Analyse


Que penser de la thérapie par compression pour la prévention de la cellulite récidivante ?


15 05 2021

Professions de santé

Médecin généraliste
Analyse de
Webb E, Neeman T, Bowden FJ, et al. Compression therapy to prevent recurrent cellulitis of the leg. N Engl J Med 2020;383:630-9. DOI: 10.1056/NEJMoa1917197


Conclusion
Cette étude randomisée, contrôlée, menée en ouvert dans un seul centre, qui a été correctement terminée précocement, montre que la thérapie par compression conduit à une diminution du taux de récidive de la cellulite chez des adultes présentant un œdème chronique des membres inférieurs et ayant des antécédents de cellulite. On ignore dans quelle mesure ce résultat est extrapolable au monde réel.



La cellulite se distingue difficilement de l’érysipèle dans la pratique clinique, la différence étant plutôt du ressort de l’anatomopathologiste. Dans la cellulite, l’infection touche non seulement le derme, mais aussi l’hypoderme, ce qui est moins le cas dans l’érysipèle, et l’érythème est donc moins bien circonscrit et moins surélevé en cas de cellulite (1). Généralement, la cellulite survient dans les membres inférieurs. Dans près de 50% des cas, elle récidive dans les 3 ans (2). Minerva a déjà discuté d’une synthèse méthodique montrant que les récidives étaient moins fréquentes sous traitement antibiotique prophylactique (en particulier la pénicilline V à la faible dose de 2 x 400 000 UI par jour) pendant 18 mois. Le bénéfice disparaissait toutefois après l’arrêt de ce traitement antibiotique préventif (3,4). L’effet d’une approche prophylactique non antibiotique, telle que le traitement de l’œdème chronique des jambes, n’a pas été suffisamment étudié. Pourtant, l’œdème chronique des jambes est considéré comme un facteur de risque majeur de cellulite (1). Certains guides de pratique clinique préconisent donc une thérapie par compression pour la prévention de la cellulite récidivante, même si cette recommandation n’est pas encore suffisamment étayée (1).

 

Une étude randomisée menée en ouvert dans un seul centre dans un hôpital public en Australie a examiné l’effet de la thérapie par compression des membres inférieurs associée à l’éducation sur la prévention de la cellulite par rapport à l’éducation seule chez 84 patients atteints d’œdème chronique d’une ou des deux jambes depuis plus de 3 mois et ayant des antécédents d’au moins deux épisodes de cellulite dans la même jambe sur une période de 2 ans (5). Après randomisation, les patients du groupe intervention ont donc été invités à porter des bas de contention ajustés pendant la journée. En cas d’œdème étendu, des bandages compressifs étaient initialement appliqués par un professionnel de la santé pendant 3 à 5 jours. L’éducation consistait à donner des informations sur les avantages des soins de la peau, la prévention des infections fongiques entre les orteils, un poids corporel sain et une activité physique régulière. La randomisation a été effectuée correctement, et le secret d' attribution (concealment of allocation) a été préservé. Les auteurs ont calculé que 162 patients devaient être inclus afin de pouvoir démontrer une réduction de 50% du nombre de récidives de cellulite dans le groupe intervention par rapport au groupe témoin avec une puissance de 80% après trois ans. Les investigateurs ont décidé d’arrêter le recrutement des patients précocement après 20 mois lorsqu’une analyse intermédiaire a montré que 23 épisodes de cellulite s’étaient déjà produits pendant cette période. Post-hoc, le niveau de signification pour le principal critère de jugement a été abaissé (d’une valeur p de 0,05 à une valeur p de 0,003), de sorte que les différences absolues du principal critère d’évaluation entre les deux groupes devaient être plus importantes pour pouvoir démontrer la signification statistique. Cela remplissait les conditions pour un arrêt précoce de l’étude (6). Au moment de l’analyse intermédiaire, 84 patients étaient inclus. Tous les participants avaient un œdème des membres inférieurs, 79% avaient un IMC ≥ 33, et 26% avaient connu ≥ 3 épisodes de cellulite au cours des 2 années précédant l’inclusion. Lors d’un suivi médian de 186 jours (interquartile de 0 à 511), on a observé que 6 participants (soit 15%) du groupe intervention et 17 participants (soit 40%) du groupe témoin avaient connu un épisode de cellulite (HR de 0,23 avec IC à 95% de 0,09 à 0,59 ; p = 0,002). Le diagnostic a été posé par des médecins qui n’étaient pas directement impliqués dans l’étude. Cependant, comme les patients et les évaluateurs de l’effet, qui devaient confirmer le diagnostic, savaient quel traitement était attribué, le risque de biais de détection est élevé. L’extrapolation des résultats au monde réel est également limitée en raison du fait que les participants étaient accompagnés par des kinésithérapeutes spécialisés et probablement pour cette raison 88% des participants portaient des bas de contention au moins 4 jours par semaine. Concernant les critères d’évaluation secondaires, il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes en termes d’hospitalisations pour cellulite (respectivement 3 participants (soit 7%) contre 6 (soit 14%)). Une différence en termes de qualité de vie ou d’apparition d’effets indésirables n’a pas non plus pu être établie.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Plusieurs guides de pratique clinique recommandent une thérapie par compression pour éviter la récidive de la cellulite chez les patients présentant un œdème préexistant des membres inférieurs (1,7).

 

Conclusion

Cette étude randomisée, contrôlée, menée en ouvert dans un seul centre, qui a été correctement terminée précocement, montre que la thérapie par compression conduit à une diminution du taux de récidive de la cellulite chez des adultes présentant un œdème chronique des membres inférieurs et ayant des antécédents de cellulite. On ignore dans quelle mesure ce résultat est extrapolable au monde réel.

 

 

Références 

  1. Érysipèle et cellulite. Ebpracticenet. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour 10/05/2016. Dernière révision contextuelle 13/03/2018.
  2. Cox NH. Oedema as a risk factor for multiple episodes of cellulitis/erysipelas of the lower leg: a series with community follow-up. Br J Dermatol 2006;155:947-50. DOI: 10.1111/j.1365-2133.2006.07419.x
  3. Chevalier P. Intérêt d’une antibioprophylaxie en cas de cellulite récidivante ? MinervaF 2018;17(7):89-92.
  4. Dalal A, Eskin-Schwartz M, Mimouni D, et al. Interventions for the prevention of recurrent erysipelas and cellulitis. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 6. DOI: 10.1002/14651858.CD009758.pub2
  5. Webb E, Neeman T, Bowden FJ, et al. Compression therapy to prevent recurrent cellulitis of the leg. N Engl J Med 2020;383:630-9. DOI: 10.1056/NEJMoa1917197
  6. Chevalier P. Arrêt prématuré des études. MinervaF 2010;9(11):136.
  7. Cellulite et érysipèle. Formularium Formulaire de soins aux Personnes Agées 2016.

 


Auteurs

Poelman T.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

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