Analyse


Effet de l’enzalutamide sur la survie sans métastases chez les patients présentant un cancer de la prostate non métastatique résistant à la castration


15 05 2019

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Hussain M, Fizazi K, Saad F, et al. Enzalutamide in men with nonmetastatic, castration-resistant prostate cancer. N Engl J Med 2018;378:2465-74. DOI: 10.1056/NEJMoa1800536


Conclusion
Les résultats intermédiaires de cette étude randomisée multicentrique, en double aveugle, contrôlée par placebo montrent qu’un traitement par enzalutamide allonge de manière statistiquement significative la survie sans métastases chez les patients ayant un cancer de la prostate non métastatique résistant à la castration et présentant une récidive du PSA évoluant rapidement. Il est nécessaire de poursuivre la recherche sur le gain en termes de mortalité globale et de qualité de vie ainsi que sur les effets indésirables associés à l’enzalutamide.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Sur base des résultats intermédiaires de l’étude PROSPER analysée ici et de l’étude SPARTAN, le guide de bonne pratique de l’Association européenne d’urologie recommande fortement que, chez les patients ayant un cancer de la prostate non métastatique résistant à la castration et présentant un risque élevé de développement de métastases (doublement du PSA ≤ 10 mois), d’instaurer un traitement avec un anti-androgène de deuxième génération (enzalutamide ou apalutamide) pour retarder le développement des métastases. Les avantages et les inconvénients de l’instauration de ce traitement doivent être envisagés lors d’une consultation oncologique multidisciplinaire et être discutés avec le patient, surtout dans le cadre de la prévention d’éventuels effets indésirables (graves).



Le traitement des patients ayant une récidive purement biologique du cancer de la prostate (PSA entre 0,2 et 4 ng/ml) sans progression clinique ou radiographique associée reste un sujet de discussion. Un commentaire publié antérieurement par Minerva concluait que l’ajout de bicalutamide, un anti-androgène primaire, à une radiothérapie de sauvetage chez les patients présentant une récidive du PSA après prostatectomie radicale, entraînait un allongement de la survie (1,2). 

 

L’étude PROSPER, une étude de phase 3, multicentrique, en double aveugle, randomisée, contrôlée par placebo, a examiné l’effet de l’enzalutamide, un anti-androgène de deuxième génération, chez des patients ayant un cancer de la prostate non métastatique résistant à la castration (3). À ce stade de la maladie, les patients développent une récidive du PSA malgré une castration réussie avec des analogues ou des antagonistes de la gonadoréline ou suite à une orchidectomie bilatérale (entraînant une concentration en testostérone < 50 ng/dl) sans signes évidents de progression métastatique et sans symptômes cliniques marqués (4). Ce groupe présente un risque accru de développement de métastases (5), associé à une survie médiane de seulement trois ans (6). Le délai dans la poursuite du traitement chez les patients ayant un cancer de la prostate non métastatique résistant à la castration peut donc avoir pour conséquence le développement de métastases associées à des complications du cancer, telles que la douleur et le décès. D’un autre côté, nous devons avoir conscience que l’instauration d’un traitement dans une population qui ne présente pas d’autres symptômes risque d’entraîner des effets indésirables avec une diminution de la qualité de vie. De novembre 2013 à juin 2017, 1401 patients au total ayant un âge médian de 73 à 74 ans, avec un PSA médian de 10 à 11 ng/ml et un temps de doublement du PSA de 3,6 à 3,8 mois, ont été randomisés dans un groupe prenant quotidiennement 160 mg d’enzalutamide (n = 933) ou un groupe recevant tous les jours un placebo (n = 468). Après la randomisation, tous les patients ont passé un examen d’imagerie toutes les 16 semaines pour détecter des métastases. Le principal critère de jugement choisi était la survie sans métastases, définie comme le délai entre la randomisation et la progression à la radiographie ou comme le délai entre la randomisation et le décès jusqu’à 112 jours après la fin du traitement en raison d’une progression clinique de la maladie ou en raison d’effets indésirables.

 

En juin 2017, les producteurs pharmaceutiques de l’enzalutamide ont effectué une analyse intermédiaire. 23% des patients du groupe enzalutamide versus 49% dans le groupe placebo présentaient une progression à la radiographie ou étaient décédés, le plus souvent d’une progression radiographique (respectivement 85% et 98% des principaux critères de jugement dans le groupe enzalutamide et dans le groupe placebo). L’analyse en intention de traiter a montré, après un suivi médian de 18,5 mois dans le groupe enzalutamide et de 15,1 mois dans le groupe placebo, une survie médiane sans métastases de respectivement 36,6 et 14,7 mois, soit un rapport de hasards (hazard ratio, HR) de 0,29 avec IC à 95% de 0,24 à 0,35. En outre, le délai jusqu’à la progression du PSA et le délai jusqu’au nouveau traitement anticancéreux suivant (critères de jugement secondaires) étaient plus longs, et ce de manière statistiquement significative, dans le groupe enzalutamide que dans le groupe placebo. Cette analyse intermédiaire n’a pas (encore) pu montrer de différence quant à la mortalité globale et quant à la qualité de vie. Les effets indésirables graves (hypertension, événements cardiovasculaires majeurs, troubles mentaux, convulsions, chutes et fractures, neutropénie) sont survenus en plus grand nombre dans le groupe enzalutamide que dans le groupe placebo. De plus, les patients arrêtant le traitement à cause d’effets indésirables étaient plus nombreux dans le groupe enzalutamide que dans le groupe placebo.

Les résultats de cette étude intermédiaire sont comparables à ceux de l’étude SPARTAN qui examinait l’effet de l’apalutamide (ARN-509, anti-androgène de deuxième génération, non disponible en Belgique) versus un placebo chez une population de patients semblables (7).

 

Conclusion

Les résultats intermédiaires de cette étude randomisée multicentrique, en double aveugle, contrôlée par placebo montrent qu’un traitement par enzalutamide allonge de manière statistiquement significative la survie sans métastases chez les patients ayant un cancer de la prostate non métastatique résistant à la castration et présentant une récidive du PSA évoluant rapidement. Il est nécessaire de poursuivre la recherche sur le gain en termes de mortalité globale et de qualité de vie ainsi que sur les effets indésirables associés à l’enzalutamide.

 

Pour la pratique

Sur base des résultats intermédiaires de l’étude PROSPER (3) analysée ici et de l’étude SPARTAN (7), le guide de bonne pratique de l’Association européenne d’urologie (8) recommande fortement que, chez les patients ayant un cancer de la prostate non métastatique résistant à la castration et présentant un risque élevé de développement de métastases (doublement du PSA ≤ 10 mois), d’instaurer un traitement avec un anti-androgène de deuxième génération (enzalutamide ou apalutamide) pour retarder le développement des métastases. Les avantages et les inconvénients de l’instauration de ce traitement doivent être envisagés lors d’une consultation oncologique multidisciplinaire et être discutés avec le patient, surtout dans le cadre de la prévention d’éventuels effets indésirables (graves).

 

 

Dénomination du médicament

  • enzalutamide : Xtandi

 

Références 

  1. Moris L, Van den Broeck T, Claessens F, Joniau S. Radiothérapie avec ou sans antiandrogènes en cas de récidive du cancer prostatique ? Minerva bref 15/12/2017.
  2. Shipley WU, Seiferheld W, Lukka HR, et al. Radiation with or without antiandrogen therapy in recurrent prostate cancer. N Eng J Med 2017;376:417-28. DOI: 10.1056/NEJMoa1607529
  3. Hussain M, Fizazi K, Saad F, et al. Enzalutamide in men with nonmetastatic, castration-resistant prostate cancer. N Engl J Med 2018;378:2465-74. DOI: 10.1056/NEJMoa1800536
  4. Cancer de la prostate. Ebpracticenet 1/01/2000. Dernière mise à jour: 23/05/2017.  Dernière révision contextuelle: 26/02/2019.
  5. Smith MR, Cook R, Lee KA, Nelson JB. Disease and host characteristics as predictors of time to first bone metastasis and death in men with progressive castration-resistant nonmetastatic prostate cancer. Cancer 2011;117:2077-85. DOI: 10.1002/cncr.25762
  6. Afshar M, Evison F, James ND, Patel P. Shifting paradigms in the estimation of survival for castration-resistant prostate cancer: a tertiary academic center experience. Urol Oncol 2015;33:338.e1-7. DOI: 10.1016/j.urolonc.2015.05.003
  7. Smith M, Saad F, Chowdhury S, Oudard S, et al. Apalutamide treatment and metastasis-free survival in prostate cancer. N Engl J Med 2018;378:1408-18. DOI: 10.1056/NEJMoa1715546
  8. Prostate Cancer. Guidelines for non-metastatic castrate-resistent disease. European Association of Urology 2019. URL: https://uroweb.org/guideline/prostate-cancer/?type=summary-of-changes

 


Auteurs

Moris L.
Dienst Urologie, UZ Leuven
COI :

Van den Broeck T.
Dienst Urologie, UZ Leuven; Laboratorium voor Moleculaire Endocrinologie, KU Leuven
COI :

Claessens F.
Laboratorium voor Moleculaire Endocrinologie, KU Leuven
COI :

Joniau S.
Dienst Urologie, UZ Leuven
COI :

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