO (9), l’utilité de la procalcitonine en première ligne reste sujet à controverse (10,11).

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique Cochrane nous permet de conclure que l’avantage des antibiotiques dans le traitement des exacerbations aiguës de BPCO chez les patients ambulants est faible et incertain.

 

Pour la pratique

Le guide de pratique clinique de Duodecim recommande d’utiliser les antibiotiques chez les patients ayant une exacerbation de BPCO avec aggravation de la dyspnée, augmentation des expectorations et présence d’expectorations purulentes (12).

Cette synthèse méthodique Cochrane nous permet de conclure que l’avantage des antibiotiques dans le traitement des exacerbations aiguës de BPCO chez les patients ambulants est faible et incertain (GRADE faible). D'autres études sont nécessaires pour identifier les signes cliniques et les biomarqueurs qui peuvent aider à estimer l’avantage éventuel des antibiotiques dans une exacerbation de BPCO.

 

 

Références 

  1. De Meyere M, De Sutter A. Exacerbations de BPCO : indications de l’antibiothérapie ? MinervaF 2014;13(2):19-20.
  2. Vollenweider DJ, Jarrett H, Steurer-Stey CA, et al. Antibiotics for exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 12. DOI: 10.1002/14651858.CD010257
  3. Vollenweider DJ, Frei A, Steurer-Stey CA, et al. Antibiotics for exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2018, Issue 10. DOI: 10.1002/14651858.CD010257.pub2
  4. Bates J, Francis NA, White P, et al. General practitioner use of a C-reactive protein point-of-care test to help target antibiotic prescribing in patients with acute exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease (the PACE study): study protocol for a randomised controlled trial. Trials 2017;18:442. DOI: 10.1186/s13063-017-2144-8
  5. Bremmer DN, DiSilvio BE, Hammer C, et al. Impact of procalcitonin guidance on management of adults hospitalized with chronic obstructive pulmonary disease exacerbations. J Gen Intern Med 2018,33:692-7. DOI: 10.1007/s11606-018-4312-2
  6. Prins HJ, Duijkers R, van der Valk P, et al. CRP-guided antibiotic treatment in acute exacerbations of COPD in hospital admissions. Eur Resp J 2019;53:pii:1802014. DOI: 10.1183/13993003.02014-2018
  7. Townsend J, Adams V, Galiatsatos P, et al. Procalcitonin-guided antibiotic therapy reduces antibiotic use for lower respiratory tract infections in a United States medical center: results of a clinical trial. Open Forum Infect Dis 2018;5:ofy327. DOI: 10.1093/ofid/ofy327
  8. Butler CC, Gillespie D, White P, et al. C-reactive protein testing to guide antibiotic prescribing for COPD exacerbations. N Engl J Med 2019;381:111-20. DOI: 10.1056/NEJMoa1803185
  9. Snoeck-Stroband J, Schermer T, Schayck CV, et al. NHG-Standaard COPD (Derde herziening). Huisarts Wet 2015;58:198-211.
  10. Verbakel J. Administrer des antibiotiques selon le dosage de procalcitonine : stratégie sûre ? MinervaF 2018,17(8):103-6.
  11. Schuetz P, Wirz Y, Sager R, et al. Effect of procalcitonin-guided antibiotic treatment on mortality in acute respiratory infections: a patient level meta-analysis. Lancet Infect Dis 2018;18:95-107. DOI: 10.1016/S1473-3099(17)30592-3
  12. Aanpak van acute exacerbaties van COPD. Ebpracticenet. BAPCOC 1/10/2008. (Guide de pratique clinique national uniquement disponible en Néerlandais.)  

 




Ajoutez un commentaire

Commentaires