Analyse
L’enzalutamide comme nouveau traitement de première intention du cancer de la prostate métastatique hormonosensible
Le traitement standard du cancer de la prostate métastatique consiste initialement en une castration pharmacologique (analogues ou antagonistes de la gonadoréline) ou chirurgicale (orchidectomie bilatérale) (1). Ces patients évoluent, après 18 mois en moyenne, vers un cancer de la prostate résistant à la castration (1,2). On propose donc, déjà au stade précoce de la maladie, de combiner des analogues de la gonadoréline à d’autres traitements systémiques pour améliorer le pronostic des patients qui ont un cancer de la prostate métastatique hormonosensible. À cet égard, l’abiratérone (un anti-androgène) et le docétaxel (un taxane) ont été étudiés avec succès en association avec l’hormonothérapie classique (3-5).
L’étude ENZAMET, une étude de phase III, randomisée, en ouvert, a examiné l’effet de l’enzalutamide (un anti-androgène) chez des patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique hormonosensible (6). Minerva (7) a déjà traité en 2019 des résultats de l’étude PROSPER (8), une étude de phase III, multicentrique, en double aveugle, randomisée, contrôlée par placebo, qui a montré que l’enzalutamide, un anti-androgène de deuxième génération, allongeait la survie sans métastases de manière statistiquement significative chez les patients atteints d’un cancer de la prostate non métastatique résistant à la castration avec récidive du PSA évoluant rapidement. Il s’est également avéré que l’enzalutamide améliore la survie des patients qui ont un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration (9). Cependant il n’existait pas encore de faits probants concernant l’utilité de ce produit en cas de cancer de la prostate métastatique hormonosensible.
De mars 2014 à mars 2017, 1125 patients ayant un cancer de la prostate métastatique (visible au scanner ou sur une scintigraphie osseuse) hormonosensible ont été randomisés en deux groupes de traitement : un groupe enzalutamide + déprivation androgénique (n = 563 patients) et un groupe recevant un anti-androgène de première génération (bicalutamide ou flutamide ou nilutamide) + déprivation androgénique (n = 562 patients). Il n’y avait pas de différences significatives entre les deux groupes quant aux caractéristiques de base. Le médecin pouvait, en concertation avec son patient, décider d’ajouter à ce traitement du docétaxel. Une récente étude a en effet montré des résultats favorables de l’association précoce de l’hormonothérapie et du docétaxel (10). Le critère de jugement primaire était la survie globale et les critères de jugement secondaires étaient la survie sans progression du PSA et la survie sans progression clinique (tant sur la base des données radiographiques que sur la base de la survenue de symptômes). Les analyses statistiques ont été effectuées en intention de traiter.
Il ressort d’une analyse intermédiaire prévue, effectuée en février 2019, qu’après un suivi médian de 34 mois, il y a eu moins de décès dans le groupe enzalutamide que dans le groupe contrôle, et ce de manière statistiquement significative (102 décès contre 143) : HRde 0,67 avec IC à 95% de 0,52 à 0,86 ; p = 0,002. Sur une courbe de Kaplan-Meier (11), la survie moyenne après trois ans était de 80% dans le groupe enzalutamide et de 72% dans le groupe contrôle. En termes de survie jusqu’à la progression du PSA et jusqu’à la progression clinique, le groupe enzalutamide a obtenu un meilleur score que le groupe contrôle, et ce de manière statistiquement significative (respectivement HR de 0,39 avec p = 0,001 et HR de 0,4 avec p = 0,001). Dans les deux groupes, plus de 50% des patients ont également reçu en même temps un traitement par docétaxel. L’effet de l’enzalutamide sur la survie moyenne après trois ans n’était pas statistiquement significatif pour ce sous-groupe (HR de 0,9 avec IC à 95% de 0,62 à 1,31). Les chercheurs attribuent cela à un défaut de puissance pour ce sous-groupe. Un suivi plus long devra apporter une réponse définitive à ce sujet. 33 patients du groupe enzalutamide contre 14 du groupe contrôle ont arrêté le traitement prématurément en raison d’effets indésirables. La fatigue et l’hypertension étaient respectivement six fois plus fréquente et deux fois plus fréquente dans le groupe enzalutamide.
Les résultats de cette analyse intermédiaire sont comparables à ceux de l’étude TITAN qui a comparé l’effet de l’apalutamide (ARN-509, aussi un anti-androgène de deuxième génération, non disponible en Belgique) + déprivation androgénique versus placebo + déprivation androgénique dans une étude de phase III multicentrique menée en double aveugle dans une population semblable (12). 10% avaient précédemment déjà reçu un traitement par docétaxel. Après un suivi médian de 24 mois, un allongement statistiquement significatif de la survie, par comparaison avec le groupe placebo (82,4% contre 73,5% ; HR de 0,67 avec IC à 95% de 0,51 à 0,89 pour les décès) avait été observé.
Conclusion
Les résultats intermédiaires de cette étude randomisée, multicentrique, menée en ouvert, qui a été menée correctement d’un point de vue méthodologique, montrent qu’un traitement par enzalutamide associé à une déprivation androgénique allonge la survie de manière statistiquement significative chez les patients ayant un cancer de la prostate métastatique hormonosensible, par comparaison avec des anti-androgènes de première génération en association avec la déprivation androgénique.
Pour la pratique
La déprivation androgénique reste le pilier du traitement du cancer de la prostate métastatique hormonosensible (1). Chez ces patients, l’association avec de l’enzalutamide semble, à court terme (2-3 ans) allonger la survie globale. Cependant, il n’y a actuellement pas de résultats connus provenant d’études comparant entre eux les différents anti-androgènes de deuxième génération. Dans l’attente de telles études, le choix pour l’un de ces produits dépend donc principalement du profil des effets indésirables, du profil du patient et du prix.
Dénomination des médicaments
- abiratérone = Zytiga
- bicalutamide = Casodex
- enzalutamide = Xtandi
- docétaxel = Taxotere
- Cancer de la prostate. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 23/05/2017. Dernière révision contexturelle: 25/02/2019.
- Dynamed. Metastatic Prostate Cancer. URL: https://www.dynamed.com/condition/metastatic-prostate-cancer
- James ND, de Bono JS, Spears MR, et al; STAMPEDE Investigators. Abiraterone for prostate cancer not previously treated with hormone therapy. N Engl J Med 2017;377:338–51. DOI: 10.1056/NEJMoa1702900
- Kyriakopoulos CE, Chen Y-H, Carducci MA, et al. Chemohormonal therapy in metastatic hormone-sensitive prostate cancer: long-term survival analysis of the randomized phase III E3805 CHAARTED Trial. J Clin Oncol 2018;36:1080-7. DOI: 10.1200/JCO.2017.75.3657
- James ND, Sydes MR, Clarke NW, et al. Addition of docetaxel, zoledronic acid, or both to first-line long-term hormone therapy in prostate cancer (STAMPEDE): survival results from an adaptive, multiarm, multistage, platform randomised controlled trial. Lancet 2016;387:1163-77. DOI: 10.1016/S0140-6736(15)01037-5
- Davis ID, Martin AJ, Stockler MR, et al; ENZAMET Trial Investigators and the Australian and New Zealand Urogenital and Prostate Cancer Trials Group. Enzalutamide with standard first-line therapy in metastatic prostate cancer. N Engl J Med 2019;381:121-31. DOI: 10.1056/NEJMoa1903835
- Moris L, Van den Broeck T, Claessens F, Joniau S. Effet de l’enzalutamide sur la survie sans métastases chez les patients présentant un cancer de la prostate non métastatique résistant à la castration. Minerva bref 15/05/2019.
- Hussain M, Fizazi K, Saad F, et al. Enzalutamide in men with nonmetastatic, castration-resistant prostate cancer. N Engl J Med 2018;378:2465-74. DOI: 10.1056/NEJMoa1800536
- Beer TM, Armstrong AJ, Rathkopf DE, et al. Enzalutamide in metastatic prostate cancer before chemotherapy. N Engl J Med 2014;371:424-33. DOI: 10.1056/NEJMoa1405095
- Sweeney CJ, Chen YH, Carducci M, et al. Chemohormonal therapy in metastatic hormone-sensitive prostate cancer. N Engl J Med 2015;373:737-46. DOI: 10.1056/NEJMoa1503747
- Poelman T. Rapport de hasards (hazard ratio, HR) et risque relatif. MinervaF 2013;12(10):129.
- Chi KN, Agarwal N, Bjartell A, et al. Apalutamide for metastatic, castration-sensitive prostate cancer. N Engl J Med 2019;381:13-24. DOI: 10.1056/NEJMoa1903307
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