Analyse


Radiothérapie avec ou sans antiandrogènes en cas de récidive du cancer prostatique ?


15 12 2017

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Shipley WU, Seiferheld W, Lukka HR, et al. Radiation with or without antiandrogen therapy in recurrent prostate cancer. N Eng J Med 2017;376:417-28. DOI: 10.1056/NEJMoa1607529


Conclusion
Cette étude randomisée contrôlée montre que l’association d’antiandrogènes (bicalutamide) et de la radiothérapie de rattrapage prolonge la survie des patients qui présentent une récidive biologique (PSA entre 0,2 et 4 ng/ml) après prostatectomie radicale.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Les patients traités par prostatectomie radicale sont généralement suivis tous les six mois pendant cinq ans et le taux de PSA doit rester indétectable (< 0,1 ng/ml). Dès que le PSA réaugmente au-dessus de 0,2 ng/ml, on parle de récidive biologique, et un traitement par radiothérapie de rattrapage peut être envisagé. Une consultation oncologique multidisciplinaire est probablement encore nécessaire pour discuter de l’association d’un traitement hormonal.



Après un traitement radical du cancer de la prostate, 27 à 53% des patients développent une récidive en termes de taux de PSA, appelée « récidive biologique » (1). A ce jour, on ne sait pas quelle est la meilleure manière de traiter ce problème. Comme la récidive biologique n’évolue pas systématiquement en une récidive clinique manifeste (2), le clinicien est confronté à un défi important : prévenir la maladie métastatique tout en évitant le surtraitement. La radiothérapie de rattrapage a déjà montré son utilité dans des groupes de patients sélectionnés (3). L’avantage d’un traitement associant des antiandrogènes à la radiothérapie est également suffisamment étayé pour le traitement primaire du cancer de la prostate (4). On ignore cependant si l’ajout d’antiandrogènes à une radiothérapie de rattrapage apporte un bénéfice supplémentaire.

Une étude randomisée contrôlée récemment  publiée (5) a cherché à savoir si cette approche conduisait à un meilleur contrôle de la maladie et à un allongement de la survie. Elle a examiné l’effet des antiandrogènes, versus placebo, pendant ou après une radiothérapie de rattrapage chez 760 patients présentant une récidive biologique (PSA se situant entre 0,2 et 4 ng/ml) au moins 8 semaines après une prostatectomie radicale avec lymphadénectomie d’un carcinome prostatique pT2 ou pT3 et ganglions négatifs. Le traitement antiandrogénique consistait à prendre du bicalutamide à la dose d’un comprimé de 150 mg par jour pendant 24 mois. Après 12 ans, 21 patients du groupe bicalutamide étaient décédés des suites du cancer de la prostate versus 46 patients du groupe placebo. Cela correspond à une mortalité spécifique du cancer prostatique de 5,8% dans le groupe bicalutamide et de 13,4% dans le groupe placebo (rapport de hasards (hazard ratio, HR) 0,49 avec IC à 95% de 0,32 à 0,74). La survie globale (critère d’évaluation primaire) était plus élevée dans le groupe bicalutamide que dans le groupe placebo (76,3% vs 71,3% ; HR pour les décès de 0,77 avec IC à 95% de 0,59 à 0,99). Chez les patients du groupe bicalutamide, on a également observé moins de métastases à distance (HR 0,63 avec IC à 95% de 0,46 à 0,87), moins de récidives biologiques (HR 0,48 avec IC à 95% de 0,40 à 0,58) et moins de progressions locales de la maladie (HR 0,36 avec IC à 95% de 0,15 à 0,85) que dans le groupe placebo. Une gynécomastie est plus souvent apparue dans le groupe bicalutamide (69,7% versus 10,9%) sans toutefois mener à l’arrêt du traitement. Des analyses post hocen sous-groupes ont montré qu’en termes de survie, l’avantage le plus important de l’association de la radiothérapie et du bicalutamide était obtenu chez les patients qui avaient un PSA élevé au moment de l’inclusion (1,5 à 4,0 ng/µl), des marges d’exérèse positives et un score de Gleason plus élevé (> 7). Il serait permis d’en conclure qu’il vaut peut-être mieux réserver l’association thérapeutique aux patients chez qui la récidive est plus grave. Les directives de l’Association européenne d’urologie (European Association of Urology, EAU) ne recommandent d’ailleurs pas l’utilisation systématique des antiandrogènes avec la radiothérapie de rattrapage (1). Il convient de souligner que l’étude princeps, dont le suivi est ici analysé, date de 1998. Depuis, de nombreux progrès ont été enregistrés sur le plan du diagnostic (détection du PSA) et du traitement (optimalisation de la radiothérapie, thérapie hormonale). Une récente étude, l’étude GETUG-AFU 16 (6), a examiné l’effet de la radiothérapie de rattrapage associée ou non à un agoniste de la LHRH à action rapide (goséréline) et a pu montrer que l’association thérapeutique entraînait une diminution de la progression clinique et biologique (HR 0,50 avec IC à 95% de 0,38 à 0,66). Un suivi plus long est toutefois nécessaire pour préciser les résultats concernant la survie globale. La poursuite de la recherche est nécessaire pour connaître l’effet des autres formes de traitement hormonal (abiratone, enzalutamide..).

 

Conclusion 

Cette étude randomisée contrôlée montre que l’association d’antiandrogènes (bicalutamide) et de la radiothérapie de rattrapage prolonge la survie des patients qui présentent une récidive biologique (PSA entre 0,2 et 4 ng/ml) après prostatectomie radicale.

 

Pour la pratique

Les patients traités par prostatectomie radicale sont généralement suivis tous les six mois pendant cinq ans et le taux de PSA doit rester indétectable (< 0,1 ng/ml) (1,7). Dès que le PSA réaugmente au-dessus de 0,2 ng/ml, on parle de récidive biologique, et un traitement par radiothérapie de rattrapage peut être envisagé. Une consultation oncologique multidisciplinaire est probablement encore nécessaire pour discuter de l’association d’un traitement hormonal.

 

Dénomination du médicament

  • Bicalutamide = Casodex®
  • Goséréline = Zoladex®

Références 

  1. Mottet N, Bellmunt J, Briers E, et al; members of the EAU – ESTRO – ESUR –SIOG Prostate Cancer Guidelines Panel. EAU – ESTRO – ESUR – SIOG Guidelines on Prostate Cancer. Edn. presented at the EAU Annual Congress London 2017. ISBN: 978-90-79754-91-5. Publisher: EAU Guidelines Office, 2017. Retrieved from: https://uroweb.org/guideline/prostate-cancer/. Access date 11/12/2017.
  2. Boorjian SA, Thompson RH, Tollefson MK, et al. Long-term risk of clinical progression after biochemical recurrence following radical prostatectomy: the impact of time from surgery to recurrence. Eur Urol 2011;59:893-9. DOI: 10.1016/j.eururo.2011.02.026
  3. Stephenson AJ, Scardino PT, Kattan MW, et al. Predicting the outcome of salvage radiation therapy for recurrent prostate cancer after radical prostatectomy. J Clin Oncol 2007;25:2035-41. DOI: 10.1200/JCO.2006.08.9607
  4. Bolla M, Van Tienhoven G, Warde P, et al. External irradiation with or without long-term androgen suppression for prostate cancer with high metastatic risk: 10-year results of an EORTC randomised study. Lancet Oncol 2010;11:1066-73. DOI: 10.1016/S1470-2045(10)70223-0
  5. Shipley WU, Seiferheld W, Lukka HR, et al. Radiation with or without antiandrogen therapy in recurrent prostate cancer. N Eng J Med 2017;376:417-28. DOI: 10.1056/NEJMoa1607529
  6. Carrie C, Hasbini A, de Laroche G, et al. Salvage radiotherapy with or without short-term hormone therapy for rising prostate-specific antigen concentration after radical prostatectomy (GETUG-AFU 16): a radomised, multicentre, open-label phase 3 trial. Lancet Oncol 2016;17:747-56. DOI: 10.1016/S1470-2045(16)00111-X
  7. Cancer de la prostate. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour: 08/01/2014. Dernière revue: 08/01/2014.

 

 


Auteurs

Moris L.
Dienst Urologie, UZ Leuven
COI :

Van den Broeck T.
Dienst Urologie, UZ Leuven; Laboratorium voor Moleculaire Endocrinologie, KU Leuven
COI :

Claessens F.
Laboratorium voor Moleculaire Endocrinologie, KU Leuven
COI :

Joniau S.
Dienst Urologie, UZ Leuven
COI :

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